About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Stockhausen et Ligeti au Panthéon

Paris
Salle Pleyel
10/17/2009 -  
Karlheinz Stockhausen : Kreuzspiel – Fünf weitere Sternzeichen – Kontra-Punkte
György Ligeti : Kammerkonzert – Aventures et Nouvelles Aventures

Claron McFadden (soprano), Hilary Summers (contralto), Omar Ebrahim (baryton)
Ensemble intercontemporain, Pierre Boulez (direction)


P. Boulez (© Aymeric Warmé-Janville)



Pour sa trente-huitième édition, le Festival d’Automne frappe un grand coup : ce n’est pas sans une certaine émotion que l’on observe Pierre Boulez, né en 1925 soit deux ans après Ligeti et trois ans avant Stockhausen, interpréter la musique de deux de ses contemporains récemment disparus. Pourtant, c’est un sentiment fort éloigné de la tristesse qui ressort de ce concert auquel une salle Pleyel presque pleine a fait un triomphe mérité : un sentiment de joie. C’est d’abord la satisfaction d’attester de l’entrée au «Panthéon de la musique» d’œuvres qui ne font plus fuir les spectateurs, qui attirent même jusqu’au public le plus large et suscitent – ainsi qu’on a pu le constater – une attention captivée et une réelle volonté de comprendre. C’est également le bonheur d’entendre Stockhausen et Ligeti interprétés à un tel niveau d’excellence par l’Ensemble intercontemporain et Pierre Boulez, qui connaissent leur affaire. C’est enfin la jubilation qui se dégage de certaines pages, pleines de virtuosité satirique, de clins d’œil musicaux et d’humour communicatif.


Ainsi de la création française des ultimes Fünf weitere Sternzeichen (2007) de Karlheinz Stockhausen (1928-2007), sorte de Carnaval des animaux astraux, achevées quelques jours seulement avant la mort du compositeur et pourtant débordantes de vie. Le tuba désopilant de Gérard Buquet l’a bien compris, qui, dans «Taurus», se déplace sur scène en jouant, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, et prend le public à témoin de son show de clown caustique et grinçant. Cette ironie légère et distanciée parcourt d’ailleurs toute l’œuvre, comme dans les saillies folkloriques sans cesse interrompues dans «Aries» ou chez les solistes de «Gemini» qui semblent s’avancer comme à pas feutrés. Souscrivant aux interrogations de Rudolphe Bruneau-Boulmier dans les notes de concert, «que dire de cette musique aux rythmes simples, aux gestes affirmés, aux thèmes chantants ? Elle dérange, émeut ou surprend. Si le langage musical se veut limpide, l’idéologie demeure plus complexe. Désir de pureté ou ultime pied de nez ? Une fois de plus Stockhausen prend un chemin de traverse».


Le moins que l’on puisse dire, d’ailleurs, est que, de Stockhausen, Boulez offre un panorama en forme de grand écart, avec la programmation de deux des œuvres fondatrices du compositeur allemand, écrites près de soixante ans plus tôt, à commencer par les fameux Kontra-Punkte (1952-1953) pour dix instruments. Cette partition, dont Stockhausen disait, qu’elle était née du projet «d’obtenir dans un monde sonore divers et multiple, fait de tons et d’intervalles temporels distincts, la dissolution de toutes ces oppositions, jusqu’à atteindre le stade où l’on n’entend plus qu’une entité totale et immuable», continue d’interpeler. Boulez dessine, avec tranquillité et douceur, une toile gigantesque où les notes semblent peu à peu s’aimanter telles des étoiles qu’on accrocherait dans le ciel. Cette même impression de calme magnétique domine l’épuré Kreuzspiel (1951) donné en ouverture du concert et rempli des couleurs automnales infusées par le hautbois de Didier Pateau et la clarinette basse d’Alain Billard.


On s’attendait, certes, à ce que les œuvres de György Ligeti (1923-2006) soient magnifiées par l’Ensemble intercontemporain et Pierre Boulez, qui en ont gravé, au début des années 1980, des versions qui demeurent des modèles. On ne pensait pas, en revanche, être à ce point bouleversé, dans le Concerto de chambre (1969-1970), par l’interprétation lumineuse et aérée du chef français, qui semble résoudre la quadrature du cercle en parvenant à ordonnancer l’impression organique de création du monde qu’exhale le Corrente (Fliessend), à réconcilier les individualités instrumentales dans le Calmo sostenuto, à magnifier le mécanisme d’horlogerie du Movimento preciso e meccanico, avant d’agencer – avec une rigueur jamais austère – l’arc-en-ciel de sonorités du Presto. D’autant que l’excellence caractérise la prestation des treize instrumentistes de l’EIC réunis pour l’occasion.


Ce dernier compliment – qui s’applique plus spécialement au violoncelle d’Eric-Maria Couturier et à la contrebasse de Frédéric Stochl – peut être reproduit pour décrire l’exécution d’Aventures et Nouvelles Aventures (1962-1965) pour trois voix et ensemble. N’étaient la performance bien en retrait de Claron McFadden et la légère réserve que suscite une Hilary Summers parfaitement investie mais qu’on a connu plus en voix, on pourrait sans difficulté qualifier de référence cette interprétation lumineuse et virtuose. Avec une mention spéciale pour le baryton Omar Ebrahim (remplaçant Georg Nigl, souffrant) qui, de singeries loufoques en onomatopées et grognements bizarroïdes, transcende une nouvelle fois cette partition dont il reste (au disque notamment) l’un des interprètes incontournables.


Alors que l’on pourra entendre, dès le 23 octobre, l’Ensemble intercontemporain dans un programme Xenakis / Stravinsky (à la Cité de la Musique), Pierre Boulez reviendra salle Pleyel, le 16 novembre prochain, avec l’Orchestre Philharmonique de la Scala de Milan et le pianiste Maurizio Pollini (Bartók).


Le site de l’Ensemble Intercontemporain
Le site de la fondation Stockhausen



Gilles d’Heyres

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com