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L’exotisme et le merveilleux

Paris
Théâtre du Châtelet
10/08/2009 -  et 9, 10, 11*, 14, 15, 17, 18 octobre 2009
Wolfgang Amadeus Mozart: Die Zauberflöte, K. 620 (adaptation Mark Dornford-May, Mandisi Dyantyis, Mbali Kgosidintsi, Pauline Malefane et Nolufefe Mtshabe)

Mhlekazi Andy Mosiea/Sonwabo Ntshata (Tamino), Noluthando Sigonya (Première dame), Lungelwa Mdekazi (Deuxième dame), Unathi Habe (Troisième dame), Zamile Gantana/Phumzile Theo Magongoma (Papageno), Pauline Malefane/Bongiwe Mapassa (La Reine de la nuit), Tembisa Mlanjeni (Premier esprit), Poseletso Sejosingoe (Deuxième esprit), Noluthando Boqwana (Troisième esprit), Xolani Momo/Malungisa Balintulo (Monostatos), Nobulumko Mngxekeza/ Portia Shwana (Pamina), Simphiwe Mayeki/Sebastian Zokoza (Sarastro), Bulelani Madondile, Luthando Mthi (Prêtre), Luvo Rasemeni, Thamsanqa Ntoninji (Hommes d’armes), Thozamo Mdliva/Asanda Ndlwana (Papagena), Mlungiseleli Nqadini, Sonwabo Ntshata, Sifundo Soji, Lizo Tshaka, Sebastian Zokoza (Camarades), Bongiwe Lusizi, Bongiwe Mapassa, Zanele Mbatha, Zoleka Mpotsha, Asanda Ndlwana, Portia Shwana, Noluthando Sishuba, Nomasande Webu (Esprits/Camarades)
Orchestre de marimbas et de percussions africaines, Mandisi Dyantyis (direction d’orchestre)
Mark Dornford-May (mise en scène), Lungelo Ngamlana (chorégrahie), Leigh Bishop (costumes), Mannie Manim (lumières), Dan Watkins (conseiller technique), Charles Hazlewood (conseiller musical)


(© Marie-Noëlle Robert)



La rencontre de Mozart avec l’Afrique que propose la Compagnie Isango Portobello est pour le moins étonnante, surtout lorsqu’on a à l’esprit que dans le livret de Schikaneder, Monostatos, personnage peu fréquentable, est un Maure. Autrement dit, la référence à l’Afrique dans le livret originel n’est pas véritablement laudative. Pourtant, quelques siècles plus tard, c’est cette même Afrique qui envahit l’opéra tout entier, et à en croire les applaudissements nourris des spectateurs, qui retentissent d’ailleurs dès le milieu de l’ouverture, c’est plutôt positif.


Tout est surprenant dans cette Impempe Yomlingo venue du Cap, à commencer par les marimbas et les percussions africaines: non seulement l’oreille occidentale, peu accoutumée à de telles sonorités, plonge dans un univers entièrement nouveau, mais l’œil aussi en prend pour son grade: les musiciens, situés des deux côtés de la scène, font face à un chef, présent sur les planches, et dont la direction relève presque de la danse. Le spectateur est donc prévenu: les codes de l’opéra traditionnel sont bouleversés. Plus exactement, c’est le mélange des genres qui surprend: outre le contact avec l’Afrique, qui fait ressortir les rites initiatiques, partie intégrante de la culture africaine, la mise en scène joue aussi avec les codes occidentaux. Effectivement, Monostatos et Papageno, pendants l’un de l’autre, sont tous deux en treillis et non en costumes africains, en référence à leurs activités: Monostatos poursuit Pamina, Papageno, les oiseaux, représentés d’ailleurs par des femmes.


De manière plus significative encore, la mise en scène se plait à flirter avec la comédie musicale nord-américaine, notamment avec les personnages des esprits, interprétés par des femmes, remplaçant les jeunes garçons dans la version originale: tantôt habillés en tailleur parme avec une broche en forme de fleur, tantôt en petits anges à ailes roses, une peluche à la main, ces esprits dansent et chantent d’une manière évoquant l’ambiance des spectacles musicaux de Broadway, renforcée par la présence d’une enseigne lumineuse « Spirits » (Esprits). Le gospel pointe aussi le bout de son nez, notamment lors de certaines interventions groupées chantées et dansées. En somme, c’est à l’Afrique dans tous ses états que le spectateur fait face : celle du continent noir, comme celle qui a essaimé dans le monde occidental, notamment aux Etats-Unis. Cette alliance est plutôt réussie, bien que le côté kitsch des esprits, certes voulu pour donner des touches d’humour à l’ensemble, puisse un peu agacer. Les partis-pris dans cette mise en scène sont donc variés et parfois singuliers puisque la première apparition de Papagena lorsqu’elle est travestie en femme laide est effacée, ce qui confère un rôle assez maigre à Thozamo Mdliva.


Sur le plan musical, de nombreux éléments étonnent également : l’absence de l’air de désolation de Pamina au moment de sa tentative de suicide abolit quelque peu l’aspect psychologique et émotionnel touchant du personnage. De même, le fameux air «O Isis und Osiris» de Sarastro manque à l’appel, et c’est bien dommage: non seulement le spectateur aurait eu plaisir à retrouver cet air célèbre, mais l’invocation de ces déesses égyptiennes aurait pu se muer en appel à des divinités africaines inconnues pour le spectateur occidental, et ainsi actualiser l’exotisme fascinant de l’époque de Mozart, certes déjà présent par ailleurs dans la mise en scène. En outre, cela aurait pu permettre de mieux mettre en valeur le personnage de Sarastro, chanté par Simphiwe Mayeki, qui, malgré un beau timbre, ne porte pas assez dans les notes très graves. Cependant, de manière générale, les chanteurs témoignent d’une technique puissante et bien maîtrisée, à l’image de cette réputation qui fait des Africains des voix qui ont du coffre. Seule Pauline Malefane (la Reine de la Nuit) peut un peu décevoir : le contre-fa de son premier air est bien attrapé mais peut-être un peu sec, et les notes aiguës de son second air ne sont pas tout à fait justes. Cependant, le mariage de la musique d’opéra et des sonorités africaines est bien réussi et permet d’occulter les quelques petits ratés épars, et franchement peu nombreux.


En définitive, ce spectacle mérite qu’on s’y attarde pour son originalité et son audace: qui aurait imaginé La Flûte enchantée donnée par des Africains sur un livret remanié mêlant anglais et xhosa avec des termes franchement étrangers à Mozart comme «township»? Cette production doit donc être saluée, et ce d’autant plus qu’elle restaure deux éléments peut-être trop oubliés de nos jours, mais qui comptaient parmi les fondements de l’œuvre au XVIIIe siècle: l’exotisme et le merveilleux. Le grand nombre de rappels en est la preuve.


Le site d'Impempe Yomlingo
Le site de la Compagnie Isango Portabello



Fanny Fossier

 

 

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