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On ne change pas une équipe qui gagne

Paris
Basilique de Saint-Denis
06/03/2010 -  et 4 juin 2010
Franz Schubert : Messe n° 2 en sol majeur, D. 167
Luigi Cherubini: Requiem n° 1 en ut mineur à la mémoire de Louis XVI

Elin Rombo (soprano), Topi Lehtipuu (tenor), Vincent Le Texier (basse)
Chœur de Radio France, Matthias Brauer (chef de chœur), Orchestre national de France
Riccardo Muti (direction)




Les années se suivent et se ressemblent, pour notre plus grand plaisir. Ainsi, l’édition 2010 du Festival de Saint-Denis permet-elle de nouveau d’écouter, notamment dans le cadre toujours aussi imposant de la Basilique, un programme varié alliant musique symphonique (la Royal Firewoks Music de Händel par Ophélie Gaillard et son ensemble Pulcinella voisinant avec la Cinquième symphonie de Beethoven dirigée par le violoniste Maxim Vengerov) et musique de chambre (permettant d’entendre David Fray ou Renaud Capuçon), musiques du monde (l’Angelo Debarre Quartett) et musique sacrée (notamment le Requiem Fauré dirigé par Laurence Equilbey ou le Stabat Mater de Poulenc dirigé par Alain Altinoglu).


Ce soir, le public se pressait une fois encore pour voir et écouter Riccardo Muti, fidèle au festival et à l’Orchestre national de France depuis 1982. Après un flamboyant Requiem de Verdi en 2009 (voir ici), le chef napolitain a cette année choisi de diriger les œuvres de deux compositeurs particulièrement chers à son cœur, Franz Schubert (1797-1828) et Luigi Cherubini (1760-1842), qu’il avait déjà programmés dans un même concert voilà maintenant deux ans aux côtés d’une pièce de Nicola Porpora (voir ici). Mais on sait pouvoir compter sur Riccardo Muti pour éviter la facilité et choisir ainsi des partitions dont on se demande, à leur écoute, comment il est possible qu’elles soient si rarement jouées.


Tel est par exemple le cas de la Deuxième messe de Schubert. Certes, elle fait partie de ces pièces sacrées qui, au même titre que la Première messe (en fa) ou la Troisième messe (en si bémol), ont été durablement éclipsées par les géniales Cinquième messe (en la bémol) et, surtout, Sixième messe (en mi bémol), œuvres de la maturité de Schubert où éclate un génie qu’on lui reconnaissait pourtant depuis longtemps. Composée alors qu’il n’avait que dix-sept ans, elle s’intercale au sein de la composition de la Deuxième symphonie et se trouve couchée sur la partition en l’espace de six jours seulement!


Vraisemblablement fruit d’une commande de l’église paroissiale de Schubert à Lichtental (également dédicataire de Première messe), elle frappe immédiatement par sa tonalité intimiste incarnée par la très belle ligne de chant de la jeune soprano suédoise Elin Rombo qui illumine ainsi le Kyrie. Les cordes qui intervenaient seules jusqu’alors sont rejointes par les trompettes et les timbales pour accompagner les chœurs dans un puissant Gloria, transition vers le plus beau mouvement de la messe, le Credo. Sous le regard davantage que sous la direction de Riccardo Muti, celui-ci débute par un saisissant contraste entre un sombre ostinato confié aux contrebasses et l’extrême douceur des chœurs avant de sombrer dans un passage pleinement dramatique, les nuances du reste du mouvement étant jouées piano, le son s’amenuisant jusqu’à ce que le silence orchestral coïncide parfaitement avec le mot «amen»: rarement ce soir l’impression aura été aussi forte. Le reste de la messe s’avère de facture plus classique même si l’on a incontestablement quitté le monde de Haydn pour déjà plonger dans celui de Beethoven et de ce que sera bientôt sa célèbre Missa solemnis (1822). Si les interventions d’Elin Rombo restent du plus haut niveau, on ne pourra en dire autant ni de Topi Lehtipuu, puisqu’il ne chante qu’un bref instant (dans le «Benedictus») et que son émission s’avère étonnement faible, ni de Vincent Le Texier, qui remplace au pied levé la jeune basse italienne Luca Pisaroni et dont les difficultés techniques sont palpables, notamment dans l’«Agnus Dei» conclusif.


