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Exhumation aquatique

Zurich
Opernhaus
11/22/2009 -  et 24, 26, 28 novembre, 1er, 3, 6, 29 décembre 2009, 1er janvier 2010
Giuseppe Verdi: Il Corsaro

Carmen Giannattasio (Gulnara), Elena Mosuc (Medora), Vittorio Grigolo (Corrado), Giuseppe Scorsin (Giovanni), Juan Pons (Seid), Michael Laurenz Müller (Eunuco), Pablo Ricardo Bemsch (uno schiavo), Shinya Kitajima (Selimo)

Chœur de l’Opernhaus de Zurich, Jürg Hämmerli (direction), Orchestre de l’Opernhaus, Eivind Gullberg Jensen (direction musicale)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (décors), Carla Teti (costumes), Martin Gebhardt (lumières)


(© Suzanne Schwiertz)


L’Opernhaus de Zurich joue les pionniers en présentant en première suisse Il Corsaro, l’un des opéras les moins connus de Verdi, créé en 1848 à Trieste. Après I Due Foscari, le compositeur est enthousiaste à l’idée de mettre en musique un autre poème de Byron (The Corsair, qui date de 1814, a eu beaucoup de succès et d'influence en son temps, des dizaines de milliers de copies ayant été vendues le jour de sa sortie. A noter que le ballet Le Corsaire est inspiré du même écrit). Peu à peu cependant, Verdi perd toute motivation en raison de dissensions avec son éditeur et avec un impresario londonien et cherche à se débarrasser d'un travail qui commence à lui peser, composant la partition d’un trait, contrairement à ses habitudes, afin de remplir au plus vite son contrat. Ces circonstances expliquent très certainement la brièveté de l’œuvre (1h45) et son écriture musicale plutôt conventionnelle, à l’exception peut-être du grand duo de la prison au troisième acte, point culminant de l'opéra.


Sur une île de la mer Egée, Corrado, chef des pirates, décide de tromper son ennui en allant affronter les musulmans, prêt pour cela à délaisser celle qu’il aime, la belle Medora. Capturé par ses ennemis, il tombe sous le charme de Gulnara, la favorite du harem. Celle-ci demande à Corrado de tuer le sultan, mais le corsaire refuse d'agir en traître; la favorite se résigne alors à exécuter elle-même la basse besogne. Corrado s’enfuit avec elle pour la sauver et revient auprès de Medora, qui, croyant son bien-aimé mort depuis longtemps, a avalé un poison.


Il faut savoir gré à l’Opernhaus d’avoir exhumé cette rareté, qui n’est pas sans préfigurer notamment Otello pour la scène de la tempête ou Macbeth, les esclaves rappelant les sorcières écossaises. Quoi qu’il en soit, la direction du théâtre zurichois a eu du flair en confiant la partie visuelle du spectacle à Damiano Michieletto, jeune metteur en scène italien parmi les plus intéressants du moment. Plutôt que conter une histoire à la Pirates des Caraïbes, ce dernier a opté pour une fine lecture psychologique inspirée de l’époque, considérant le corsaire comme le rebelle romantique par excellence, marginal et solitaire, désabusé et revenu de tout, en proie à un mal de vivre permanent et incapable d’aimer, bref un personnage comme les affectionnent Pouchkine ou Musset. De surcroît, le corsaire est vu ici comme le double de Byron, connu non seulement pour sa production littéraire, mais aussi pour sa vie tumultueuse et scandaleuse, émaillée de frasques amoureuses. D'ailleurs, comme pour mieux souligner cette filiation, Corrado apparaît sur scène dans son bureau, plume à la main, des feuilles de papier tout autour de lui. L’entier du plateau – qui se reflète dans un grand miroir – est transformé en un bassin rempli d’eau, sur lequel flottent de petites îles où se tiennent les personnages. Ces éléments se déplacent sans pratiquement jamais se toucher, l’eau jouant un rôle central puisqu’isolant les individus, les séparant les uns des autres et les empêchant de communiquer. Il ne reste plus qu’à espérer que cette lecture intelligente et inventive contribuera à faire sortir l’œuvre de son oubli. Le public en tout cas ne s’y est pas trompé, qui a réservé un accueil enthousiaste à l’équipe de production lorsqu’elle est venue saluer, chose plutôt rare à l’opéra aujourd’hui.


Sur le plan musical, Vittorio Grigolo est un corsaire proche de l’idéal, comme à son habitude débordant d'énergie et de générosité sur scène, avec l’impétuosité et la fougue nécessaires dans la voix. Dommage cependant qu’il veuille tout chanter fortissimo, au point parfois de se mettre en danger vocalement. Elena Mosuc est son exact opposé: la soprano incarne à merveille une Medora toute en douceur et en finesse, survolant avec grâce les aigus du rôle. Pratiquement inconnue, du moins à Zurich, Carmen Giannattasio se taille un joli succès à l’applaudimètre final avec sa belle voix ample et sombre, malgré quelques sons engorgés. On saluera aussi la prestance et l'autorité de Juan Pons en sultan, même si la voix a pratiquement perdu tout son éclat. Dans la fosse, le Norvégien Eivind Gullberg Jensen privilégie les contrastes et la dynamique, au détriment parfois des nuances, mais il dépoussière une partition qui méritait d'être redécouverte.



Claudio Poloni

 

 

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