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Les œufs mahlériens et le panier de Gatti

Paris
Théâtre du Châtelet
02/04/2010 -  
Gustav Mahler : Symphonie n° 2

Camilla Tilling (soprano), Marie-Nicole Lemieux (contralto)
Chœur de Radio France, Thomas Lang (chef de chœur), Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


M.-N. Lemieux (© Yves Renaud)


La troisième étape du cycle de l’Orchestre national de France «Tout Mahler par Gatti», étalé sur trois saisons pour marquer à la fois le cent cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur (2010) et le centenaire de sa mort (2011), est dédiée à la seule Deuxième symphonie (1894). La «Résurrection» retrouve ainsi le Théâtre du Châtelet où Mahler en a dirigé la houleuse première française, voici tout juste un siècle, le 17 avril 1910, à la tête de l’Orchestre Colonne. Certains de ses confrères avaient alors ostensiblement quitté la salle durant le deuxième mouvement, et non des moindres – Dukas, Pierné mais aussi Debussy, qui se serait écrié: «Ouvrons l’œil (et fermons l’oreille)... Le goût français n’admettra jamais ces géants pneumatiques à d’autre honneur que de servir de réclame à Bibendum»). L’œuvre ne revint à l’affiche à Paris qu’en 1958, grâce au National, à deux reprises au Théâtre des Champs-Elysées, d’abord en février sous la baguette de Schuricht, puis en novembre avec Bernstein, témoignage récemment réédité (voir ici).


Le Châtelet offre un cadre qui, s’il n’est certes pas idéal – mais où trouver ce cadre idéal dans la capitale? – est en tout état de cause nettement plus approprié que la basilique de Saint-Denis, où l’orchestre avait programmé cette Deuxième les deux fois précédentes, en juin 1997 avec Chung et en juin 2006 avec P. Järvi (voir ici), comme le rappelle le récapitulatif exhaustif des prestations mahlériennes du National figurant dans l’excellent «album» mis gratuitement à la disposition des spectateurs. En attendant de savoir comment le plateau pourra absorber le supplément de forces vocales et instrumentales requis par la Huitième (juin 2011), sa transformation en vue de ce concert a été plus longue que prévu, décalant les ultimes répétitions et repoussant dès lors de près d’une demi-heure le début de la soirée. Conséquence de cette reconfiguration plus difficile que prévu, il aura fallu renoncer à la retransmission en direct dans le cadre de l’Union européenne de radiodiffusion, tandis que restent curieusement de chaque côté de la scène des miroirs surmontés tous deux d’appliques allumées.


En décembre dernier, au moment même où Jansons et le Concertgebouw interprétaient la Deuxième symphonie à Pleyel, déjà avec le Chœur de Radio France (voir ici), la Première avait laissé un sentiment mitigé (voir ici), qui se confirme hélas entièrement ici; même «atmosphère extrêmement lourde et compassée», même sentiment d’entendre des «blocs distincts les uns des autres, qui se succèdent mais qui ne racontent pas la même histoire», mêmes tempi «contrastés à l’extrême afin de rendre les passages rapides encore plus véloces et les passages lents encore plus retenus». Entre deux représentations d’Elektra à Zurich (voir ici), où il vient d’inaugurer un mandat de trois ans de Chefdirigent à l’Opernhaus, Daniele Gatti ne réussit pas à faire décoller le propos: manque souvent ce petit peu d’élan sans lequel l’allure paraît trop retenue, au risque de la rhétorique voire de la grandiloquence et, surtout, de l’ennui – il faut en passer par quelques «tunnels», notamment dans les deuxième et cinquième mouvements.


Pourtant, la bonne volonté ne manque manifestement pas, les musiciens du National trouvent abondamment matière à s’illustrer, collectivement comme individuellement – le hautbois de Nora Cismondi, la trompette de Marc Bauer – mais des effets dramatiques indéniablement réussis et l’opposition des tempi, des nuances dynamiques et des climats ne suffisent pas à tenir la route durant près d’une heure et demie. Entrées à la faveur de la pause entre les deux premiers mouvements (dont Gatti ne fait pas respecter la durée minimale de cinq minutes prescrite par Mahler), les deux chanteuses solistes sont placées entre les bois et les cordes. Leurs interventions, comme celles du chœur, bénéficient d’un surtitrage, initiative louable mais assez inhabituelle dans le répertoire symphonique. La puissance et la générosité de Marie-Nicole Lemieux font d’autant plus oublier un manque de stabilité et d’homogénéité dans «Urlicht» qu’elle forme ensuite un beau duo final avec Camilla Tilling. Décidément très en forme ces derniers temps, le Chœur de Radio France, préparé en décembre par son directeur musical Matthias Brauer mais cette fois-ci par Thomas Lang, accomplit un superbe travail sur la sonorité.


Le National et son directeur musical, parvenus au quart de leur long voyage dans l’univers mahlérien, sont-ils engagés sur un chemin aussi décevant que celui emprunté par l’autre orchestre de Radio France, le Philharmonique, pour son intégrale conduite par Chung durant la saison 2004-2005? Il est sans doute encore un peu tôt pour en juger, mais une question risque de se poser tôt ou tard: fallait-il mettre tous les œufs dans le même panier, c’est-à-dire confier la responsabilité de l’ensemble de ce cycle à un seul chef?


Le site de Marie-Nicole Lemieux



Simon Corley

 

 

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