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Piégés par l’image

Paris
Salle Pleyel
10/03/2009 -  et 4 octobre 2009
Edgard Varèse : Hyperprism – Un grand sommeil noir – Octandre – Offrandes – Intégrales – Tuning up – Amériques – Nocturnal – Arcana – Ionisation – Ecuatorial – Density 21.5 – Etude pour Espace – Dance for Burgess – Déserts – Poème électronique
Anu Komsi (soprano), Jeannette Landré (flûte)
Capella Amsterdam, Asko|Schönberg Ensemble, Orchestre Philharmonique de RadioFrance, Peter Eötvös (direction)
Gary Hill (création des images, mise en espace)


P. Eötvös (© Andrea Felvégi)


Tout Varèse, en deux concerts, jusqu’à la première française de l’Etude pour espace orchestrée par le compositeur sino-américain Chou Wen-Chung, qui avait déjà reconstitué Tuning up – Riccardo Chailly ne l’a pas retenue pour sa superbe intégrale. De quoi mesurer à quel point cette musique paraît toujours aussi moderne dans son travail sur le son, plus de quarante ans après la mort du compositeur. Tout Varèse, de surcroît, par un éminent compositeur chef d’orchestre : de quoi attirer les amateurs. Reste à savoir si ces œuvres gagnent à être entendues les unes à la suite des autres. Est-ce à dire que l’on finit par éprouver une impression de monotonie ou de redite ? Ou que l’interprétation ne comble pas ? Peter Eötvös, pourtant, dirige d’une main sûre, avec une précision clinique. Il y a également quelque chose de brut, de fauve dans ces sonorités vif-argent. Mais cette précision finit par assécher un peu la musique. On ne demandera pas au chef, évidemment, de diriger Varèse comme du Strauss, seulement de créer des atmosphères, de retrouver, au-delà ou à travers les sons, la magie incantatoire des mondes primitifs – tout ce qui marqua tant Jolivet. Or Peter Eötvös semble trop exclusivement préoccupé par le son lui-même, alors qu’un Pierre Boulez, par exemple, avait proposé dans le même lieu une lecture beaucoup plus organique – et plus raffinée dans les couleurs – d’Amériques, pas moins attentif à la structure qu’à la matière elle-même : une partition comme Ecuatorial y perd en mystère. Eötvös, ainsi, se situe à l’opposé de Chailly, qui proposait une lecture presque sensuelle de l’œuvre de Varèse. Cela dit, la performance reste évidente, tant de la part du chef que de celle des musiciens – parfait Asko|Schönberg Ensemble, Philhar’ en superbe forme, remarquable Capella Amsterdam, parfaite Jeannette Landré dans Density 21.5. Il a fallu attendre le second concert, en revanche, pour qu’Anu Komsi, très appliquée dans Offrandes, donne sa mesure dans Nocturnal.


On n’avait malheureusement nul besoin des images de Gary Hill sur trois écrans pour accompagner la musique dans ce « Varèse 360° », même si, comme il le dit lui-même, elle « bouillonne d’images en tous genres, spirale de pensées qui s’enchevêtrent, se plient, s’effilent, se tirebouchonnent et parfois se fragmentent en une mosaïque à peine reconnaissable, dans un processus de métamorphose permanente ». Certes, Varèse envisageait pour Déserts un accompagnement filmique. Encore faudrait-il que celui-ci soit adapté, alors qu’on perçoit mal le lien, pendant les deux concerts, entre la musique et les images , qu’elles soient réelles ou de synthèse – même si les photos de statuettes relevant des « arts premiers » peuvent se justifier. Mais cette main empilant des cailloux, ces mobile homes dans la nature, ces moutons sur l’herbe… n’ont aucun intérêt, pour ne rien dire des textes. De la pseudo-modernité prétentieuse et prétendument branchée. Quant à affubler les solistes de vêtements fluorescents à la Velázquez revu par Picasso… La vidéo de Bill Viola dans Tristan, pour contestable qu’elle fût parfois, tentait de s’intégrer dans le temps de la représentation d’un drame. Rien de tel ici, où il ne s’agit que d’une succession de morceaux. Nous sommes néanmoins pris au piège, comme Varèse lui-même : on parvient difficilement à s’abstraire de l’image, dont la projection oblige à plonger l’orchestre dans une pénombre où on ne le voit plus guère. Lui aussi se trouve pris au piège, comme le chef. Or un orchestre se regarde autant qu’il s’écoute, a fortiori lorsqu’il joue des œuvres telles que celles de Varèse. Et cette image-là nous suffit amplement.



Didier van Moere

 

 

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