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Variations sur Roméo et Juliette

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/25/2010 -  et 20 (Frankfurt), 21 (Essen) avril 2010
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Roméo et Juliette
Leonard Bernstein : Danses symphoniques de «West Side Story»
Serge Prokofiev : Roméo et Juliette (extraits des Première et Deuxième suites), opus 64 bis et 64 ter

Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


K. Masur (© Alvaro Yanez)


Opéras, comédies musicales, ballets, symphonies... il y avait l’embarras du choix pour bâtir un programme autour de Roméo et Juliette: en jetant son dévolu sur des œuvres à la fois spectaculaires et appréciées du public, Kurt Masur a fait salle comble au Théâtre des Champs-Elysées. Le «directeur musical honoraire à vie» du National, qui a renoncé au traditionnel frac pour adopter d’amples chemises satinées à col clergyman, grise en première partie, marron glacé après l’entracte, débute ainsi avec la célèbre «ouverture-fantaisie» (1869/1880) de Tchaïkovski. Voici quelques années, consacrant un remarquable cycle au compositeur russe, il en avait souligné, tant dans ses propos que dans ses interprétations, le caractère «profond et parfois sévère» (voir ici). C’est ce que dispense à nouveau ce Roméo et Juliette sans concession, intense, jamais larmoyant, manquant peut-être un peu de mordant ou de punch mais pas de lyrisme.


Les notes de programme précisent que la dernière fois que le National a donné les «Danses symphoniques» de West Side Story (1957) de Bernstein, voici près de dix ans, c’était avec Yutaka Sado: précisément, le chef japonais vient de les diriger avenue Montaigne pour son concert d’adieu avec l’Orchestre Lamoureux (voir ici). Si Masur, respectant le déroulement de l’action de ce Roméo et Juliette revu à l’américaine par celui qui fut son illustre prédécesseur à l’Orchestre philharmonique de New York, adopte le même ordre de succession des numéros que le chef japonais, il les aborde cependant avec une tout autre optique: moins frénétique et exubérant, mais pas nécessairement plus sage et, en tout cas, pas moins prenant, il fait davantage ressortir le drame et la noirceur que l’élan rythmique, sans négliger pour autant la tendresse (Scherzo) et le raffinement (Cha-Cha). Dans les danses rapides, il ne possède certes pas le charisme communicatif d’un Dudamel et, à la différence de Sado, il n’invite pas les spectateurs à participer, se contentant de leur adresser un clin d’œil lorsque les musiciens crient le second «Mambo!». Mais le succès, que la qualité instrumentale et l’équilibre entre les différents pupitres suffiraient à justifier, est au rendez-vous, au point que certains attendent un bis, se méprenant sur les gestes de Masur: les applaudissements s’interrompent, mais en réalité, le chef voulait simplement faire saluer les trompettistes.


Parmi les deux premières des trois Suites que Prokofiev a lui-même tirées de son ballet Roméo et Juliette (1935) l’année suivant sa composition, Masur a sélectionné celles qui sont sans doute les huit pièces les plus célèbres et il les a agencées dans l’ordre du livret. Sans surprise, son Prokofiev, comme son Tchaïkovski en première partie, est «profond, voire austère», plus sombre que brillant: pas de surenchère expressive ni de précipitation flamboyante, mais une volonté de prendre son temps pour mettre en valeur l’émotion (fin de la «Scène du balcon») ou le travail d’orchestration («Mort de Tybalt»), une large palette de sonorités, entre plénitude («Montaigus et Capulets», «Scène du balcon») et verdeur («Masques»), un soin apporté à la caractérisation des personnages («La jeune Juliette», «Frère Laurent») et une progression au fur et à mesure du drame, qui gagne en poésie («Roméo auprès de Juliette avant leur séparation») pour s’achever sur un déchirant «Roméo au tombeau de Juliette». Changement de registre au moment des rappels: Masur, toujours aussi populaire auprès des musiciens, met fin à la soirée en se livrant à son cabotinage coutumier, baisemain méthodique aux femmes des premiers pupitres de cordes, et bise au premier alto solo, Sabine Toutain, puis au premier violon solo, Sarah Nemtanu, au bras de laquelle il quitte la scène en faisant au revoir de la main.



Simon Corley

 

 

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