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Divertissements de Salon

Salon-de-Provence
Château de l’Emperi
08/04/2010 -  
Franz Lachner : Septuor (& *)
Ludwig van Beethoven : Sérénade pour flûte, violon et alto, opus 25 (+)
Fabien Waksman : Shibuya Crossing (création)
Wolfgang Amadeus Mozart : Duo pour violon et alto n° 1, K. 423 – Divertimento n° 21 «à Puchberg», K. 563 (#)

Emmanuel Pahud (flûte), François Meyer (hautbois), Paul Meyer (clarinette), Gilbert Audin (basson), Chezy Nir (cor), Maja Abramovic (+), Daishin Kashimoto, Deborah Nemtanu (&), Alexander Sitkovetsky (#) (violon), Christophe Gaugué (*), Antoine Tamestit (alto), Jérôme Pernoo (violoncelle), Yasunori Kawahara (contrebasse), Alphonse Cemin (piano)


D. Kashimoto et A. Tamestit (© Dominique Coccitto)


Le mistral s’est nettement apaisé et la cour Renaissance de l’Emperi accueille à nouveau l’un de ces programmes fleuves qui sont l’un des emblèmes du festival, de même que le souci d’illustrer par des œuvres rares la thématique choisie chaque année. Tel est le cas du Septuor (1824) de Franz Lachner (1803-1890): au lendemain de son bref Intermezzo lyrique (voir ici), voici l’occasion de faire plus ample connaissance avec celui qui fut l’ami de Schubert dans sa jeunesse avant de tenir un rôle central dans la vie musicale munichoise. L’influence du Septuor de Beethoven est sensible: tonalité identique (mi bémol), formation comparable (la flûte se substituant au basson), même caractère de sérénade, vastes proportions (cinq mouvements de près de 40 minutes, l’enregistrement édité chez Marco Polo incluant même un Scherzo qui, bien que mentionné dans les notes de programme, n’est pas donné ici). Davantage que le premier mouvement, traditionnelle forme sonate précédée d’un Andante maestoso et comprenant un développement assez élaboré, le Menuetto, croquignolet à souhait, a tout pour devenir un véritable tube. Le thème de l’Andante (à variations) surprend par ses équivoques harmoniques tandis que l’Allegro moderato final, débonnaire et tendre, dégage un aimable charme Biedermeier.


Si elle n’a guère davantage de prétentions, la Sérénade pour flûte, violon et alto (1796), essentielle ni pour l’histoire de la musique ni même dans le catalogue de Beethoven, porte toutefois la marque du génie. Et elle dispense de merveilleux instants de plaisir, coulant de source et pétillant, magnifiée il est vrai par des musiciens d’exception qui alternent humour et grâce, debout, dansant quasiment, le flûtiste Emmanuel Pahud et l’altiste Antoine Tamestit, tellement éblouissant qu’il relègue quelque peu dans l’ombre la violoniste Maja Abramovic.


Le festival ne néglige pas la musique de notre temps: deux sextuors associant, comme celui de Poulenc, quintette à vent et piano, sont ainsi créés en 2010. Après celui de Fuminori Tanada, le 31 juillet, c’est le tour de celui de Fabien Waksman (né en 1980), qui, devant à l’origine être donné la veille, a été décalé d’une journée en raison du report dont le Quintette de Klughardt avait lui-même souffert, ce jeu de chaises musicales se faisant au détriment de l’Humoresque de Zemlinsky, initialement annoncée. Au conservatoire de Paris (CNSMDP), le jeune Français a notamment étudié avec Connesson, Escaich et Zygel: cela s’entend dans Shibuya Crossing, du nom d’un carrefour très animé de Tokyo. Cette activité incessante trouve sa traduction dans un flux motorique et répétitif qui ne s’interrompt presque jamais, même lorsque la flûte tente d’imposer un climat plus calme, évoquant celui de la musique traditionnelle japonaise. Entre Copland, Bernstein et Reich, rappelant plus lointainement Martinů ou Ligeti, ces 20 minutes d’ostinatos et de jubilation instrumentale ne visent pas à révolutionner quoi que ce soit et peinent parfois à se renouveler, mais ne déparent nullement dans cette soirée placée sous le signe du divertissement


Le divertissement n’exclut cependant pas la profondeur, en particulier chez Mozart, qui a évidemment toute sa place dans la «saison viennoise» qui constitue le fil rouge de cette édition, même si ses relations avec la cité des Habsbourg furent pour le moins ambiguës. Le Premier duo pour violon et alto (1783) renvoie quant à lui aux mauvais souvenirs salzbourgeois, Mozart venant ici en aide à son ami Michael Haydn, qui, malade, n’avait pu achever les six Duos commandés par l’archevêque Colloredo. Nul doute qu’il a dû prendre plaisir à retrouver la parité et la fraternité du violon et de l’alto qui l’avaient déjà inspiré pour sa Symphonie concertante, quatre ans plus tôt, dans la même tonalité de mi bémol. Avec Daishin Kashimoto et Antoine Tamestit, le bonheur est complet, et la complicité parfaite: même les blagues semblent contaminées par le caractère volontiers potache que l’on prête à Mozart, lorsque l’altiste accorde son instrument pour faire mine de couvrir son partenaire violoniste qui essaie de se moucher discrètement.




Toujours avec Antoine Tamestit, entouré cette fois-ci d’Alexander Sitkovetsky et Jérôme Pernoo, on reste sur des sommets, dans l’immense Divertimento pour trio à cordes (1788), à nouveau dans un mi bémol maçonnique cultivant lui aussi la référence au chiffre trois. Dans son hommage à Vienne, le millésime 2010 se veut fidèle à l’esprit de la schubertiade, mais les réunions musicales (et «fraternelles») autour de Mozart en sont tout à fait la préfiguration, quelques décennies plus tôt, à l’image de ce «grand trio» dédié à l’ami (et créancier) Michael von Puchberg (ou du Trio «des Quilles» à l’affiche le 6 août). Formidable défi que l’écriture à trois voix sans aucun artifice, défi qui peut tourner au pensum pour l’auditeur quand les interprètes ne sont pas à la hauteur ou simplement dans un mauvais jour: rien de tel ici, et l’on se réjouit au contraire de pouvoir profiter dans d’aussi bonnes conditions de cette partition somme toute assez peu fréquentée.



Simon Corley

 

 

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