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Prise de rôle réussie

Bordeaux
Grand Théâtre
05/07/2010 -  et 9, 11*, 14, 17 mai 2010
Leos Janácek : Jenůfa

Sheila Nadler (Grand-mère Buryjovka), Stuart Skelton (Laca Klemen), Gregory Turay (Steva Buryja), Hedwig Fassbender (Kostelnicka Buryjovka), Mireille Delunsch (Jenůfa), Jean-Manuel Candenot (Stárek), Jean-Philippe Marlière (Le maire), Marie-Thérèse Keller (La femme du maire), Laure Crumière (Karolka), Olga Fedorova-Podgornaya (La vachère), Eve Christophe-Fontana (Une servante), Aurélie Ligerot (Jano), Maryelle Hostein (La tante), Loïck Cassin (Un vieux paysan), Florica Marilena Goia (Une villageoise)
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Jacques Blanc (directeur des études vocales et chorales), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Karen Kamensek (direction)
Friedrich Meyer-Oertel (mise en scène), Heidrun Schmelzer (décors et costumes), Hans Haas (lumières), Marc Pinaud (réalisation des lumières), Emmanuelle Grizot (chorégraphie)


(© Frédéric Desmesure)


Alors que la création française de la plupart des opéras de Janácek est somme toute assez récente, il est réjouissant de constater qu’ils sont rapidement entrés au répertoire: les institutions des régions ont largement contribué à cette évolution, comme en témoigne la venue à Bordeaux de cette Jenůfa (1904) précédemment présentée à Monte-Carlo. Cette saison, le Grand Théâtre aura certes programmé par ailleurs La Flûte enchantée, dont les trompettes invitent les spectateurs à rejoindre la salle à la fin des entractes, mais l’affiche n’aura globalement pas manqué d’originalité et d’audace, avec Le Balcon d’Eötvös ou même Le Voyage à Reims de Rossini. Tandis que les journées portes ouvertes «Tous à l’opéra» viennent de se tenir dans tout le pays et qu’un récent Amour des trois oranges a rappelé que Dijon offre également l’exemple d’un remarquable dynamisme lyrique, le succès – mérité et réconfortant – est au rendez-vous. Pourtant, Jenůfa n’a pas grand-chose à voir avec Orphée aux enfers ou La Traviata, ne serait-ce que parce qu’il est chanté en tchèque (quoiqu’impeccablement surtitré). Mais cela n’a visiblement en rien rebuté un public nombreux et réservant un accueil très favorable à ce spectacle qui bénéficie de pas moins de cinq représentations.


A vrai dire, cette impression globalement positive ne tient pas à la mise en scène: en adoptant sans fausse honte un parti pris platement réaliste, Friedrich Meyer-Oertel, on ne peut plus fidèle aux didascalies, au texte, à la partition et peut-être même aux conceptions de Janácek, ne parvient qu’à faire ressentir encore plus pesamment les inévitables artifices du théâtre, d’une façon qui prête parfois même à sourire: rien de plus faux que ces personnages taillant un morceau de bois, épluchant des pommes de terre au-dessus d’un vieux seau, cousant à la machine ou priant devant une statuette de la Vierge. On jurerait voir fumer la vapeur de la tasse que la Sacristine porte à Jenůfa pour l’endormir au deuxième acte! N’échappant pas aux postures les plus convenues, la direction d’acteurs proprement dite apparaît toutefois honorable, le problème étant que le plateau manque cruellement d’acteurs, à l’exception notable des deux rôles féminins principaux ou de certains petits rôles, bien campés, comme le maire, sa femme et sa fille.


Les costumes de Heidrun Schmelzer enracinent l’action dans un terroir plus Fiancée vendue que nature: pas une botte, pas un foulard, pas un chapeau ne manque à l’appel. Le jeu des couleurs ne se refuse pas à un symbolisme prévisible, opposant de façon assez simpliste le bien et le mal: à Jenůfa le blanc, à sa mère adoptive le noir. Disparue en janvier dernier à l’âge de 66 ans, l’Allemande signe également les décors, consistant essentiellement en une vaste étendue accidentée d’un jaune paille éclatant, surmontée de deux immenses pans de toiture durant les deux derniers actes: on entend davantage le moulin dans l’orchestre qu’on ne le voit sur scène. Réalisées par Marc Pinaud, les lumières de Hans Haas figurent au premier degré le coucher du soleil puis offrent de splendides contre-jours ainsi qu’un joli clair de lune, une fois l’immense lucarne ouverte. Bref, les éléments visuels de cette production gagnent en lisibilité ce qu’ils perdent en originalité et en complexité, parvenant néanmoins à faire ressortir la violence exacerbée des sentiments.


Ses aspects musicaux offrent heureusement de plus amples satisfactions. C’est d’abord le cas de la direction de Karen Kamensek. Generalmusikdirektorin à Fribourg (2003-2006), chef principale du Théâtre national slovène (2007-2008) et assistante de Simone Young à Hambourg, l’Américaine (née en 1970) sera Generalmusikdirektorin à Hanovre à compter de 2011. Elle s’impose en maintenant constamment la tension, sur la corde raide entre drame et mélo, entre efficacité et prosaïsme. Parvenant généralement à ne pas couvrir les chanteurs, elle chauffe à blanc un Orchestre national Bordeaux Aquitaine qui montre ici ou là ses limites. Dès lors, les moments d’intense poésie, plus en finesse, qu’elle sait aussi ménager, notamment au deuxième acte, semblent plus aboutis.


Mireille Delunsch ne rate pas sa prise de rôle(-titre), offrant une incarnation très réussie tant d’un point de vue vocal que théâtral. La Sacristine de la mezzo allemande Hedwig Fassbender se situe au même niveau d’excellence, autoritaire, bien sûr, mais sans doute aussi plus émouvante qu’à l’habitude. Quant à Sheila Nadler, elle laisse habilement planer le doute sur les inégalités de son chant, qu’on peut en effet tout aussi bien attribuer à l’âge de son personnage d’aïeule. Pas d’ambiguïté en revanche, pour les deux ténors, l’Australien Stuart Skelton et l’Américain Gregory Turay, excellemment distribués, respectivement en Laca et en Steva.


Le site de l’Opéra national de Bordeaux
Le site de Hedwig Fassbender
Le site de Stuart Skelton
Le site de Gregory Turay



Simon Corley

 

 

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