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Soviet Broadway

Lyon
Opéra
12/15/2009 -  et 17*, 19, 21, 23, 26, 27, 29, 31 décembre
Dimitri Chostakovitch : Moscou, quartier des cerises, opus 105
Roman Burdenko (Boubentsov), Christina Daletska (Macha), Gennady Bezzubenkov (Babourov), Elena Semenova (Lidotchka), Nabil Suliman (Boris), Andrey Ilyshnikov (Sergueï), Elena Galitskaya (Lioussa), Mikael Babajanyan (Drebedniov), Maria Gortsevskaya (Vava), Alexander Gerasimov (Barabachkine)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Lyon, Kirill Karabits (direction)
Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff (mise en scène), Macha Makeïeff (décors et costumes)


(© Michel Cavalca)


Le Quartier des cerises, c’est la version moscovite de l’urbanisme moderne. Avec, évidemment, la corruption des concierges et de l’administration. De quoi alimenter l’humour d’un Chostakovitch maniant ici de main de maître valse et fox-trot, en vrai pro de la comédie musicale – la partition est ainsi dénommée –, sans avoir quoi que ce soit à envier à Broadway. Cet humour ne grince pas toujours, paravent de la haine et de la peur d’un régime qui le voua aux gémonies ou le combla d’honneurs. Le Chostakovitch de Moscou, quartier des cerises s’apparente à celui de la Suite de jazz ou du Tahiti trot : le compositeur se moque, mais d’une plume légère et savoureuse ; tout d’ailleurs finit bien : les jeunes couples en quête d’appartement finissent par se faire octroyer leur nid d’amour et le fonctionnaire pourri sera dégradé. La vérité se révèle grâce au banc d’un jardin magique : qui s’y assoit ne peut mentir. Cette échappée dans la féerie surréaliste, pas forcément absente des musicals américains, renoue à sa façon avec Rimski-Korsakov, tandis que le comique s’enracine dans la plus profonde tradition de la Russie – en prime, des clins d’œil malicieux aux ballets de Tchaïkovski. Et l’œuvre témoigne une fois de plus de l’ambiguïté de Chostakovitch : loin d’être, malgré ses piques, une charge contre le communisme, Moscou, quartier des cerises, créé en 1959 au Théâtre d’opérette de Moscou, exprime sans doute les espoirs suscités par le bouillant Nikita Khrouchtchev. Faut-il ainsi prendre la fin à la lettre ? A croire en effet que les lendemains vont enfin chanter : « A Tcheriomouchki/Fleurissent les merisiers !/Tout le monde verra ici/Ses rêves se réaliser. » Lioussia, l’ouvrière du bâtiment, qui va filer le parfait amour avec Sergueï le chauffeur, y croit dur comme fer.



Déjà présentée en 2004 pour les fêtes de fin d’année, la production lyonnaise n’a rien perdu de sa verve et de son rythme. On ne s’étonnera pas que Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff aient conçu un spectacle dans la veine des Deschiens – impayable Marie-Christine Orry en gardienne de musée. Musée sinistre pour l’histoire de Moscou, HLM à moitié achevée pour le nouvel habitat, costumes typiques de l’époque mettent aussi dans l’ambiance. Tout cela convient à merveille au Quartier des cerises et le mélange de cocasse et d’onirisme, de sentiment et de satire, pourrait difficilement trouver meilleur dosage, avec une chorégraphie pleine d’esprit, dans la veine de la comédie musicale, et une direction d’acteurs très affûtée, l’accent à couper au couteau des chanteurs russes ajoutant au fond du piquant aux dialogues. Des chanteurs excellents, heureusement pas des voix d’opérette, dont certains – à commencer par les clés de fa – assurent également les grands emplois du répertoire russe. Les aînés côtoient les jeunes talents, tels le déjà remarquable Boubentsov de Roman Burdenko ou Nabil Suliman, remarqué à Rennes en Vampire de Marschner (lire ici). Les artistes du chœur tiennent fort bien les petits rôles. Familier de Chostakovitch, Kirill Karabits, qui ne cesse de confirmer son talent, dirige l’œuvre en chef de théâtre, allant sans cesse en avant, sans hâte ni bruit, précis et coloré, très sensible à l’humour de cette musique pétillant souvent au second degré – comme dans le duo entre le concierge et le fonctionnaire.



Ceux qui ne pourront se rendre à Lyon se consoleront en regardant le DVD du film tourné en 1963 par Gerbert Rappaport, disponible chez Decca (lire ici). En attendant, cela réjouit et change des Offenbach et Johann Strauss servis à chaque fin d’année.



Didier van Moere

 

 

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