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Toute l’âme russe en Provence!

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Théâtre Antique
08/06/2010 -  
Piotr Illitch Tchaïkovski : Concerto pour piano n° 1 en si bémol mineur op. 23 – Symphonie n° 6 en si mineur op. 74 «Pathétique»

Andrei Korobeinikov (piano)
Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Kwamé Ryan (direction)


A. Korobeinikov et K. Ryan (© Philippe Gromelle/Orange)


L’unique concert symphonique de cette édition 2010 des Chorégies d’Orange permet d’entendre l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine entre ses deux prestations dans Mireille de Gounod, cette fois-ci aux mains de son directeur musical, Kwamé Ryan. Fazil Say, souffrant, est remplacé par un jeune pianiste russe de 24 ans, Andreï Korobeinikov, très remarqué pour son disque Scriabine chez Mirare. La puissance sonore déployée par son piano frappe dès l’introduction du Premier Concerto de Tchaïkovski, puisqu’il surpasse celle de l’orchestre, il est vrai entendu du premier gradin, donc légèrement en contrebas de la scène. Néanmoins, l’orchestre joue de façon fort juste et précise, ce qui est très méritant vu un mistral souvent déchaîné qui emporte même quelques partitions! Au-delà de traits d’une virtuosité étincelante qui enthousiasment surtout dans le Final, Andreï Korobeinikov nous comble également par des moments de poésie très inspirés, où l’âme s’envole sur les ailes du rêve, dans les diaprures des souvenirs merveilleux de l’enfance, retrouvant les couleurs de Casse-Noisette. Le pianiste insuffle une superbe intensité à chaque phrase, pour nous offrir un Tchaïkovski délicat, raffiné, à la sensibilité à fleur de peau. Dans les ombres affleurent le poids des tragédies de l’existence, et lorsque les rafales de vent répondent aux rafales pianistiques, l’atmosphère romantique devient féerique! Kwamé Ryan et l’Orchestre de Bordeaux accompagnent magnifiquement la prestation du pianiste, au point que d’entendre des couleurs aussi typiquement russes dans un Théâtre antique romain sous le ciel provençal semble soudain formidablement incongru, comme si les milliers d’auditeurs d’Orange étaient l’objet d’un rapt gigantesque! Dire que ce tour de magie propre à la musique est opéré par des musiciens bordelais, dirigés par un afro-américain canadien originaire de Trinidad! Le génie musical ne connaît décidément aucune frontière!


Cela se confirme avec l’exécution de la Symphonie «Pathétique». Dans le premier mouvement, Kwamé Ryan obtient de ses musiciens une magnifique incarnation du désespoir morbide, de la douceur des souvenirs amoureux, de l’âpreté des luttes de l’existence. Dans la valse-hésitation de l’Allegro con grazia, introduite par des violoncelles somptueux, tous les musiciens semblent jouer comme un seul homme, avec une superbe homogénéité, un raffinement et une élégance folle. L’acoustique des lieux occulte bien des détails, mais avec ses cordes valeureuses et charnues et ses cuivres formidables, on se dit que cette phalange est vraiment l’une des meilleures de l’Hexagone! Il n’y a guère que le début brillantissime du Scherzo pour altérer légèrement la précision de rythme et d’attaque des cordes et même des vents, mais il est vrai que le mistral, un temps calmé, se lève à nouveau. Et l’éblouissante péroraison finale est proprement grisante. Dans l’Adagio lamentoso final, l’orchestre délivre une pâte sonore encore plus fastueuse, comme si les musiciens apprivoisaient l’acoustique du Théâtre antique, ou si leur engagement allait encore croissant. On a vraiment le sentiment de l’expression de la douleur nue, d’un cœur qui s’adresse à Dieu : «Pourquoi m’as-tu envoyé un tel destin de souffrance?». L’unité, la ferveur, l’engagement unique obtenus par Kwamé Ryan touche si profondément les auditeurs, que de longues secondes de silence s’écoulent après l’extinction des dernières notes, avant que le public ne remercie les artistes pour un si beau concert.


Le site de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine
Le site d’Andrei Korobeinikov



Philippe van den Bosch

 

 

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