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Delirium Pleyel

Paris
Salle Pleyel
10/23/2009 -  
Maurice Ravel : Seconde Suite de Daphnis et Chloé (*)
Evencio Castellanos : Santa Cruz de Pacairigua (**)
Hector Berlioz : Symphonie fantastique op. 14 (*) (**)

Orchestre Philharmonique de Radio France (*), Orquesta sinfónica de la Juventud Venezolana Simón Bolívar (**), Gustavo Dudamel (direction)


G. Dudamel (© Fred Toulet/Salle Pleyel)


Ça sonne, ça sonne même fort, voire très fort : la réunion du Philhar’ et de l’Orchestre Simón Bolívar des jeunes du Venezuela, dirigée par le bouillant et déjà vedette Gustavo Dudamel, menace de faire éclater la salle Pleyel. Quand une acoustique est aussi sonore, mettre autant de musiciens sur la scène – cent cinquante environ, six trompettes et six trombones – pour faire de la Symphonie fantastique une Symphonie des mille avant l’heure, voilà qui relève de la gageure. Cela dit, alors que la fusion des deux phalanges n’allait pas de soi, à peine sent-on une moindre homogénéité de l’ensemble dans les tutti rapides, surtout du côté des cordes. Indépendamment du tapage médiatique savamment orchestré par sa maison de disques, le chef confirme à quel point il faut déjà compter avec lui. Ne nous arrêtons pas à ses sauts de cabri : main droite très précise, main gauche très souple, il tient son orchestre – ou, en l’occurrence, ses orchestres –, et pas seulement par son charisme. Il y a du Stokowski chez ce jeune homme au tempérament de feu, dont le panache tranche sur la tendance actuelle au lissage et qui a une certaine idée de ce qu’il dirige. Quitte à bousculer les traditions ou à jeter un pavé dans la mare de la philologie, ne serait-ce que par l’ampleur de certains tempos. Une force qui va et sait où elle va.


« Rêveries – Passions », d’un romantisme fiévreux, oscille entre pâmoison et fulgurance, avec une grande souplesse agogique – la reprise de l’idée fixe par le hautbois est très ralentie. Ceux qui aiment les sonorités décantées en sont pour leurs frais : Dudamel les aime opulentes, généreuses, notamment de la part des cordes graves, sans pour autant envelopper, encore moins brouiller, les lignes de la polyphonie. « Un bal » prend son temps, plutôt rêve de valse que vrai bal, taillé dans une pâte sonore très dense, peut-être un tantinet épaisse. On ne trouvera guère de fraîcheur pastorale dans la « Scène aux champs », prise dans un tempo large, qui confirme le rattachement de cette Fantastique à un romantisme beaucoup plus tardif, beaucoup plus sombre aussi. Après une « Marche au supplice » grimaçante, vision d’horreur anticipant sur Mahler ou Chostakovitch, le « Songe d’une nuit de sabbat » déchaîne une spectaculaire danse infernale, sorte de pendant de la future Nuit sur le mont chauve moussorgskienne. Du technicolor, certes, mais décidément une main de maître. Et ce sont plutôt les jeunes qui entraînent les aînés dans sa joie de jouer, surtout quand les musiciens du Philhar’ et leurs collègues vénézueliens dansent au rythme du « Mambo » de West side story donné en bis, un de leurs morceaux de bravoure. Le public est au bord de la transe – les bravos couvrent une huée isolée.


Le prodige de la baguette, à vrai dire, n’avait pas attendu cette seconde partie pour déchaîner l’enthousiasme. Au début du concert, la Seconde suite de Daphnis et Chloé faisait déjà fi, par le tempo retenu, la sensualité langoureuse, d’une certaine tradition d’interprétation ravélienne. Sans attendre la « Danse générale » dont il fait une apothéose de la danse, le chef ose dès le « Lever du jour » faire légèrement chalouper les rythmes, installant d’emblée une atmosphère de moiteur grisante. Rien, pourtant, n’est laissé au hasard, à commencer par les pizzicatos de cordes, d’une rondeur inattendue, accompagnant la superbe flûte de Thomas Prévost dans la « Pantomime ». Ce Daphnis quasi straussien, proche des touffeurs musquées de Salomé, se situe à l’exact opposé de celui de Myung-Whun Chung. La Suite symphonique Santa Cruz de Pacairigua est évidemment jouée par l’orchestre vénézuelien, très à l’aise dans cette rutilante orgie orchestrale où plans et rythmes restent parfaitement équilibrés. Cela dit, cette musique de 1954 souffre un peu, malgré ses prestiges sonores et ses ivresses rythmiques, du voisinage avec Ravel.


Le site du Système national des orchestres de jeunes et d’enfants du Venezuela
Le site de Gustavo Dudamel



Didier van Moere

 

 

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