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L’Orphée flamboyant du continent latino-américain

Paris
Salle Pleyel
10/24/2009 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Concerto pour violon, opus 35
Richard Strauss : Eine Alpensinfonie, opus 64

Renaud Capuçon (violon)
Orquesta sinfónica de la juventud venezolana Simón Bolívar, Gustavo Dudamel (direction)


G. Dudamel (© Fred Toulet/Salle Pleyel)


Au lendemain d’un concert partagé avec l’Orchestre philharmonique de Radio France (voir ici), l’Orchestre symphonique Simon Bolivar de la jeunesse vénézuélienne était en revanche seul pour la seconde étape parisienne de sa tournée en Europe et au Canada: indice de la popularité de cette success story sympathique et optimiste, au parfum de féerie sociale, l’entrée en scène des musiciens est saluée d’emblée par de longs applaudissements, qui redoublent à l’arrivée de celui qui, bien qu’âgé de vingt-huit ans seulement, en est le directeur musical depuis dix ans déjà, Gustavo Dudamel.


Il retrouvait d’abord Renaud Capuçon, avec qui il a donné en fin de saison dernière le Concerto de Korngold (voir ici), dans un autre Concerto en , encore plus populaire, celui de Tchaïkovski (1878). Davantage que le soliste, pas toujours très propre et un tantinet sentimental, le chef – sans partition – et l’orchestre retiennent l’attention par leur façon de mordre à pleine dents dans les notes: une vision délibérément spectaculaire, généreuse et rhapsodique, bref juvénile, qui n’exclut pas une belle finesse dans la «Canzonetta» centrale. Le chef d’attaque des seconds violons doit concéder une moitié de sa chaise pour permettre à Dudamel d’écouter le violoniste français dans son bis habituel, la «Danse des esprits bienheureux» d’Orphée et Eurydice (1762) de Gluck.


De Clarens, sur les bords du lac Léman, où Tchaïkovski écrivit son Concerto, à la Symphonie alpestre (1915), il n’y avait qu’un pas. Pour donner toute sa mesure à la mégalomanie straussienne, on ne lésine pas sur les moyens: non seulement les lumières se rallument progressivement pour évoquer la levée du jour, de même qu’elles s’éteindront petit à petit, à la fin de l’œuvre, lorsque la nuit retombe, mais l’effectif orchestral atteint une dimension phénoménale – il est vrai que les Vénézuéliens se déplacent à plus de deux cents, accompagnateurs non compris. 139 musiciens, dont 89 cordes (14 contrebasses!), c’est toutefois un peu beaucoup, même pour cette musique, avec le risque de donner raison à certains des clichés pas toujours bienveillants qui l’entourent. De fait, l’interprétation, techniquement satisfaisante, voit sa vitalité lestée par un son épais, voire saturé, tournant à la confusion dans les tutti.


Ovation debout dès les premiers saluts, drapeaux vénézuéliens agités en divers points de la salle, tout est prêt pour la troisième partie de la soirée, sans doute celle qui restera le plus dans les mémoires. Elle débute par la remise des insignes d’officier dans l’ordre national de la Légion d’honneur à José Antonio Abreu, fondateur et directeur du fameux «Sistema» (système national d’orchestres de jeunes et d’enfants du Vénézuéla): à celui qui fut son homologue et prédécesseur au Vénézuéla de 1988 à 1993, le ministre de la culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, précise que cette décoration honore non seulement le «ministre de la consonance sociale» mais, à travers lui, l’orchestre et tout ce qu’il représente, l’idéal d’une culture pour tous et pour chacun. Dans sa brève réponse, le récipiendaire confirme qu’il n’entend pas recevoir cette distinction à titre personnel, avant que Gustavo Dudamel ne se voie à son tour nommé chevalier dans l’ordre des Arts et des lettres.


Rendant hommage à ses muchachos dans son propos de remerciement, Dudamel confirme qu’il est bien, ainsi que le décrit le ministre, «l’Orphée flamboyant du continent latino-américain» en offrant en bis, comme la veille, l’emblématique «Mambo» de West Side Story (1957) de Bernstein, puis le «Malambo» final d’Estancia (1943) de Ginastera. Pleyel ne résiste pas à ce tourbillon joyeux et spontané, où les musiciens se balancent en rythme par pupitres entiers et se lèvent pour danser avec leurs instruments, sans compter ce percussionniste qui jongle avec ses baguettes. La fête se conclut sur une Marche de Radetzky (1848) plus proche, avec une telle masse orchestrale et un tempérament aussi débonnaire, de Sousa que du père Strauss, mais dans laquelle Dudamel confirme son charisme en faisant exécuter de subtiles nuances dynamiques au public qui, comme à Vienne, bat des mains en mesure.



Simon Corley

 

 

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