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«La musique souvent me prend comme une mer»

Paris
Musée national de la Marine
12/07/2009 -  
Jean Cras : Trio à cordes – Quintette pour flûte, harpe et trio à cordes

Marie Roqueta (flûte), Sarah Verrue (harpe), Trio Jacob: Raphaël Jacob (violon), Jérémy Pasquier (alto), Sarah Jacob (violoncelle)





Où ne fait-on pas de la musique à Paris? Bon nombre de musées se sont ainsi ouverts à une pluridisciplinarité incluant des concerts «classiques», souvent en écho à leurs expositions temporaires: la correspondance entre les arts le justifie amplement, que ce soit au Louvre, à Orsay, à Marmottan ou à Jacquemart-André. Et il faut désormais aussi compter cette saison avec la Cité nationale de l’histoire de l’immigration et le musée national de la Marine: situé dans l’aile occidentale du palais de Chaillot, ce dernier organise, en partenariat avec le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP), grand pourvoyeur de jeunes talents, une série de huit concerts qui doit se contenter, malgré un tarif attractif (10 euros), d’un créneau peu favorable (le lundi à 19 heures).


L’initiative surprend un peu au premier abord, mais, même si ce filon n’est pas inépuisable et ne saurait demeurer l’unique axe de programmation, bon nombre de musiques ont été inspirées par l’élément marin – le premier concert proposait ainsi La Mer de Debussy et le Poème de l’amour et de la mer de Chausson – et quelques compositeurs de renom ont été officiers dans la marine: on pense bien sûr à Rimski-Korsakov ou à Roussel, mais l’exemple le plus emblématique en est Jean Cras (1879-1932), auquel le deuxième programme était intégralement dédié, sous le titre «L’Appel de la mer». Major général de l’arsenal militaire du port de Brest, ayant achevé sa carrière au grade de contre-amiral après avoir accompli divers actes de bravoure durant la Première Guerre mondiale, Cras a par ailleurs donné son nom dès 1902 à une règle-rapporteur de son invention, destinée à faciliter le repérage cartographique. Mais l’écriture était pour lui une nécessité: «compositeur je suis l’esclave, marin, je suis le maître».


Le public traverse une salle où sont notamment exposés le canot impérial de Napoléon (Ier) ainsi qu’une gigantesque figure de proue à son effigie pour rejoindre l’«Espace Lapérouse», dont les grands volumes résonnent généreusement: dommage que l’affluence soit aussi maigre (une trentaine de spectateurs), car le concert bénéficie d’une «médiation», c’est-à-dire d’une présentation écrite et orale, confiée à un étudiant du CNSM, Sylvain Degiovanni, dont les propos trahissent un enthousiasme sincère pour le «Pierre Loti de la musique».


Fondé en 2004 au Conservatoire, le Trio Jacob se produit devant deux tableaux de Marin-Marie (1901-1987), Le «Pourquoi-Pas?» dans le Scoresby Sund en 1925 (1943) et Le «Pourquoi-Pas?» à Jan Mayen en 1926 (1943). C’est précisément de 1926 que date le Trio à cordes, contribution majeure à un genre pourtant réputé difficile: ni franckiste, ni dans la mouvance néoclassique ou du Groupe des Six, l’œuvre, en quatre mouvements d’une durée totale de 25 minutes, se place plutôt dans la continuité des Quatuors de Debussy et Ravel. S’affichant peut-être moins ouvertement breton que Ropartz ou Le Flem, Cras n’en recourt pas moins à une sorte de choral d’orgue dans le «Lent» tandis que le «Très animé» final adopte le rythme d’une gigue. Mais le propos se nourrit aussi de souvenirs de voyages: une mélodie orientalisante se mêle au choral dans le deuxième mouvement et les pizzicati de l’«Animé» évoquent quelque instrument extrême-oriental à cordes pincées.


Avec la flûtiste Marie Roqueta et la harpiste Sarah Verrue, les musiciens constituent une formation pour laquelle bon nombre de compositeurs français ont écrit dans l’entre-deux-guerres, à l’invitation du quintette du harpiste Pierre Jamet: Françaix, d’Indy, Pierné, Ropartz, Roussel, Schmitt, mais aussi Cras. «Musique qui se sert moins de ses pieds que de ses ailes»: le compliment de Roland-Manuel était inspiré par la Sérénade que Roussel écrivit pour cet ensemble, mais il pourrait tout aussi bien s’adresser au Quintette (1928) de Cras. Un peu plus bref que le Trio, mais sans doute encore plus radieux et hédoniste, il comporte également quatre mouvements: le travail sur les motifs témoigne d’une influence franckiste – essentiellement autodidacte, Cras eut Henri Duparc pour seul maître – sans nuire en quoi que ce soit à la fluidité du discours et à la qualité de l’inspiration mélodique. Il le cède sans doute en puissance et en densité à Roussel, mais sa vitalité et son sens poétique délivrent la quintessence d’un certain esprit français.


Le site du musée national de la Marine



Simon Corley

 

 

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