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Quand Vézère rime avec anniversaire

Brive
Voutezac (Château du Saillant)
08/07/2010 -  et 7, 9 mai (Neuchâtel), 11 (Lulworth), 16 (London), 19 (Wotton Underwood), 23 (St. Peter Port), 25 (Oakford) juin, 13 (St. Lawrence), 30 (Wells next the Sea) juillet, 10 (Vouvant), 14, 20, 28 (Saint-Jean-Cap-Ferrat) août, 9 (Chichester), 11 (Henley-on-Thames) septembre 2010
Giuseppe Verdi : Falstaff

Alan Fairs (Falstaff), Tom Mac Veigh (Ford), Adrian Dwyer (Fenton), Peter Van Hulle (Dr Cajus), Kevin Jones (Bardolfo), Daniel Howard (Pistola), Linda Richardson (Alice Ford), Sarah Power (Nannetta), Antonia Sotgiu (Mrs Quickly), Louise Mott (Meg Page)
Anna Tilbrook (piano)
David Edwards (mise en scène), Cordelia Chisholm (décors), Louise Cassettari, Francesca Previ (costumes)




Du 7 juillet au 25 août, le festival de la Vézère fête ses trente ans, fort d’une histoire que la comtesse Isabelle de Lasteyrie du Saillant, fondatrice de cette manifestation avec son époux Guy (1924-1999), retrace dans un ouvrage riche d’illustrations et d’anecdotes. L’un de leurs objectifs était d’inciter à une meilleure connaissance du riche patrimoine de la région, à commencer par leur propre château (XVe), la propriété étant demeurée dans la famille presque sans interruption depuis le XIIIe siècle. Au fil de ces trois décennies, de nombreuses vedettes se sont donc produites dans les églises bordant la rivière corrézienne et périgourdine qui se jette dans la Dordogne: Anderszewski, Bashmet, Berganza, van Dam, Grimaud, Hendricks, Horne, Petibon, Verrett, et encore en 2010 François-René Duchâble, Philippe Jaroussky, Xavier de Maistre, Anne Queffélec, ... Mais la programmation s’est par ailleurs toujours souciée de faire découvrir de jeunes talents, comme cette année le prodige américain Kit Armstrong.


Six des quinze concerts de cette édition prennent place au Saillant: autour d’un pont gothique à six arches ogivales (XIIIe), le village est également fier de sa chapelle (XIVe). Restaurée en 1978, elle comprend des vitraux conçus par Marc Chagall – les derniers à avoir été posés du vivant de l’artiste – et réalisés par le maître-verrier Charles Marcq. On a pu entendre au Saillant David Fray et on y verra à deux reprises un spectacle de marionnettes «Le Dormeur éveillé», mais grâce aux Britanniques de Pavilion Opera, dont le pianiste, Bryan Evans, a créé en 1996 Diva Opera, l’un des moments forts du festival est le week-end consacré aux opéras en version de chambre. La venue de cette compagnie, qui collabore régulièrement avec des special guests tels José Carreras ou Kiri Te Kanawa, est attendue chaque été avec impatience sur les bords de la Vézère, où elle a véritablement trouvé sa seconde patrie. On le comprend aisément après avoir assisté au Falstaff (1893) de Verdi qu’elle a donné au milieu d’un marathon entamé la veille avec Carmen et s’achevant le lendemain sur une «soirée anniversaire» autour de La Chauve-souris.


Est-ce cette présence anglaise qui suggère un petit air de Glyndebourne? La splendeur du site en ce début de soirée estivale bénie par des conditions météorologiques idéales et la présence d’un traiteur proposant quelques délicieuses assiettes à déguster dans le parc ou sur les pelouses alentours contribuent bien davantage à cette impression. Mais c’est du Glyndebourne première manière qu’il s’agit, au milieu des années 1930, lorsque John Christie ouvrit à la musique son manoir du Sussex, bien avant qu’une salle plus moderne y ait été édifiée: les spectacles se déroulent en effet dans une ancienne grange au confort relativement précaire, qui ne décourage nullement un auditoire fidèle à ces rendez-vous annuels, occupant jusqu’à la petite mezzanine du bâtiment.


