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Les mérites d’un spectacle à l’ancienne

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/25/2010 -  et 23, 26, 28 février (Tourcoing), 28, 29 mai (Paris) 2010
Wolfgang Amadeus Mozart : Le Nozze di Figaro KV 492

Nicolas Rivenq (Le comte), Ingrid Perruche (La comtesse), Elena de la Merced (Suzanne), Joan Martín Royo (Figaro), Lina Markeby (Chérubin), Caroline Allonzo (Marceline), Bernard Deletré (Bartholo), Daniel Auchincloss (Don Bazile, Don Curzio), Marie Planinsek (Barberine), Christian Helmer (Antonio)
Ensemble vocal de l’Atelier lyrique de Tourcoing, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, Jean-Claude Malgoire (direction)
Pierre Constant (mise en scène), Roberto Platé (décors), Jacques Schmidt, Emmanuel Peduzzi (costumes), Jacques Rouveyrollis (lumières), Béatrice Massin (chorégraphie)


(© Danièle Pierre)


Le décor est sobre : une pièce unique, qui s’ouvre sur une immense arche au fond de laquelle on devine, derrière une balustrade, un jardin, symbolisé par deux troncs d’arbres. Deux larges fauteuils au centre, des portes qui s’ouvrent et se ferment de chaque côté... En fallait-il davantage ? Naturellement non puisque la musique des Noces de Figaro, on ne s’en étonnera pas, se suffit à elle-même. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) compose ce chef-d’œuvre dans la seconde moitié de l’année 1785, avant sa création triomphale le 1er mai 1786. Même s’il fut, à l’époque, retiré de l’affiche très rapidement, nul ne conteste qu’il s’agit là d’une des plus formidables partitions jamais composées par Mozart sur la base d’un livret du tout aussi inspiré Lorenzo Da Ponte.


S’inscrivant ce soir dans une série de représentations des trois opéras fruits de la collaboration entre Mozart et Da Ponte (Le Nozze di Figaro, Cosí fan tutte et Don Giovanni), ce spectacle est avant tout la reprise d’un tandem tout aussi fertile entre le chef d’orchestre Jean-Claude Malgoire et le metteur en scène Pierre Constant (équipe renforcée notamment par le décorateur Roberto Platé). En effet, joué dès 1995, le spectacle fut repris avec succès en 1996 avant de l’être de nouveau en janvier et février 2004 à Tourcoing. Même si l’on peut utilement mettre cette affluence sur le compte du seul nom de Mozart qui suffit à garnir une salle, le très nombreux public venu assister à la première des trois représentations des Noces sait également pouvoir compter sur une interprétation exempte de toute faute de mauvais goût : tel fût le cas. Les très beaux costumes de Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzzi mêlant gilets brodés, crinolines, hauts de chausses et perruques poudrées nous ramènent ainsi avec bonheur au XVIIIe siècle. La mise en scène soignée et sobre (mais non exempte d’humour ou de facéties) de Pierre Constant, utilisant sans hésitation toute l’étendue de la scène (alors que bien des spectacles nous montrent des chanteurs statiques au centre de celle-ci), sert parfaitement la musique et symbolise à merveille toute la théâtralité requise pour cet opéra-bouffe.


Pourtant, les premières impressions musicales sont très mitigées, Malgoire adoptant systématiquement des tempi retenus, installant donc le spectacle dans une ambiance poussive et pesante. Les deux airs de bravoure de Figaro au premier acte (« Se vuol ballare » et « Non più andrai ») furent ainsi malheureusement gâchés par un manque de légèreté et d’allant de la part du chef français. En outre, et ce dès l’ouverture, on s’étonne de l’importance ainsi donnée aux timbales et aux cuivres, notamment les cors, qui couvrent l’ensemble de l’orchestre (reproche que l’on peut réitérer lorsque Figaro déclame son célèbre « Alla gloria militar » à la fin de l’acte I). Heureusement, cette platitude interprétative (même si elle a souffert d’un manque global de poésie, notamment à l’acte III) s’est fortement atténuée avec le deuxième acte où, sans aucun doute possible, le théâtre reprenait ses droits pour le plus grand bonheur du public. La nouvelle atmosphère ainsi donnée perdurera ainsi jusqu’à la dernière note, le public couvrant d’ailleurs les dix dernières secondes de musique d’applaudissements et d’ovations tant à la fin de l’acte II que de l’acte IV !


Les spectateurs saluèrent ainsi une véritable équipe dominée par un superbe Comte Almaviva, incarné par Nicolas Rivenq. Charmeur, ombrageux, fourbe à l’occasion, il éclaire le plateau par une voix puissante et chaleureuse (quelle prestance dans son « Hai già vinto la causa » au troisième acte !). S’il offre ainsi une remarquable prestation, il n’en écrase pas pour autant le reste de la troupe où plusieurs chanteurs méritent d’être remarqués. Ainsi, le très beau Figaro incarné par le jeune Joan Martín Royo (né en 1977) allie avec spontanéité la magie du chant et un sens du théâtre tout à fait incroyable. Il en va de même pour sa partenaire dans l’intrigue, la belle Suzanne dont le rôle était confié à la chanteuse espagnole Elena de la Merced. Là encore, la voix est très belle, l’émission est aisée et l’art de la comédie véritablement inné. Bernard Deletré campe un très convaincant Bartholo, ridicule à souhait, de même que Daniel Auchincloss, interprétant à la fois les rôles de Don Bazile et Don Curzio. Si Marie Planinsek chante avec conviction le rôle de Barberine (notamment l’air superbe « L’ho perduta » au début de l’acte III), on reste quelque peu circonspect à l’égard de Chérubin, incarné par Lina Markeby : même si elle offre une prestation tout à fait honorable sur l’ensemble de l’opéra, on reste sur sa faim en l’entendant chanter le pourtant très attendu « Non so più » (acte I) où la voix manque de souplesse et de moelleux… Quant à la comtesse, elle reste la grande déception de la soirée. Il faut attendre la troisième acte pour qu’Ingrid Perruche convainque un tant soit peu et fasse oublier son piètre « Porgi, amor » (acte II). Ce n’est que lorsqu’elle est entourée qu’elle parvient à donner le change, ses duos même restant en-deçà de ce que l’on était en droit d’attendre d’une chanteuse pourtant confirmée, notamment dans ce rôle. Si sa contre-performance s’avère fort dommageable, elle n’occulte pas pour autant une très belle soirée où, encore une fois, le sens du théâtre a pleinement rendu justice à ce qui mérite plus que jamais d’être qualifiée de « folle journée ».


Le site de Jean-Claude Malgoire et de l’Atelier lyrique de Tourcoing



Sébastien Gauthier

 

 

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