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Rentrée en fanfare Paris Théâtre des Champs-Elysées 09/12/2010 - et 9 (Bruxelles), 10 (Rotterdam) septembre 2010 Gustav Mahler: Symphonie n° 2
Kate Royal (soprano), Ekaterina Gubanova (mezzo)
Collegium Vocale Gent, Accademia musicale Chigiana Siena, Rotterdams Philharmonisch Orkest, Yannick Nézet-Séguin (direction)
Y. Nézet-Séguin (© Marco Borggreve)
Changement de programmes: avant d’instaurer la gratuité du placement par les ouvreuses, envisagée pour la rentrée prochaine, Michel Franck a souhaité mettre le Théâtre des Champs-Elysées au diapason des autres grandes salles parisiennes. Le programme est donc désormais distribué aux spectateurs, mais sa présentation, à l’image du nouveau site Internet, n’évoque plus les ors et velours de la salle des frères Perret. Les brochures luxueusement documentées (et payantes) sont remplacées par deux feuilles de format A4 pliées pour obtenir un opuscule de huit pages (sans publicités): après la couverture, deux sont consacrées à la notice, quatre aux artistes, aucune aux textes chantés et la dernière à une mise en perspective historique («Cette année là»), souci pédagogique inspiré des «Concerts du dimanche matin» (qui regagnent d’ailleurs cette année l’avenue Montaigne après avoir passé quelque temps au Châtelet).
Il serait bien évidemment injuste de réduire l’arrivée du nouveau directeur général à ces évolutions somme toute mineures. Ainsi les représentations de Passion de Dusapin apportent-t-elles dès octobre une coloration contemporaine qui n’était pas le fort de la programmation de son prédécesseur. Cela étant, la passation de pouvoirs et la transition se sont faites de façon progressive: on reconnaît encore bien la patte de Dominique Meyer dans cette succession d’opéras baroques, en version scénique ou non, et de formations symphoniques prestigieuses (Vienne, Saint-Pétersbourg, Dresde, Radio bavaroise, Philharmonia, ...). Inaugurant ce défilé, l’Orchestre philharmonique de Rotterdam, «résident» aux Champs-Elysées pour trois concerts, ouvre en même temps la saison avec à sa tête celui qui en est le directeur musical depuis août 2008, Yannick Nézet-Séguin, dans la Deuxième symphonie (1894) de Mahler.
Impossible, décidément, d’échapper au compositeur, entre les cent cinquante ans de sa naissance (2010) et les cent ans de sa disparition (2011): la salle Pleyel, qui avait d’ailleurs fait sa réouverture en 2007 avec cette même Deuxième (voir ici), a choisi, voici moins d’une semaine, l’encore plus colossale Huitième (voir ici), sous la direction de Valery Gergiev... prédécesseur de Nézet-Séguin devenu chef honoraire à Rotterdam, où il a donné son nom depuis 1996 à un festival. La thématique en était cette année «la résurrection» et il s’est donc tout naturellement conclu, deux jours plus tôt, avec la Deuxième symphonie.
Deux œuvres de dimensions tout sauf modestes, tant par leur durée que par leur effectif vocal et instrumental, mais que l’on n’en retrouvera pas moins à plusieurs reprises à Paris dans les mois qui viennent: Deuxième par Gergiev et le Mariinsky (11 décembre) puis par Tilson Thomas et San Francisco (31 mai), Huitième par Gatti et le National (10 juin). Sans même compter la non moins imposante Troisième, voilà ainsi des moyens considérables affectés à une seule et unique cause. Si juste et importante cette cause soit-elle, il est permis de se demander si la France, après avoir longtemps méconnu voire méprisé Mahler, n’a pas succombé à un excès inverse. Dès lors, quitte à monter des symphonies chorales de cette envergure, pourquoi ne pas songer à la Faust-Symphonie de Liszt, à la Première («Marine») de Vaughan Williams ou à la Première («Gothique») de Brian?
Le public ressent-il lui-même une lassitude? Toujours est-il qu’en ce dimanche soir, il reste des fauteuils vides. Dommage, car si les musiciens de Rotterdam ne renouvellent pas le miracle réalisé par leurs compatriotes du Concertgebouw sous la baguette étincelante de Mariss Jansons en décembre dernier dans cette même Deuxième de Mahler (voir ici), ils surpassent sans peine, à en juger du moins par cette seule symphonie, les intégrales mahlériennes, en cours ou achevées ces dernières années, des trois principales phalanges parisiennes.
On le doit d’abord à un orchestre d’excellente tenue, grâce à de beaux premiers pupitres (parmi lesquels on a plaisir à retrouver Juliette Hurel à la flûte et Julien Hervé à la clarinette) et malgré des cordes un petit peu en retrait. Le chœur n’est autre que le Collegium vocale gantois de Philippe Herreweghe, fidèle à sa légendaire perfection et augmenté de l’Académie musicale Chigiana de Sienne: sa fréquentation du répertoire baroque s’entend lors de son entrée a capella, dans un style jurant quelque peu avec le souffle et la folie romantiques qui précèdent son intervention, mais quelle pureté et quelle justesse dans ces voix! En scène dès la fin du premier mouvement, les deux solistes contribuent à cette prestation de grande qualité: dans son lied, Ekaterina Gubanova, impeccable de tessiture, de projection et de diction, conserve une expression sobre; elle est rejointe dans le Finale par Kate Royal, qui s’acquitte comme il faut du peu qui lui échoit.
L’ensemble est mené avec fougue et fracas par un chef qui a presque exactement l’âge du compositeur: Nézet-Séguin sait clairement ce qu’il veut et sait exactement comment y parvenir. A force de surligner certains passages, il n’évite certes pas quelques tunnels dans les deux premiers mouvements, mais sa manière d’exacerber les contrastes entre les atmosphères et les tempi est indéniablement payante: sans pour autant perdre le sens des progressions ni rendre le propos trop décousu, voilà une vision délibérément spectaculaire, riche en paroxysmes et apocalypses – mais après tout ce n’est pas de Haydn ou de Mozart qu’il est ici question. Et le chef québécois sait également faire preuve de finesse, à l’image d’un troisième mouvement particulièrement réussi, truculent sans excès, comme une kermesse populaire et grotesque.
Le site du Théâtre des Champs-Elysées
Le site de Yannick Nézet-Séguin
Le site de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam
Le site du Collegium vocale de Gand
Le site de l’Académie musicale Chigiana de Sienne
Simon Corley
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