Avec un professionnalisme qui ne peut que susciter l’admiration, Diva Opera parvient très rapidement à faire oublier les moyens orchestraux et scéniques d’une représentation traditionnelle. A cette fin, toutes les circulations sont exploitées, non seulement vers les coulisses latérales, mais aussi vers l’extérieur, où sont entreposés les accessoires apportés et enlevés par les deux régisseurs. Le petit plateau circulaire incliné vers l’avant est presque entièrement cerné par les spectateurs, souvent mis à contribution par les protagonistes dans le feu de l’action: Falstaff s’appuie sur le premier rang pour se relever, fait mine de jeter un seau d’eau vers la salle et emprunte des lunettes pour lire un billet que lui a adressé Alice. Tout cela tend certes vers la farce – mais la morale de l’histoire n’est-elle pas que «le monde entier est une farce»? – sans oublier pour autant la poésie, telles ces petites ombrelles qui s’allument lors du chœur des fées.


Cette scène de fortune est rapidement encombrée, mais les mouvements de la troupe, tout à fait en phase avec la partition, sont impeccablement réglés par David Edwards, dont le travail regorge de détails cocasses: malgré l’absence de surtitrage, les rires fusent à maintes reprises. Pour évoquer l’auberge, la maison des Ford ou le parc de Windsor, les décors de Cordelia Chisholm jouent avec brio d’un nombre nécessairement limité d’éléments: rideau ouvert ou fermé, fauteuil et repose-pieds, balai, aiguières et pintes, les indispensables paravent et panier à linge mais aussi deux potences auxquelles sont successivement suspendus divers objets (bouteilles vides, flèches, horloge, clef, vêtements de Falstaff s’égouttant après son plongeon forcé, branches d’arbres stylisées, ...). Les costumes de Louise Cassettari et Francesca Previ cherchent plus l’efficacité et la vraisemblance historique que l’originalité, la tenue d’apparat de Falstaff ne manquant cependant pas d’exercer son effet, moins sur Alice – hélas pour sir John – que sur un public réjoui par ses pimpants collants roses.


Le tout se tient grâce à la force du théâtre et à l’art accompli de comédiens qui savent même improviser: lorsqu’un papillon de nuit vient voleter autour de Mrs. Quickly, Falstaff fait mine de l’écraser d’un claquement de mains – parfaitement en mesure. Mais ces acteurs sont avant tout d’excellents chanteurs, de telle sorte que l’aspect proprement musical n’apparaît en rien comme le parent pauvre de cette production. Car pour un Ford chevrotant et passant à côté de la plupart de ses notes, ou un Fenton trop en force par rapport aux exigences du rôle, la distribution n’offre que des satisfactions. A tout seigneur, tout honneur: Alan Fairs campe un Falstaff plus vrai que nature, truculent et roublard, réussissant en même temps à rester sympathique en n’accentuant ni le ridicule ni la méchanceté de son personnage. On se demande même comment Alice reste fidèle à son mari et ne se laisse pas séduire par le bedonnant chevalier, car sa prestation vocale n’appelle que des éloges, notamment dans son monologue au début du dernier acte. Les commères forment un beau quatuor, dont se détachent la Nannetta fraîche et piquante de Sarah Power, exquise reine des fées, et la Mrs. Quickly impressionnante d’Antonia Sotgiu, revendiquant la tessiture de mezzo mais aux graves plus charnus et timbrés que bien des contraltos.


En l’absence de l’âme de Diva Opera, Bryan Evans, souffrant, l’esprit d’équipe n’en souffle pas moins grâce à deux femmes: c’est au seul piano d’Anna Tilbrook qu’il revient de traduire la versatilité et la subtilité de l’orchestre verdien, mais elle est soutenue par une tourneuse de pages qui n’est autre qu’Anne Marabini Young, cofondatrice et directrice générale de la compagnie. Résultat? Les ensembles fonctionnent sans le moindre accroc, jusqu’à la périlleuse fugue finale: le monde entier n’est peut-être qu’une farce, mais celle-ci est montée avec le sérieux et la précision les plus grands qui soient. Une réussite éblouissante: pas plus que dans la Tamise ce Falstaff ne se noie dans la Vézère.


Le site du festival de la Vézère
Le site de Diva Opera



Simon Corley

 

 

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