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Clarté berlinoise

Paris
Salle Pleyel
02/27/2010 -  et 23 (Madrid) février 2010
Richard Wagner : Die Meistersinger von Nürnberg: Prélude au premier acte
Arnold Schönberg : Kammersymphonie n° 1, opus 9b
Johannes Brahms : Symphonie n° 2, opus 73

Berliner Philharmoniker, Simon Rattle (direction)


S. Rattle (© Peter Adamik)


Depuis son arrivée en 2002, Simon Rattle a bousculé bien des traditions au Philharmonique de Berlin, mais le second des programmes qu’ils présentent salle Pleyel dans le cadre de leur brève tournée européenne n’en est pas moins intégralement consacré à la musique germanique – un répertoire qui a fait les riches heures de l’orchestre mais pour lequel le chef anglais n’avait pas semblé manifester de prédilection particulière durant son long mandat à Birmingham. Les hommes – et désormais aussi les femmes – passent, l’effectif ayant été considérablement renouvelé, féminisé, rajeuni et diversifié, notamment par l’ouverture à de nombreuses nationalités, mais les caractéristiques des Philharmoniker paraissent immuables.


C’est ce que montre d’emblée le Prélude au premier acte des Maîtres chanteurs de Nuremberg (1867): une phénoménale plénitude, de véritables ronflements d’orgue qui saisissent dès les premières mesures, mais aussi, malgré une péroraison plus enlevée que solennelle, un hédonisme et quelques alanguissements que le dernier Karajan n’aurait sans doute pas reniés. En même temps, Rattle imprime sans nul doute sa marque en parvenant à conjuguer ces splendeurs sonores avec une mise en valeur parfaitement transparente de la riche polyphonie wagnérienne.


Comme leurs collègues de la Staatskapelle voici quelques semaines, les Berlinois et leur directeur musical voyagent avec Beethoven, et plus particulièrement ses concertos pour piano (voir ici), mais aussi avec Schönberg. Sa Première symphonie de chambre (1906) a été réduite par Berg pour piano à quatre mains mais aussi par Webern pour l’effectif du Pierrot lunaire, et il avait lui-même songé à l’adapter pour quintette avec piano, projet qui demeura à l’état de fragment. Mais parallèlement à l’édition de révisions de sa partition originale, le compositeur en réalisa des versions «pour orchestre» (1914-1922) puis «pour grand orchestre» (1935), cette dernière se voyant même attribuer le numéro d’opus 9b: une véritable rareté que Pierre Boulez, assis au rang d’honneur, a certainement suivie avec intérêt.


Contemporaine de ses orchestrations de maîtres anciens (Bach, Brahms, Händel, Monn), la démarche paraît pour le moins inattendue, car antinomique du concept initial: passer de 15 à 81 instruments (bois par trois, quatre cors, deux trompettes, trois trombones, mais ni tuba ni percussion), c’était bien évidemment modifier profondément la nature de la partition et remettre en cause sa radicalité. Aucun autre que Schönberg n’aurait sans doute pu oser courir ce risque, mais si l’on en croit les notes de programme citant une lettre adressée à Webern, il se déclarait satisfait du résultat: «Maintenant, cela sonne vraiment clair et distinct; un peu trop fort, peut-être». Rattle aussi bien que son orchestre contribuent à la réussite de cette étonnante entreprise: d’une part, puisque que cet élargissement oblitère en grande partie la dimension révolutionnaire portée par l’effectif chambriste, ils accentuent délibérément les références au style postromantique, c’est-à-dire à l’univers des Gurre-Lieder ou de Pelléas et Mélisande; d’autre part, ils se jouent des considérables exigences techniques de ce défi déraisonnable, parvenant non seulement à ne pas tricher sur le tempo mais à conserver sans cesse une clarté et une précision d’articulation sans pareilles.


Après l’entracte, le choix de la Deuxième symphonie (1877) de Brahms n’est sans doute pas étranger à la parution toute récente d’une intégrale chez EMI. Mais, surtout, c’est à nouveau l’occasion d’une éclatante démonstration de lisibilité, grâce à un parfait dosage entre les pupitres et les voix, qui permet également de jouir d’une qualité instrumentale exceptionnelle: avec des cors et trombones aussi somptueux, des violoncelles d’une cohésion aussi impressionnante dans l’énoncé du thème initial de l’Adagio non troppo, des pianissimi aussi exceptionnels des cordes au début du Finale, parmi tant d’autres exemples, nul besoin d’une interprétation excentrique, anticonformiste ou même simplement personnelle. Sans se complaire exclusivement dans ces fastes, Rattle, omettant la vaste reprise du premier mouvement, ne laisse pas filer les choses toutes seules pour autant, parvenant à maintenir constamment l’intérêt éveillé en dynamisant et dramatisant le discours.


Les choses ont-elles si évolué que cela à Berlin? Car les Philharmoniker, un peu plus éloignés de leurs bases historiques lors d’une précédente visite parisienne en mars 2007 (Dvorák, Janácek), n’avaient pas pleinement convaincu (voir ici), tandis que le «retour aux fondamentaux» germaniques, cette fois-ci, semble mieux leur convenir. Pas de bis pour conclure cette courte soirée, mais le public en tiendra sans doute moins rigueur aux Berlinois que voici près de trois ans, car ils ne s’éclipsent pas aussi cavalièrement qu’ils l’avaient alors fait.



Simon Corley

 

 

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