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Deux Iphigénie sinon rien

Bruxelles
La Monnaie
12/01/2009 -  et 6*, 13, 20, 22 (Iphigénie en Aulide et Iphigénie en Tauride), 3, 8, 10 et 18 (Iphigénie en Aulide), 4, 9, 11, 15 décembre 2009 (Iphigénie en Tauride)
Christoph Willibald Gluck : Iphigénie en Aulide – Iphigénie en Tauride
Andrew Schroeder (Agamemnon), Charlotte Hellekant (Clytemnestre), Véronique Gens, Nadja Michael (Iphigénie), Avi Klemberg (Achille), Henk Neven (Patrocle), Gilles Cachemaille (Calchas), Werner Van Mechelen (Arcas/Thoas), Violet Serena Noorduyn (Diane), Stéphane Degout (Oreste), Topi Lehtipuu (Pylade), Gérard Lavalle (Un Scythe), Bernard Giovani (Le Ministre), Helen Kearns, Tomoko Taguchi, Anne-Fleur Inizan, Camille Merckx (Prêtresses)
Chœur de la Monnaie, Piers Maxim (chef du chœur), Orchestre symphonique de la Monnaie, Christophe Rousset*/Piers Maxim (direction)
Pierre Audi (mise en scène), Michael Simon (décors), Anna Eiermann (costumes), Jean Kalman (éclairages)





La Monnaie vous donne le choix : assister à Iphigénie en Aulide et/ou à Iphigénie en Tauride ou l’une à la suite de l’autre lors d’une seule (longue) soirée ou après-midi. Si Gluck ne les a pas conçues pour les représenter ensemble, l’idée tient la route y compris celle de les inscrire dans une scénographie (quasi) jumelle et, en soi, originale. L’orchestre est disposé hors de la fosse, option déjà retenue en avril dernier, mais au Cirque royal, dans Lucia di Lammermoor et, de façon plus radicale, puisqu’il est était placé au fond de la salle, dans Phaedra de Hans Werner Henze en septembre 2007. L’équipe technique a recouvert la fosse d’une plate-forme reliée aux loges latérales par des escaliers métalliques, configurés différemment dans Aulide et Tauride et associés à des barres inextricablement mêlées comme un mikado. Quelques unes sont suspendues dans l’air, comme immobilisées après avoir été projetées. Autre trouvaille : nul doute que des spectateurs jalouseront ceux placés sur une estrade à l’arrière de la scène, face à l’orchestre, avec comme voisins... les choristes de la Monnaie ! Bref, un théâtre dans un théâtre.


Mais outre ce concept et cette mise en abyme, que reste-t-il du travail de Pierre Audi ? Un jeu scénique et des attitudes corporelles des plus traditionnels, voire académiques, des recettes « modernisantes » maintes fois éprouvées – des militaires, un commandant de bord, un policier pervers –, des maladresses, comme ces genouillères visibles sans complexe, voire quelques effets involontairement grotesques, sans doute : Iphigénie portant une ceinture d’explosifs en remplacement d’une immolation en bonne et due forme, Diane apparaissant dans Aulide un bras emmitouflé dans une aile géante. Au moins y a-t-il une direction d’acteurs et une véritable tension, maintenue au terme des deux spectacles donnés chacun sans interruption.



Iphigénie en Aulide (© Hofmann)



Iphigénie en Tauride (© Hofmann)


Les puristes regretteront les coupures opérées dans les ballets et divertissements mais ceux-ci auraient ralenti le propos, avant tout concentré sur la psychologie des personnages comme l’explique le metteur en scène et directeur du Nederlandse Opera dans le Monnaie Munt Magazine. N’est-ce d’ailleurs pas ce que souhaitait le compositeur avec sa réforme : plus de vérité dramatique et moins d’ornements ? Entière satisfaction sur ce point : dans une excellente forme (même Topi Lehtipuu, annoncé souffrant, tire son épingle du jeu), les chanteurs creusent leur rôle et ne s’épargnent pas. Seuls Violet Serena Noorduyn, qui incarne Diane, et Werner Van Mechelen (Arcas/Thoas) se retrouvent dans les deux distributions dont celle d’Aulide est incontestablement dominée par Véronique Gens, Iphigénie superbe de style et de tenue vocale : charisme, richesse du timbre, profondeur des sentiments, avec son savoir-faire, la soprano française, presque trop séduisante, fait de l’ombre à ses partenaires, pourtant de haut vol, en particulier Charlotte Hellekant (Clytemnestre), Andrew Schroeder (Agamemnon), Gilles Cachemaille (Calchas) et un Avi Klemberg (Achille) à suivre.


La seconde Iphigénie présente un tout autre visage : une dizaine d’années se sont écoulées (une heure et quart entre les deux spectacles), les traits se sont durcis, le timbre s’est assombri. Nadja Michael fait valoir son expérience des rôles lourds et tragiques dans une incarnation plus musclée que celle de Véronique Gens et avec une prononciation française, il faut le reconnaître, nettement moins probante. Le reste du plateau, à commencer par Stéphane Degout (Oreste), offre bien des satisfactions mais varie peu le registre expressif. Piers Maxim réalise décidément un formidable travail avec le Chœur de la Monnaie : inspiré par les somptueuses pages que leur a réservées le Chevalier, il déploie toute l’étendue de son talent, conjuguant éloquence et homogénéité. Si Christophe Rousset s’est déjà produit à la Monnaie, c’est avec ses Talens Lyriques (voir ici) et jamais à la tête de l’orchestre-maison qui réalise sous sa direction une prestation à tout point de vue exemplaire, aux contours nets, aux rythmes ciselés et aux nuances impeccables.


Alors, l’une, l’autre, les deux ou aucune ? A chacun de décider en fonction de sa capacité de résistance, de ses goûts et de ses disponibilités. En tout cas, les aficionados de l’art lyrique ne voudront pas manquer la rare occasion d’écouter ces ouvrages magnifiques dans d’aussi excellentes conditions musicales, d’autant plus qu’ils n’avaient plus été représentés dans ce théâtre depuis un siècle, à en croire les archives. La Monnaie continue à s’intéresser aux Atrides avec son concert de fin d’années les 17 et 19 décembre, « Hélène aux enfers », pasticcio d’œuvres d’Offenbach (Orphée aux enfers, La Belle Hélène et... La Grande duchesse de Gérolstein) et avec le prochain opéra à l’affiche en janvier : Elektra de Richard Strauss.



Sébastien Foucart

 

 

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