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Pour le chant seul

Paris
Opéra Bastille
02/11/2010 -  et 17, 20 24, 27 février, 2, 5, 8, 12, 14 mars
Giuseppe Verdi : Don Carlo
Giacomo Prestia (Filippo II), Stefano Secco (Don Carlo), Ludovic Tézier (Rodrigo), Victor von Halem (Il Grande Inquisitore), Bálint Szabó (Un Frate), Sondra Radvanovsky (Elisabetta di Valois), Luciana d’Intino (Eboli), Elisa Cenni (Tebaldo), Olivia Doray (Voce dal cielo), Jason Bridges (Il Conte di Lerma), Nahuel di Pierro, Alexandre Duhamel, Michal Partyka, Vladimir Kapshuk, Ugo Rabec, Damien Pass (Deputati Flamminghi), Frédéric Guieu, Chae Wook Lim, Yves Cochois, Andrea Nelli, Alexandre Ekaterininski, Shin Jae Kim (Sei Frati)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Carlo Rizzi (direction) Graham Vick (mise en scène, réalisée par Michel Jankeliovitch)


(© Opéra national de Paris/Agathe Poupeney)


L’obsession de la croix dans un décor géométrique dépouillé, parfois à la limite de la nudité, à peine égayé ici ou là par des toiles peintes, mais aussi le recours au pittoresque illustratif pour un autodafé surchargé : on connaît cette production de Don Carlo en quatre actes, plusieurs fois reprise à Bastille. Ce n’a jamais été la plus heureuse inspiration de Graham Vick et l’autodafé passe mal aujourd’hui, avec ses processions à la limite du ridicule, sans parler de l’espèce de serre censée figurer les jardins de la Reine – le tableau à la Vélasquez des abords du couvent, en revanche, reste toujours aussi joli. Ni poussiéreuse ni avant-gardiste, la mise en scène ne prend aucun parti et l’on trouve la direction d’acteurs, aujourd’hui réalisée par Michel Jankeliovitch, de plus en plus conventionnelle, sinon inexistante – on devrait de toute façon imposer aux metteurs en scène d’assurer eux-mêmes les reprises. Lorsque l’Infant s’aperçoit qu’il s’adresse à Eboli et non pas à Elisabeth, le public ne peut s’empêcher de sourire, alors que cet instant fait basculer l’opéra dans la pure tragédie. Rien n’empêche de s’attacher au croisement des destins individuels plutôt qu’aux impératifs – souvent troubles - de la raison d’Etat, encore faut-il creuser les consciences, ce qui n’est guère fait ici. Cela dit, comme c’est en général bien chanté, on se contente, faute de mieux, de cet entre-deux sans souffle, tout en regrettant plus que jamais que James Conlon ait jadis préféré cette version à l’original français en cinq actes. Il en est donc de ce Don Carlo comme des vieilles voitures : elles roulent encore, mais il est temps de les remplacer.



Stefano Secco se retrouve avec un immense plaisir, Carlo écorché vif, au vibrato assez serré, surtout dans l’aigu, d’autant plus juvénile, voire infantile, que le timbre est solaire, un peu trop peut-être pour ce ténébreux égaré dans un monde qui lui interdit d’aimer. Il forme un beau couple avec l’Elisabeth de Sondra Radvanovsky, noble reine au timbre mat mais au phrasé raffiné, un rien froide seulement. Luciana d’Intino, en revanche, nous sert une Eboli d’une pièce, solide et fruste, avec les moyens du rôle, notamment un bas médium et un grave assez assis pour ne pas avoir à trop solliciter le registre de poitrine, assez souple d’émission pour ne pas s’empêtrer dans les vocalises du voile. Après Albert de Werther, Ludovic Tézier réendosse les habits de Posa : un vrai grand d’Espagne, au phrasé et au timbre princiers, portant haut les couleurs de son idéal, qu’on a cependant connu plus subtil dans le même rôle, semblant ici tout sacrifier à la pure générosité vocale. Giacomo Presta domine la distribution. Enfin une vraie basse, sonore et cuivrée, au grave profond et facile, vrai roi là où l’on nous sert parfois exclusivement des cocus chenus – comme le pauvre James Morris en ruines dans la dernière reprise. « Ella giammai m’amo » est superbe, moins air d’opéra que monologue intérieur d’une conscience défaite, où la beauté du phrasé décuple la force des mots, dosant magnifiquement ses « Ti guarda » à l’adresse de Posa. Le duo avec l’Inquisiteur usé mais encore très présent de Victor von Halem a belle allure. Soulignons le soin apporté aux rôles secondaires – Moine racé, charmant Page, Comte de Lerme en voix, lumineuse Voix céleste.



Il n’empêche : si Carlo Rizzi dirigeait avec davantage de flamme et de finesse, cette reprise aurait plus d’éclat – elle en a heureusement plus que la dernière. De quoi regretter le bouillonnement désordonné et mal dominé de Teodor Currentzis, que nous avons été les premiers à fustiger, mais qui mettait au moins le feu à la maison. Seulement professionnel, le chef italien, lui, ne porte pas ses chanteurs, patauge dans la routine ou fait du bruit, transformant l’autodafé en bastringue. Cette reprise de Don Carlo, on l’aura bien compris, ne tient que par le chant.



Didier van Moere

 

 

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