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Et de quatre! Paris Salle Pleyel 06/08/2010 - Dominique Lemaître : Le Quark et le Papillon
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5, opus 73
Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14
Brigitte Engerer (piano)
Orchestre Colonne, Marco Guidarini (direction)
M. Guidarini (© Raphaëlle Duroselle)
Dernière soirée de la saison de l’Orchestre Colonne: même en l’absence de son directeur musical, Laurent Petitgirard, le principe reste inchangé, car bien que la durée des deux œuvres-phares du romantisme inscrites au programme eût été suffisante, le concert n’en commence pas moins sur une page de musique contemporaine française. L’initiative est d’autant plus louable qu’il ne s’agit généralement pas de premières auditions, car l’expérience montre qu’une création est somme toute relativement plus facile à monter qu’une reprise. Malgré un titre à la (John) Adams, Le Quark et le Papillon (2004) de Dominique Lemaître (né en 1953) se conforme aux canons traditionnels de l’avant-garde. Destinée à un effectif instrumental de type Mozart, cette page d’une durée d’un quart d’heure assume ses références à Joyce, aux particules élémentaires et au désormais célèbre «effet papillon»: succession de brefs phénomènes sonores alternant avec de non moins brèves plages statiques, d’apparence aussi désorganisée que mystérieuse, suggérant une inspiration (méta)physique, comme une mise en perspective de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, dans un déroulement quasi cinématographique évoquant parfois Ives ou le Ligeti des années 1960.
Pour la quatrième fois en quatre mois (et la deuxième en moins d’une semaine), le Cinquième concerto (1809) de Beethoven est encore à l’affiche de Pleyel. Egale à elle-même, Brigitte Engerer se montre flamboyante, combative et athlétique dans cet «Empereur», donnant ainsi crédit aux allusions napoléoniennes souvent associées par erreur au sous-titre. Il est vrai qu’elle possède les atouts pour en faire un grand concerto virtuose, l’empoignant avec une jubilation communicative, comme si c’était déjà le Premier de Tchaïkovski, quitte à en faire trop, comme dans le développement de l’Allegro initial ou dans le thème principal du Rondo. En ce sens, elle se révèle plus proche de l’élan conquérant de Daniel Barenboim en février que de la conception très pensée de Nicholas Angelich en avril ou de la sonorité moelleuse de Radu Lupu voici seulement cinq jours. L’accompagnement est à l’avenant, énergique voire bruyant, et la mise en place se révèle trop souvent imprécise. Toujours très aimée du public et des musiciens, Brigitte Engerer, à nouveau partition sous les yeux, offre d’abord en bis le Nocturne en ut dièse mineur (1830) de Chopin, simple et nuancé, moins alangui et étiré qu’à l’ordinaire, débarrassé de ces excès d’affectation dont tant jugent bon de le lester, puis l’un de ses chevaux de bataille, Le Rossignol (1825) d’Alabiev dans l’arrangement (1842) qu’en réalisa Liszt, où elle peut donner libre cours à sa nature généreuse.
Ancien directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Nice (2001-2009), Marco Guidarini aborde la Symphonie fantastique (1830) de Berlioz sans mordant ni truculence, bien loin du coup de tonnerre suscité en son temps par ses innovations révolutionnaires. Le premier mouvement («Rêveries. Passions») manque de... passion et l’orchestre ne brille guère par sa couleur ou sa cohésion, d’autant que les tutti paraissent assez confus. Trop débonnaire, la «Marche au supplice», dont la reprise est également respectée, manque elle aussi d’animation, malgré les exhortations répétées du chef, dont la gestuelle s’apparente à la brasse coulée. Les choses prennent en revanche une tournure à la fois plus satisfaisante et efficace dans «Un bal» et «Songe d’une nuit de sabbat», mais le mouvement le plus réussi, malgré un cor anglais flageolant, est sans doute le troisième, une «Scène aux champs» lyrique à souhait.
Le site de Marco Guidarini
Le site de Dominique Lemaître
Simon Corley
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