Riccardo Muti pouvait-il choisir un autre compositeur que Luigi Cherubini pour compléter ce programme? Le chef d’orchestre n’a jamais compté son engagement en faveur du compositeur florentin de naissance, dont il a enregistré une grande partie de l’œuvre orchestrale et chorale et qu’il ne cesse de jouer à travers le monde. Ainsi a-t-il déjà donné, en la Basilique de Saint-Denis, la Grande messe solennelle n° 2 en juin 2003 (voir ici), la Messe de Chimay en juillet 2006, le Chant pour la mort de Haydn en mai 2008 (voir ici) et, déjà, en juillet 2000, le Requiem à la mémoire de Louis XVI (voir ici).


La mention «Requiem n° 1» est piquante: en effet, Luigi Cherubini, pensant certainement qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, a composé en 1836 un autre requiem (en mineur, pour chœur d’hommes et orchestre) qu’il souhaitait voir interprété lors de ses propres funérailles... Au contraire, le Requiem n° 1 est une œuvre de commande, sollicitée par Louis XVIII à la mémoire de Louis XVI dont il était le frère cadet. Rappelons à cette occasion que celui qui n’était alors que le Comte de Provence avait nommé Cherubini co-directeur de son propre théâtre, le «Théâtre de Monsieur», en 1789. Remarquons également que Louis XVIII ne semble donc pas avoir tenu rigueur à Cherubini d’avoir été un compositeur prolifique pendant la Révolution française, au service des nouvelles idées politiques du moment, lui qui, si l’on se réfère à l’indispensable ouvrage Musique des fêtes et cérémonies de la Révolution française de Constant Pierre (1899), a notamment composé un Hymne à la fraternité (1794), un Hymne du Panthéon (1794), un Chant républicain du 10 août (1796) ou encore un Hymne funèbre sur la mort du général Hoche (1797).


Commençant par diriger sans baguette, Riccardo Muti aborde ce Requiem avec la gravité requise, atmosphère renforcée par le fait que les instruments prépondérants durant l’«Introitus» sont les violoncelles et les bassons, les violons n’intervenant pas. De même, dans le «Kyrie», plus qu’il ne dirige, on peut davantage dire que Muti transmet par son regard, par l’énergie qu’il dégage, une ferveur véritablement communicative à l’ensemble des protagonistes de cette soirée, à commencer par l’excellent Chœur de Radio France, parfait de bout en bout. La rupture s’avère quelque peu grandiloquente avec le «Dies irae» puisque, ayant alors repris sa baguette, le chef napolitain déclenche un formidable fracas sonore servi notamment par un gong et des trompettes éclatantes: le déchaînement des forces qui s’en suit est néanmoins entrecoupé de quelques passages où Cherubini semble avoir souhaité faire une pause avant que le mouvement ne se conclue par une splendide houle musicale. L’«Offertorium» instaure un climat totalement différent de celui qui existait jusqu’alors puisque l’on passe du recueillement religieux à une atmosphère beaucoup plus théâtrale, mettant en valeur les bois, notamment clarinettes et hautbois, au début du «Hostias et preces tibi, Domine». C’est sur un «Agnus Dei» que s’achève le Requiem: là encore, Cherubini suscite la pleine attention de l’auditeur en organisant une montée en puissance des chœurs et de l’orchestre avant que, dans un dernier renoncement, tout s’achève dans un merveilleux silence.


Comme on pouvait s’y attendre, acclamations pour les artistes (notamment Matthias Brauer, le chef du chœur) et redoublement des applaudissements (et des trépignements des musiciens sur scène) pour saluer Riccardo Muti dont, encore une fois, on ne peut que regretter qu’il ne soit officiellement à l’affiche d’aucun concert pour la prochaine saison musicale parisienne.


Le site du festival de Saint-Denis
Le site de Riccardo Muti
Le site de Topi Lehtipuu
Le site de Vincent Le Texier



Sébastien Gauthier

 

 

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