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Aida violente et barbare

London
Royal Opera House, Covent Garden
04/27/2010 -  et 1er*, 4, 7, 10, 13, 16 mai 2010
Giuseppe Verdi: Aida

Micaela Carosi (Aida), Marcelo Alvarez (Radames), Marianne Cornetti (Amneris), Marco Vratogna (Amonasro), Giacomo Prestia*/Christophoros Stamboglis (Ramfis), Robert Lloyd (Le Roi d’Egypte), Elisabeth Meister (Une Prêtresse), Ji-Min Park (Un Messager)
Chœur du Royal Opera House, Renato Balsadonna (direction), Orchestre du Royal Opera House, Nicola Luisotti (direction musicale)
David McVicar (mise en scène), Jean-Marc Puissant (décors), Moritz Junge (costumes), Jennifer Tipton (lumières), Fin Walker (chorégraphie), David Greeves (arts martiaux)


(© The Royal Opera/Bill Cooper)


Peut-on concevoir une Aida sans palmiers, sans obélisques ni pyramides? C’est le pari audacieux qu’a tenté – et admirablement réussi – David McVicar à Londres, n’en déplaise à certains spectateurs en mal d’exotisme ou de grand spectacle façon péplum à la Cecil B. DeMille ou à la Franco Zeffirelli à la Scala en 2006. Pour le metteur en scène britannique, le livret du chef-d’œuvre de Verdi est un entrelacs où se croisent trois destinées individuelles, sur fond de violence, de guerre et de luttes de pouvoir entre autorités civiles et autorités religieuses. En fin de compte, Aida est une histoire universelle et intemporelle, dans un climat sombre et oppressant. Les costumes de Jean-Marc Puissant font penser tout à la fois à la Grèce antique, à la civilisation aztèque ou encore aux samouraïs. La production souligne la cruauté d’une société qui pratique les sacrifices humains et fait ployer les individus sous son joug. Les scènes se déroulent pour la plupart dans la pénombre, à peine éclairées par les superbes lumières de Jennifer Tipton. La célèbre procession du triomphe est emblématique du spectacle: Radames s’avance vers le roi d’un pas très lent, las, ployé sous le poids de ce qu’il a enduré et fait endurer à ses ennemis, avec une multitude de cadavres mutilés descendant des cintres. Par contre, la direction d’acteurs se révèle moins aboutie, Aida et Radames étant le plus souvent figés sur le devant de la scène. Seule Amneris a une gestuelle plus élaborée, rappelant le théâtre kabuki. Malgré cette réserve, le spectacle est d’une parfaite cohérence et d’une grande force dramatique.


Cette nouvelle production était aussi très attendue pour les débuts de Marcelo Alvarez en Radames. Avouons-le d’emblée: le rôle est à la limite des possibilités vocales du ténor argentin. Les deux premiers actes obligent le chanteur à constamment forcer et à user d’effets normalement réservés aux opéras véristes; le ténor puise dans ses réserves, avec des efforts largement perceptibles, tant dans sa voix que sur son visage. C’est seulement à la fin de l’ouvrage, lorsque le registre se fait plus lyrique que dramatique, qu’on le sent véritablement à l’aise, le charme du timbre, la richesse des nuances et le sens du phrasé opérant alors entièrement. A 48 ans, Marcelo Alvarez voulait absolument interpréter le rôle du général égyptien, confiant en interview qu’il serait ensuite trop tard. Le rôle est tentant, on le comprend, mais on espère que le ténor ne s’y risquera pas trop souvent, car on a envie de l’entendre encore très longtemps sur scène!


L’Aida de Micaela Carosi laisse, elle aussi, une impression mitigée. Si le matériau vocal est impressionnant et le timbre séduisant, on ne peut manquer de s’étonner d’un large vibrato (déjà?) ainsi que de tensions et de problèmes d’intonation dans l’aigu. La soprano est reprogrammée la saison prochaine dans le même rôle aux côtés de Roberto Alagna et on ne peut qu’espérer qu’elle prendra le temps de polir son chant. Marianne Cornetti tire, quant à elle, son épingle du jeu sans réserve, Amneris hautaine et passionnée, main de fer dans une voix de velours, aux graves capiteux. On saluera également les belles performances de Marco Vratogna dans un rôle (Amonasro) habituellement réservé à des voix plus sombres et lourdes, et de Giacomo Prestia en Ramfis digne et noble. Les chanteurs trouvent un accompagnateur attentif et nuancé en la personne de Nicola Luisotti, nouveau directeur artistique de l’Opéra de San Francisco. Conscient des limites du plateau vocal, il offre néanmoins une lecture opulente et soyeuse, avec un sens du rythme et des tempi rapides générant un sentiment d’urgence parfaitement en phase avec la mise en scène.



Claudio Poloni

 

 

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