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Mariss Jansons ou la Résurrection de la lumière

Paris
Salle Pleyel
12/17/2009 -  et 3, 4, 6 (Amsterdam), 13 (London), 16 (Wien) décembre 2009
Gustav Mahler : Symphonie n° 2 “Résurrection”

Ricarda Merbeth (soprano), Bernarda Fink (mezzo-soprano)
Chœur de Radio France, Matthias Brauer (chef de chœur), Koninklijk Concertgebouworkest, Mariss Jansons (direction)


M. Jansons



On a beau mesurer la vacuité de la question, on ne peut s’empêcher, au sortir de ce concert de Mariss Jansons à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam, de se demander si l’on ne vient pas d’entendre le plus bel orchestre au monde dirigé par le plus grand chef en activité. Avec cette interprétation de la Deuxième symphonie (1894) de Gustav Mahler, la salle Pleyel a goûté un frisson plus intense encore que celui qui souffla le jour de sa réouverture (voir ici). Finesse et excellence instrumentales, cohérence interprétative et beauté lyrique sont les maîtres mots d’une lumineuse Résurrection dont l’émotion se construit patiemment, toute en intériorité et en pudeur. Il y a quelque chose de Seiji Ozawa dans le geste de Mariss Jansons : une attention inouïe aux musiciens et aux nuances, une vraie passion pour la partition comme pour la ligne de chant, une délicatesse et une retenue qui rendent les moments d’embrasement plus brûlants encore.


Il faut pourtant apprivoiser une telle approche dans Mahler : le début du Todtenfeier paraît presque trop neutre (avec ses violoncelles plus secs que tranchants), voire trop appliqué (tant les musiciens font montre d’une technique infaillible, les menus accrocs se comptant sur les doigts d’une main). C’est parce que ce premier mouvement est vraiment traité Mit durchaus ernstem und feierlichem Ausdruck (D’un bout à l’autre avec une expression grave et solennelle). On y admire tout autant la beauté du son que la patience de la construction, le geste sûr de Jansons – peut-être pas authentiquement mahlérien, mais d’une richesse ahurissante. Une abondance de détails découle de ce travail d’orfèvre qui apporte lumière et clarté à cette symphonie appréhendée, en règle générale, sous un angle plus spectaculaire et sombre.


La même concentration permet à l’Andante moderato d’être effectivement Sehr gemächlich (Très modéré) : on reste soufflé par la finesse des cordes – jusque dans les glissandos – et leur inégalable volupté, notamment dans la redoutable partie en pizzicatos. La touchante simplicité – rendue possible par l’extrême professionnalisme des musiciens – bouleverse et évoque immanquablement le Ruhevoll de la Quatrième symphonie : mélange idéal entre l’individualité des parties et la cohésion du tout. En grand interprète de Chostakovitch, Mariss Jansons est à son aise dans la pulsation du Scherzo dont il fait tranquillement ressortir tout le grinçant (In ruhig fliessender Bewegung). N’était le magnétisme des instrumentistes, on trouverait presque le chef letton trop musardant au milieu de cette perfection organisée, plus proche de Rafael Kubelík que de Václav Neumann. L’inspiration se veut en quelque sorte plus divine qu’humaine, notamment dans la transition vers l’«Urlicht»… où l’on entend quasiment les barres de mesure !


Cette humanité jusqu’ici absente s’incarne enfin dans le Sehr feierlich, aber schlicht (Très solennel, mais modeste), dans la voix intense et blessée de Bernarda Fink notamment, qui compense en émotion pudique ce qui lui manque en épaisseur vocale. On la trouve également dans la partie chorale du dernier mouvement – davantage que dans la retenue de Ricarda Merbeth –, dans le frémissement de la flûte comme dans le frisson des trombones – au terme de la lente montée vers le Wild herausfahrend (qui se fait moins explosion sauvage qu’ascension inexorable vers les portes du paradis). On peut rester insensible à cette sidérante perfection de la construction instrumentale (les deux solistes étant elles-mêmes traitées comme des instruments de l’orchestre), à cette force tranquille et sous contrôle, qui ne se met jamais en danger (l’anti-Bernstein !), sans dérapage ni transgression, presque hédoniste à force de concentration. Transcendés par l’événement, vibrants d’émotion sur le «Bereite dich zu leben!» («Prépare-toi à vivre!»), engagés comme jamais dans le climax final, les artistes du Chœur de Radio France dissipent finalement tout doute quant au niveau d’excellence de cette soirée d’anthologie. Ils rendent d’ailleurs, à la fin du concert, un hommage enthousiaste et sincère au chef ovationné – avec ses musiciens amstellodamois – par une salle conquise et captivée.


Signalons que le Chœur de Radio France (dont – bizarrerie de la programmation parisienne – l’un des orchestres «maison» donnait au même moment un concert mahlérien) s’est ainsi idéalement préparé pour l’interprétation, le 4 février prochain au théâtre du Châtelet, de cette même Deuxième symphonie de Mahler, avec Daniele Gatti et l’Orchestre national de France. Signalons également que le Concertgebouw est, tout comme le National, engagé dans une intégrale sur trois ans des symphonies de Mahler, faisant se succéder, outre Mariss Jansons (Deuxième, Troisième et Huitième symphonies), de prestigieuses baguettes : Pierre Boulez (Septième), Iván Fischer (Quatrième), Daniele Gatti (Cinquième), Bernard Haitink (Neuvième), Daniel Harding (Première), Eliahu Inbal (Dixième) et Lorin Maazel (Sixième).


Le cycle Mahler de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam



Gilles d’Heyres

 

 

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