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Tel qu’en lui-même

Baden-Baden
Festspielhaus
12/03/2009 -  et 1er (Dresde), 2 (Dortmund), 5 décembre (Abu Dhabi)
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano N° 12, K. 414
Anton Bruckner : Symphonie N° 4 «Romantique» (édition: Robert Haas)

Staatskapelle Dresden, Christoph Eschenbach (piano et direction)


C. Eschenbach (© Marcus Gernsbeck)


La réputation d’excellence acoustique du Festspielhaus de Baden-Baden n’est pas surfaite: écouter naître du silence, sans aucun vrai sentiment de démarcation, les premières tenues de cordes de la Quatrième Symphonie de Bruckner, constitue dans cette salle une expérience unique. De même que les forte les plus assourdissants des grandes arches bruckneriennes n’y saturent pas, le son ne paraissant jamais excessif ou écrasé. Des moments exceptionnels, auxquels participe un public relativement clairsemé mais attentif, et surtout très silencieux. Mais peut-être qu’en ces temps d’épidémie les tousseurs ont-il simplement jugé plus sage de rester chez eux…


Chaque déplacement de la Staatskapelle de Dresde promet des fastes de haute volée, et celui-ci n’a pas déçu, même si l’athlétisme n’est pas la qualité dominante d’une formation à laquelle on associe plus volontiers la débauche colorée d’un Richard Strauss que les grands aplats de Bruckner. Mais cette programmation, presque à contre-emploi, apporte des bénéfices secondaires étonnants. Au prix ici ou là d’un rien de fragilité, le large spectre de nuances des cuivres évoque les vibrations et les particularités d’un orgue de facture ancienne, avec à la clé tout un monde expressif, qui n’a certes rien à voir avec la puissance régulière d’une batterie de cuivres américains, mais dont un chef peut jouer à l’infini. Et ici Christoph Eschenbach se régale. D’aucuns penseront même qu’il exagère, osant des lenteurs et des respirations énormes, qui menacent à chaque instant d’enlisement l’agogique brucknerienne.


Mais tout se joue dans ce presque trop, dans cette déconstruction au bord de la désarticulation, tel ce solo de cor initial que l’on découvre comme on ne l’avait jamais entendu (une lenteur sans doute aux limites des possibilités d’une colonne d’air entretenue par des poumons humains, mais le défi est impeccablement relevé). A l’évidence Eschenbach empoigne Bruckner pour en livrer toute la substance, jusqu’à atteindre presque les limites physiques de l’expérience, mais le résultat est toujours probant. On aura pu découvrir enfin une logique interne à ces répétitions obsessionnelles, à ces transitions qui n’en sont pas, à ces blocages brutaux du flux, bref à ces particularismes qui font les délices des inconditionnels du genre et la désolation des autres. Tout ici est conçu pour casser les réflexes simplistes du discours brucknerien, pour faire découvrir au delà des notes un autre univers, d’un mysticisme et d’une beauté indescriptibles. Miraculeuse Staatskapelle de Dresde qui offre ce soir-là au projet singulier de Christoph Eschenbach l’accomplissement sonore que l’Orchestre de Paris n’avait pu lui donner dans son enregistrement de cette Quatrième Symphonie (sous le label Ondine). Aucun bis orchestral à l’issue de ce concert, après une coda développée avec une majesté tellement vibrante que toute note supplémentaire aurait paru saugrenue.


En première partie, selon la tradition éprouvée d’associer à une « grande » symphonie de Bruckner un « petit » concerto de Mozart, le choix du modeste Douzième Concerto, fonctionne parfaitement. Au clavier Eschenbach paraît déterminé à tirer de cette partition galante une substance inattendue, et y parvient bien, assisté par une phalange orchestrale qui non seulement lui obéit au moindre regard mais entretient avec la partie soliste un dialogue concertant d’égal à égal. Dégagé de tout problème d’intendance Eschenbach peut viser très haut, et hisser de nombreuses pages de la partition au rang de chef-d’œuvre. Un Mozart délibérément anti-décoratif, anti-baroqueux aussi, mais ni boursouflé ni hors-style, servi par un merveilleux pianiste et surtout un exceptionnel musicien.



Laurent Barthel

 

 

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