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Vous avez dit Pierné?

Paris
Reid Hall
11/21/2009 -  
Gabriel Pierné : Variations en ut mineur, opus 42 – Trois pièces formant suite de concert, opus 40 – Etude de concert, opus 13 – Passacaille, opus 52

Laurent Wagschal (piano)


L. Wagschal (© Nikos Samaltanos)


Reid Hall: le secret est bien gardé, à deux pas de l’agitation de Montparnasse. L’ancienne manufacture de porcelaine rachetée par la philanthrope Elizabeth Mills Reid pour en faire un «American Girls Club» où Nadia Boulanger, entre autres, donna des cours, est devenue depuis 1964 le campus parisien de l’université Columbia. Ce havre de paix idyllique et hors du temps accueille, dans sa «grande salle» boisée, un récital de Laurent Wagschal, annonciateur de la sortie, en juin prochain chez Timpani, d’un disque intégralement consacré à Gabriel Pierné (1863-1937): un programme passionnant, qui gagnera cependant à être découvert dans les conditions du studio, notamment avec un meilleur instrument, et que le pianiste français prend soin de présenter en quelques mots au public.


Après Florent Schmitt pour Saphir, Wagschal, au lieu de se lancer dans une énième intégrale Ravel, a choisi de poursuivre sa découverte de territoires oubliés de la musique française pour piano – il est vrai qu’il y a de quoi faire (d’Indy, Dukas, M. Emmanuel, Roussel, ...). Est-ce sa carrière de chef – il fut directeur musical de l’Orchestre Colonne de 1910 à 1934 – qui a éclipsé son activité de compositeur? Toujours est-il que non seulement Pierné n’est quasiment plus joué – même son anecdotique «Marche des petits soldats de plomb» – mais que la bibliographie à son sujet n’est guère fournie. Dans les années récentes, il faut toutefois saluer la publication chez Symétrie de la «correspondance romaine» d’un tout jeune «second premier grand prix de Rome», délicieux récit d’apprentissage mais aussi carnet de croquis redoutablement acérés (voir ici). S’il fut sensible à l’air du temps, Pierné ne suivit certes pas le chemin ouvert par ceux dont il créa les chefs-d’œuvre: Debussy (Iberia), Roussel (Le Festin de l’araignée), Ravel (Première suite de Daphnis et Chloé), Stravinski (L’Oiseau de feu, une prestation que le Russe, pourtant assez avare de compliments, aurait qualifiée de «merveilleuse»), Milhaud (Seconde suite de Protée).


Pour autant, s’il s’en tient fidèlement aux formes classiques, son langage n’est pas dépourvu d’audaces. Les étonnantes Variations en ut mineur (1916) le montrent d’emblée. On y retrouve certes une certaine sévérité franckiste, avec son thème à l’unisson des deux mains, s’ouvrant sur des blanches quadruplement pointées, son choral et sa fugue. Et la densité d’écriture, parfois sur quatre portées, rappelle sans doute aussi que Pierné fut aussi l’organiste de Sainte-Clotilde (1890-1898), où il succéda à son maître Franck et fut remplacé par Tournemire. Mais ce chromatisme sinueux, évoquant les errances de la Sonate pour violoncelle et piano qui date également des années sombres de la Première Guerre mondiale, traduit une profonde inquiétude – on croit même entendre résonner, «mystérieux et lointain», le glas de «Saturne» des Planètes de Holst. Les rares moments d’apaisement, tels ces lents arpèges aux harmonies très recherchées, en apparaissent d’autant plus précieux, même si cet imposant parcours de vingt-cinq minutes, méritant une place aux côtés du Thème et Variations de Fauré ou bien des Variations sur un thème de Rameau de Dukas, se conclut sur un ut majeur résolument affirmé.


Les Trois pièces formant suite de concert (1903) confirment à quel point Pierné excelle dans les «à la manière de...»: un «Preludio et Fughetta» en ut mineur (à Raoul Pugno), avec son curieux petit sujet en notes répétées, un étrange «Nocturne en forme de valse» en ut dièse mineur (à Johan Wysman), dont il existe un arrangement pour violon et piano (voir ici), et une «Etude symphonique» en la mineur (à Edouard Risler), brillante et agitée. Non moins tournoyantes, les doubles croches de l’Etude de concert (1887) en ut mineur crépitent comme du Saint-Saëns.


La tardive Passacaille (1934) semble poursuivre, quoique dans un format moins ambitieux (dix minutes), le propos des Variations: son climat est moins sombre, mais on n’échappe quand même pas à un magistral développement fugué. Véritable caméléon, Pierné maîtrisait également la pièce de genre, et ce dès son plus jeune âge, comme en témoigne le bis, sa propre adaptation de la Sérénade (1879) pour violon et piano.


Le site de Laurent Wagschal
Le site de Reid Hall



Simon Corley

 

 

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