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Lorin Maazel, chantre du mauvais goût viennois

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/01/2010 -  
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 6 «Pastorale», opus 68
Igor Stravinsky : Le Sacre du printemps

Wiener Philharmoniker, Lorin Maazel (direction)


L. Maazel (© Andrew Garn)


Un concert donné par l’Orchestre philharmonique de Vienne en tournée fait figure de rite immuable: comme d’habitude, le public se presse devant la salle afin d’y occuper le moindre strapontin; comme d’habitude, on y croise des personnalités qu’on n’a l’occasion de voir que dans ce type de «grandes» manifestations, tels un ancien Premier ministre ou l’épouse d’un ancien Président de la République; comme d’habitude, l’orchestre entre sur scène à la suite du Konzertmeister (ce soir, Rainer Honeck avec, à ses côtés, la violoniste d’origine bulgare Albena Danailova) et se tient debout jusqu’à ce que le dernier musicien soit arrivé à son siège; comme d’habitude, enfin, les spectateurs attendent fébrilement, une fois l’orchestre accordé, le chef, qui fait toujours partie du gotha de la direction d’orchestre, même si, cette saison, à côté de Pierre Boulez, Christian Thielemann ou Zubin Mehta, le Philharmonique a fait appel à la toute jeune génération (Tugan Sokhiev, Yannick Nézet-Séguin, ...). Cette fois, c’est Lorin Maazel, «membre d’honneur» de l’orchestre, qui le dirige, dans le cadre d’une tournée de près d’un mois en Europe et au Moyen-Orient. Et, comme d’habitude, on se pose la question de savoir si cela va être un grand moment ou une prestation décevante, car il fait partie de ces chefs qui s’avèrent capables du pire comme du meilleur. Malheureusement, cette soirée fut une parfaite illustration du naufrage auquel Maazel peut parfois conduire.


Pourtant, la première œuvre au programme, la Symphonie Pastorale de Ludwig van Beethoven (1770-1827) fait figure de pain quotidien pour l’orchestre. Esquissée dès l’année 1805, cette Sixième symphonie, créée à Vienne en décembre 1808, est une pause dans l’œuvre symphonique de Beethoven, coincée qu’elle est entre la Symphonie du destin et la grande Septième. Comme son sous-titre le laisse d’ailleurs entendre, le climat se veut bucolique et printanier. Las, on a plutôt entendu une symphonie estivale au sens où il arrive parfois à l’été de charrier dans le ciel de lourds nuages, une atmosphère pesante et orageuse et où la moindre activité pèse sur l’organisme tant le climat s’avère étouffant. Au final, qu’a-t-on entendu? Une symphonie dépassant les cinquante minutes (l’Andante molto moto atteignant à lui seul le quart d’heure!) où les imperfections de l’orchestre (un cor solo vacillant, une petite harmonie aux timbres parfois très verts), certes rachetées par des cordes toujours aussi puissantes et somptueuses, ont rapidement été éclipsées par un ennui profond. Maazel alourdit sans cesse la pâte orchestrale, multiplie les ralentis pour mieux accélérer ensuite certains phrasés sans que la partition le demande d’ailleurs pour autant. De même, on s’étonne d’entendre un chef de cette trempe privilégier certains traits ou certains pupitres alors que l’intérêt musical se joue manifestement ailleurs. Ainsi, à la fin du premier mouvement, on entend les violons ; mais où sont les bois qui, pourtant, donnent à ce passage toute son intensité et toute sa clarté? De même, dans le dernier mouvement, pourtant noté Allegretto, Lorin Maazel laisse le legato des cordes s’exprimer pleinement alors que la beauté de cette musique réside en grande partie dans les pizzicati échangés entre violoncelles et altos. En un mot, on ne reconnaît plus l’œuvre. Certes, on pourra dire que Maazel, par son âge (il fêtera ses quatre-vingts ans le 6 mars) et sa culture, n’est pas de nature à bouleverser une tradition d’interprétation que d’autres (on pense notamment aux «baroqueux») ont largement remise en cause mais cet argument ne tient évidemment pas. Il suffit d’écouter Herbert von Karajan (en studio, dans le cadre de sa première intégrale avec Berlin, ou en concert, toujours avec Berlin dans le récent témoignage londonien édité chez Testament) ou, mieux encore, le miraculeux Carlos Kleiber avec l’Orchestre d’Etat de Bavière (concert d’anthologie publié chez Orfeo) pour comprendre que d’autres chefs à la tradition aussi affirmée ont parfaitement su renouveler leur approche d’une œuvre qui ne souffre aucune lourdeur, non plus qu’aucune torpeur.


Passons un siècle et retrouvons donc pour la seconde partie de ce concert une œuvre emblématique du XXe siècle, Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky (1882-1971). Comme le rappelle Christophe Huss dans les notes du programme, le Philharmonique de Vienne n’est pas un grand connaisseur de l’œuvre du compositeur russe. Son premier enregistrement du Sacre, créé en ces mêmes lieux en mai 1913, date de 1952, sous la direction d’Igor Markevitch. En concert, la partition s’avère également des plus rares même si le public du Théâtre des Champs-Elysées garde sans doute en mémoire l’extraordinaire prestation du Philharmonique lors d’un concert placé sous la direction ciselée et sauvage de Seiji Ozawa (voir ici). Rien de tel ici puisque la prestation des musiciens s’avère tout aussi décevante que lors de la première partie. L’orchestre, bien que renforcé par quelques figures tutélaires (Wolfgang Schulz à la flûte, Peter Schmidl à la clarinette, ...), n’est visiblement pas dans un bon soir: timbres agressifs ou chevrotants (le basson dans son solo inaugural, la clarinette en mi bémol), jeu sans imagination, manque de dynamisme. Cependant, ces travers sont en réalité davantage la conséquence d’une direction toujours aussi belle à regarder (il suffit de voir la baguette ciseler l’espace) mais toujours aussi prosaïque. Maazel n’évite pas davantage que dans la première partie les lourdeurs, la laideur du son et les effets du plus mauvais goût (on signalera notamment les accents demandés aux trombones au milieu des «Rondes printanières»). En outre, la partition manque à chaque instant de mystère et de violence pour n’être plus qu’une tranquille promenade: le contresens est donc total.


Manifestement, et même si les applaudissements s’avèrent mesurés avant le premier rappel, une partie du public demeure subjuguée par Maazel qui ne se fait pas prier pour offrir deux bis: les incontournables Cinquième et Première danses hongroises de Johannes Brahms dont l’interprétation s’avère, là encore, du plus mauvais goût. Il faut malheureusement se rendre à l’évidence: les concerts donnés par Lorin Maazel sont, eux aussi, immuables...


Le site de Lorin Maazel
Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne



Sébastien Gauthier

 

 

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