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L’affaire Warlikowski

Bruxelles
La Monnaie
06/11/2010 -  et 13*, 15, 17, 19, 22, 25, 27, 29, 30 juin 2010
Giuseppe Verdi : Macbeth
Scott Hendrickx (Macbeth), Carlo Colombara (Banco), Iano Tamar*/Lisa Houben (Lady Macbeth), Janny Zomer (Dama di Lady Macbeth), Andrew Richards (Macduff), Benjamin Bernheim (Malcolm), Justin Hopkins (Medico/Servo/Araldo), Gerard Lavalle (Sicario), Jacques Does, Gabriel Schima, Alexander Urquhart, Damien Gilliard, Tom Geels (Apparizioni)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (direction des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Paul Daniel (direction)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczesniak (décors et costumes), Felice Ross (éclairages), Denis Guéguin (vidéo), Saar Magal (chorégraphie)




Médée avait remué les esprits il y a deux ans, ce Macbeth s’inscrit dans la même veine : explorant tel un entomologiste la part d’ombre de l’humanité, Krzysztof Warlikowski fait de l’ouvrage de Verdi son laboratoire. Revenant de la guerre – en Irak ? –, le général de l’armée de Duncan est un soldat victime du « Post-Traumatic Stress Disorder ». Incapable de s’adapter à la vie normale, il glisse lentement mais sûrement vers la folie – il finira d’ailleurs, hébété, dans un fauteuil roulant. Dans ces conditions, Lady Macbeth ne constitue qu’un catalyseur le poussant au crime. Le metteur en scène délaisse manifestement cette dernière pour s’attarder sur le rôle-titre qui rappelle à s’y méprendre Marlon Brando dans Apocalypse Now. Cet enfant terrible s’inspire d’ailleurs ouvertement du septième art, comme il l’explique dans l’éclairant entretien du Monnaie Munt Magazine. Manque d’originalité ? Pas sûr car le résultat, d’une sidérante maîtrise, reste personnel bien qu’il n’évite pas quelques poncifs comme, mais dans le genre soft, les Iphigénie en décembre dernier et Idomeneo quelques mois plus tard.


Qui dit regietheater dit lavabo : l’axiome se vérifie une fois de plus, un serviteur allant d’ailleurs y vomir sans retenue. Duncan et sa suite arrivent couchés sur de sinistres lits en fer blanc, suivis chacun d’un poste de télévision monté sur pied. Des ventilateurs qui sentent bon l’ex-Allemagne de l’Est et d’hideuses lampes montent et descendent dans un décor (conçu par Malgorzata Szczesniak, une vieille connaissance) volontairement insignifiant – que les landes écossaises sont loin ! – et dont l’éclairage glauque renforce l’angoisse. Le malaise se creuse quand huit enfants surviennent en portant le rudimentaire cercueil (sans drapeau américain) du roi ou quand d’autres évoluent avec toute leur fraîcheur et leur insouciance en portant un masque blanc terriblement inexpressif. Le spectre (multiplié) de Banco constitue à lui seul une stupéfiante trouvaille : dans une structure en verre, des enfants, tous semblables, campent des modèles miniatures du général. Et ce sont de nouveau deux garçons à la voix blanche, l’un en béquille l’autre en chaise roulante, qui apparaissent à Macbeth au troisième acte : le délire de ce dernier n’atteint aucune limite, certains affirmeront que celui du metteur en scène non plus.


Le recours à la vidéo (Denis Guéguin, autre collaborateur régulier de Warlikowski) n’étonne pas mais il faut reconnaître que lors du banquet, la projection sur grand écran, et légèrement désynchronisée, des personnages captés au moyen d’une caméra pivotante et indécelable ne manque pas d’impact. Malgré l’accumulation d’idées plus ou moins originales, plus ou moins recevables mais souvent surprenantes, force est de reconnaître le talent voire le génie avec lequel le Polonais dynamite les conventions tout en conservant la cohérence et l’évidence de son propos. Aux saluts, grave et l’air de ne pas y toucher, il récoltera de copieuses huées, selon nous injustifiées, mais, moment touchant, c’est lui qui fera venir sur scène, main dans la main, les enfants qui jouent un rôle si important dans cette nouvelle production, nettement plus dérangeante et radicale mais aussi moins anecdotique que la précédente il y a neuf ans.



(© Bernd Uhlig)


Ceux qui ne partagent pas la vision du monde pour le moins pessimiste du metteur en scène tenteront de se concentrer sur la musique qui fait par contre l’unanimité au regard de l’applaudimètre. Afin de répondre aux exigences de Krzysztof Warlikowski, un baryton d’exception s’imposait pour Macbeth : les débuts époustouflants, à tous points de vue, de Scott Hendrickx constituent le maillon fort d’un plateau valorisé également par Iano Tamar qui possède le timbre noir et le format vocal de Lady Macbeth. Carlo Colombara, qui incarne Banco, impose un chant à l’image de sa corpulence, imposant et noble, tandis qu’Andrew Richards (Macduff) réussit superbement son fort applaudi « O figli, o figli miei ! » qui viendra, pour beaucoup, comme un bienvenu bol d’air (relativement) frais. Tension dramatique permanente, pâte sonore dense mais dépourvue d’opacité, cohésion : l’Orchestre symphonique de la Monnaie suscite l’enthousiasme. Paul Daniel aborde l’ouvrage pour la première fois mais il connaît intimement son Verdi et laisse à cette occasion un souvenir au moins aussi prégnant que lors d’un inoubliable Death in Venice l’année passée. La Monnaie ne rechercherait-elle pas un nouveau directeur musical ? Quant aux chœurs, relégués durant tout le spectacle dans le poulailler – mais n’était-ce pas la meilleure option compte tenu du choix dramaturgique ? –, ils livrent une prestation d’une irréprochable fidélité de style et particulièrement théâtrale malgré leur rôle de commentateur et d’observateur. Martino Faggiani, qui les a si soigneusement préparés, encourage à juste titre le public à les acclamer.



Sébastien Foucart

 

 

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