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Mariage heureux

Paris
Opéra Bastille
11/14/2009 -  
György Ligeti : Concerto pour violon
Richard Strauss : Eine Alpensinfonie, opus 64

Isabelle Faust (violon)
Orchestre national de l'Opéra de Paris, Philippe Jordan (direction)


Philippe Jordan (© J. Ifkovits)


Un événement. Alors que Gerard Mortier avait supprimé le poste, Philippe Jordan, nommé directeur musical de l’Opéra par Nicolas Joel, a donné son premier concert – il faudra attendre L’Or du Rhin, en mars, pour le voir dans la fosse. Au programme, deux grandes figures du vingtième siècle, très différentes dans l’esprit et le langage, que rapproche pourtant - mutatis mutandis - l’art de l’instrumentation. Ligeti n’est-il pas d’ailleurs devenu, comme Strauss, une sorte de classique de son temps, qui ne renie pas davantage la grande tradition ? Son Concerto pour violon, en tout cas, devrait prendre place parmi les concertos du siècle. Et le rapprochement avec Une symphonie des Alpes n’avait, finalement, rien d’incongru.



Isabelle Faust y est souveraine, allant bien au-delà de la maîtrise des difficultés techniques, d’un bout à l’autre de ces trente minutes où le soliste s’associe à un ensemble de chambre dont les bois, sauf les flûtes, jouent également de l’ocarina. Le « Praeludium » révèle une sonorité ronde et chaude, un lyrisme tempéré, une virtuosité inventive et transcendée, un éventail de nuances très riche, à l’unisson d’une direction qui joue admirablement sur les timbres et les rythmes, limpide et ludique, n’éludant pas les résurgences tonales ou modales d’une écriture fondée sur les micro-intervalles. Après un « Aria, Hoquetus, Choral » d’une mélancolie bartokienne – bel alto de Marc Desmons -, les fusées virtuoses du bref « Intermezzo » passent comme l’éclair, sans que jamais la qualité du son pâtisse, avant que s’exacerbent les tensions de la « Passacaille » : on ne saurait rêver ici meilleur interprète qu’Isabelle Faust, toujours aussi passionnante dans le choix de son répertoire et de ses approches. Le finale, un « Appassionato » jubilatoire, parfois sauvage, est superbe, tout comme l’accompagnement orchestral, fluide et coloré, d’un chef décidément à l’aise dans cette musique.



Après Dudamel et Bychkov, Philippe Jordan : Paris aura, en vingt jours, entendu trois fois la Symphonie des Alpes. Autant de lectures différentes du chef-d’œuvre straussien. Le concert de Bastille confirme en tout cas la suprématie de l’Orchestre de l’Opéra sur ses rivaux parisiens : pour qui avait assisté, l’avant-veille, au concert du National, la comparaison s’avérait cruelle, même si les Images de Debussy présentent des difficultés d’une autre nature. La rondeur des cuivres, l’homogénéité soyeuse des cordes, cela ne tient pas à un répertoire, mais à la santé d’un orchestre. Et la direction analytique du nouveau directeur musical de l’Opéra met à nu tous les pupitres, impitoyablement sollicités par Strauss : les uns n’ont guère à envier aux autres, même si l’on ne peut s’empêcher de citer le hautbois magnifique d’Olivier Doise. Bref, pas de sonorités enveloppées, pas de luxuriance hédoniste comme chez un Karajan : souple comme un elfe, le chef semble avoir une peur panique de la boursouflure, jusqu’à gommer la dimension nietzschéenne de la partition, penchant résolument du côté d’Apollon. L’air des sommets, avec lui, est pur, vif, presque dur : la grande houle orchestrale de Strauss n’engloutit pas sous une sensualité grisante. Nous voici à l’exact opposé de la démarche de Daniele Gatti dans le triptyque debussyste : là où l’un densifiait, voire épaississait, l’autre décape et aiguise – un peu trop dans les deux cas. Rien d’étonnant pour ceux qui ont entendu Le Chevalier à la rose ou Ariane à Naxos : Philippe Jordan a toujours privilégié les lignes par rapport aux masses, reliant Strauss à Mozart et à Mendelssohn, ce que le compositeur demandait aux autres et réalisait lui-même – avec, cependant, un élan, une chaleur qui font défaut ici. Il y a parfois quelque chose de chambriste dans cette lecture, même la grandeur dionysiaque de « Sur le sommet » garde une transparence parfaite, alors que les chutes d’eau de « A la cascade » jaillissent en sonorités cristallines. Une interprétation construite, pensée, cérébrale aussi, qui témoigne d’une belle entente entre le chef et ses musiciens. Lune de miel ? Si c’est vraiment le cas, espérons qu’elle dure.



Didier van Moere

 

 

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