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Ombres et lumières Geneva Victoria Hall 05/27/2010 - Jean Sibelius : Concerto pour violon, opus 47
Hans Werner Henze : Symphonie n° 9 « Das siebte Kreuz »
Lisa Batiashvili (violon)
Rundfunkchor Berlin, Orchestre de la Suisse Romande, Marek Janowski (direction)
L. Batiashvili (© Mat Hennek)
Lors de la présentation de la saison 2010-2011, Steve Roger, administrateur général de l’OSR, avait insisté sur le fait que Sibelius est sous-représenté à Genève et que ce compositeur reste à découvrir. Cela est vrai et si la saison prochaine permettre d’entendre sa Cinquième Symphonie, et dans l’immédiat, il faut se féliciter de retrouver son Concerto pour violon qui reste une de ses œuvres les plus célèbres.
La violoniste géorgienne Lisa Batiashvili en est une familière. Elle possède une sonorité très ample en particulier dans le registre grave qui n’est pas sans évoquer le style de David Oïstrakh. Chef et solistes sont particulièrement attentifs à l’aspect concertant de la partition, privilégiant la grandeur des lignes et trouvant de très longs crescendos. Janowski fait sonner son orchestre avec beaucoup de soin en particulier les interventions des bois et il faut simplement s’étonner que les cors cuivrent leurs entrées systématiquement au dernier mouvement. Cela permet certes un contrepoint intéressant par rapport au soliste mais est ce vraiment dans la partition ?
C’est une œuvre plus dramatique qui est proposée dans la deuxième partie avec la Neuvième Symphonie de Hans Werner Henze. Datant de 1997, cette longue pièce d’une heure est écrite d’après les lettres d’Anna Seghers, mises en poèmes par Hans-Ulrich Treichel. Ce n’est bien évidemment pas un hasard si un compositeur allemand qui a vécu la guerre et a quitté son pays dans les années 1950 choisit un chiffre emblématique – neuvième – pour écrire une œuvre aussi sombre qui évoque la résistance allemande à la barbarie nazie. Mais cette symphonie est résolument allemande dans sa taille ainsi que par son ambition. Henze y déploie une variété de styles et démontre une invention constante sans jamais se répéter ni insister sur ses idées. L’écriture chorale est très développée et révèle une forte capacité de coloration, les chœurs chantant tour à tour en parties divisées, en chuchotant, avec une partie des effectifs en coulisse…, toutes ces interventions servant avant tout un but dramatique qui permet de mieux illustrer les différents textes, évoquant successivement le fugitif, les morts, le bourreau, le platane dont va être taillé une croix, un artiste blessé qui préfère mourir plutôt que de se rendre, les icones d’une Eglise qui n’apportent aucune consolation pour finir avec l’évocation apaisée d’une nature hélas vide de toute présence humaine.
Il faut bien évidemment des interprètes de premier plan pour rendre justice à cette œuvre. Le Chœur de la Radio de Berlin avec lequel Janowski et l’OSR collaborent depuis longtemps se révèle très virtuose, possédant une dynamique large. Réparti sur deux étages, il s’équilibre naturellement avec un orchestre homogène et clair malgré son effectif impressionnant. Le Victoria Hall était bien rempli (mais pas tout à fait) pour ce programme exigeant et on a pu voir quelques spectateurs quitter la salle, mais le public très concentré et recueilli avait bien compris l’importance d’un concert d’un tel niveau qui fait honneur à la vie musicale genevoise.
Antoine Leboyer
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