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La force tranquille Geneva Victoria Hall 05/19/2010 - et 20 (Lausanne), 21 (Genève) mai 2010 Isaac Albéniz : Castilla, Granada, Sevilla, Asturias, Aragon (extraits de la Suite Espagnole orchestrée par Rafael Frühbeck de Burgos)
Maurice Ravel : Concerto en sol – Daphnis et Chloé (Seconde suite) – Boléro
Alexandre Tharaud (piano)
Orchestre de la Suisse Romande, Rafael Frühbeck de Burgos (direction)
R. Frühbeck de Burgos (© Steve J. Sherman)
A quoi reconnaît-on un chef qui a du métier ? A ce qu’il sait quand intervenir et quand il doit laisser calmement les musiciens jouer. Du haut de ses 77 ans, Rafael Frühbeck de Burgos en est une parfaite illustration. Il est vrai qu’il est lui-même l’orchestrateur de la Suite Espagnole d’Isaac Albéniz. Pas d’espagnolade aux rythmes forcés, les violoncelles phrasent avec simplicité la ligne mélodique de "Granada", les rythmes ne sont pas trop appuyés dans le fameux "Asturias" tandis que les cordes jouent avec une grande égalité; enfin les multiples interventions des percussions sont traitées avec beaucoup de soin, que ce soit pour la clarté des rythmes et les équilibres des pupitres.
On retrouve ces même qualités dans la Seconde suite de Daphnis et Chloé: une flexibilité et une souplesse rythmique et un soin particulier aux équilibres sonores d’où brille la flutiste solo de l’OSR, Sara Rumer. Seuls manquent une certaine brillance des cordes et un vrai fortissimo que la salle du Victoria Hall ne permet pas tout à fait. Pris à un tempo assez vif (13 minutes et 45 secondes à ma très exacte montre suisse …), le thème principal du Boléro prend un caractère un peu plus démoniaque que par habitude, le crescendo régulier prenant une dimension dramatique inhabituelle.
Replaçant Nelson Freire, éloigné des salles de concerts à cause d’une tendinite que nous espérons passagère, Alexandre Tharaud revient dans cette salle où il avait récemment célébré Scarlatti et Chopin. S’il avait quelque peu abusé de la pédale lors de son dernier récital, le pianiste français trouve maintenant ses marques dans cette salle dont, rappelons-le, l’acoustique est délicate. Sa capacité à faire entendre les deux mains avec beaucoup de distinction lui permet de trouver des phrasés originaux et de faire « rebondir » le phrasé. Il trouve beaucoup d’émotion et de justesse dans l’Adagio assai pris dans un tempo qui évite toute sentimentalité avant un Presto final plein de brillance. Comme pour son Chopin et tant d’autres compositeurs, la vision toute personnelle de Tharaud est à des lieux de ces exécutions lisses qui ont tendance à confondre Ravel et Liszt.
Chaleureusement salué par un public nombreux, le pianiste nous offre un Couperin plein d’invention et d’intelligence avec un magnifique toucher. Genève et sa banlieue devraient retrouver le pianiste puisque celui-ci va prendre pour trois saisons à compter de 2011 la direction du festival Amadeus. Jouer du piano dans une grange loin des capitales, cela ne rappelle-t-il pas les choix d’un certain Richter…?
Le site d’Alexandre Tharaud
Antoine Leboyer
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