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Une Tosca respectée, mais aux pieds d’Alagna

Orange
Théâtre Antique
07/15/2010 -  et 18 juillet 2010
Giacomo Puccini : Tosca

Catherine Naglestad (Floria Tosca ), Roberto Alagna (Mario Cavaradossi), Falk Struckmann (Il Barone Scarpia), Wojtek Smilek (Cesare Angelotti), Michel Trempont (Il Sagrestano), Jean-Marie Delpas (Sciarrone), Christophe Mortagne (Spoletta), Jean-Marie Frémeau (Il Carcierere)
Chœurs de l’Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays de Vaucluse, de l’Opéra de Toulon Provence-Méditerranée et du Théâtre du Capitole de Toulouse, Maîtrise des Bouches-du-Rhône, Orchestre Philharmonique de Radio France, Mikko Franck (direction musicale)
Nadine Duffaut (mise en scène), Emmanuelle Favre (scénographie), Katia Duflot (costumes), Jacques Chatelet (éclairages)

Pour l’ouverture des Chorégies 2010, le Théâtre antique est archi-bondé. L’affiche s’avère en effet très prometteuse: Roberto Alagna, après dix opéras à Orange depuis 1993, y chante pour la première fois dans une nouvelle production de Tosca, avec Catherine Naglestad, qui triomphe dans ce rôle depuis plusieurs années sur la plupart des grandes scènes lyriques du monde, et qui reçut pour ces prestations le prix Maria Callas, après avoir été désignée «meilleure chanteuse de l’année» par le magazine Opernwelt.


Alagna ne déçoit pas son public: sa voix d’or et de soleil d’une puissance phénoménale semble taillée sur mesure pour relever le défi d’Orange. Il en use avec sa générosité coutumière, chantant véritablement pour les auditeurs du dernier gradin. Avec son allure de beau gosse et sa ligne de chant épanouie, il campe un Mario Cavadarossi fier et séduisant au possible, qui désarme toute envie de chipoter.


Partager la scène avec un artiste aussi charismatique doit être bien redoutable! Ainsi Catherine Naglestad nous enchante moins totalement que dans Manon Lescaut du même Puccini à l’automne dernier à Marseille. D’ordinaire, elle rivalise en puissance avec n’importe quel ténor, alors que là les duos semblaient un peu déséquilibrés. Peut-être était-elle moins en voix, car il valait mieux être dans les premiers rangs pour apprécier son timbre velouté, son cantabile ravissant, ses phrasés épurés, ses sons filés à se pâmer. Evidemment, elle ne possède pas la sauvagerie des Tosca mythiques d’antan, Maria Callas ou Leontyne Price. Elle semble plus parfaitement en situation dans l’amoureuse éperdue du premier acte que dans la meurtrière du deuxième, même si elle sait trouver lorsqu’il le faut quelques accents rauques bienvenus. Enfin, son incarnation vocale et théâtrale est tout de même fort belle, et à défaut de ressusciter Callas, on ne peut guère trouver mieux de nos jours.


Le baryton-basse wagnérien Falk Struckmann apparaît pour la première fois à Orange. Son Scarpia est saisissant visuellement, avec sa manière ondoyante de se déplacer tel un serpent visqueux! Vocalement, il semble davantage à la peine, ne trouvant qu’au fil des actes une projection suffisante, avec des graves bien courts : ses moyens paraissent quelque peu déclinants. Les seconds rôles s’avèrent plutôt satisfaisants d’un point de vue pittoresque, mais non pourvus de voix capables de se faire remarquer dans l’acoustique d’Orange.


Le jeune chef finnois Mikko Franck séduit manifestement les musiciens du Philharmonique de Radio France: l’orchestre joue juste, avec enthousiasme, et sa direction précise cherche à mettre en lumière quantité de détails de la partition, voilà qui nous change de ce qu’on entend ordinairement chez Puccini, ou de la part de cet ensemble avec d’autres chefs. Evidemment, cet intéressant parti pris analytique révèle quelques défaillances ponctuelles dans la tenue ou la plénitude des timbres, avec des cordes parfois aigres ou acides. Mais Mikko Franck parvient à procurer la tension dramatique nécessaire aux scènes, qui va croissante.


Les chanteurs et le chef sont bien secondés en cela par une mise en scène efficace à défaut d’être inventive, due à Nadine Duffaut. Le gigantesque portrait chaviré de Marie-Madeleine en drapé rouge à déjà été vu, par exemple dans la fade version de Werner Schroeter bizarrement reprise quantité de fois de 1994 à 2007 à l’Opéra de Paris. La transposition à l’époque mussolinienne semble aller de soi, et permet à Katia Duflot de signer de sobres et élégants costumes. Les cohortes de figurants et de choristes pour les cérémonies religieuses occupent bien l’immense espace d’Orange, et la direction d’acteur, précise, captive l’attention dans les scènes intimes. Le livret est inhabituellement respecté: l’éventail et le couteau sont bien là! Il n’y a que le problématique saut final de Tosca qui est remplacé judicieusement par son entrée dans une sorte de mur de pierre, image aussi saisissante que celle de l’ombre démesurée de Scarpia s’étendant au final de l’acte I.


Sans toucher à la perfection en tout point, cette belle production restitue néanmoins bien l’intensité du drame, tant du point de vue vocal que visuel, elle se suit avec passion et émotion. Le public l’a donc fort légitimement ovationnée.



Philippe van den Bosch

 

 

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