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Fanatiques renvoyés dos à dos

Zurich
Opernhaus
09/19/2009 -  et 23, 25, 27* septembre, 2, 4, 8, 11, 15, 18, 20, 23 octobre 2009
Gioachino Rossini: Mosè in Egitto

Sen Guo (Amaltea), Eva Mei (Elcia), Anja Schlosser (Amenofi), Erwin Schrott (Mosè), Michele Pertusi (Faraone), Javier Camarena (Osiride), Reinaldo Macias (Aronne), Peter Sonn (Mambre)
Chœur de l’Opernhaus de Zurich, Jürg Hämmerli (direction), Orchestre de l’Opernhaus, Paolo Carignani (direction musicale)
Moshe Leiser et Patrice Caurier (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Hans-Rudolf Kunz et Christophe Forey (lumières)


(© Ingolf Höhn)


Depuis une année qu’elle dure maintenant, la crise économique n’avait encore inspiré aucun metteur en scène à l’opéra. C’est chose faite désormais grâce à l’Opernhaus de Zurich, où le tandem Patrice Caurier-Moshe Leiser situe le début de sa nouvelle production de Mosè in Egitto au moment de l’effondrement des cours boursiers. L’œuvre a été composée par Rossini en 1818 pour le San Carlo. Comme le voulait la tradition à Naples au moment du Carême, elle se fonde sur l’histoire biblique et raconte la fuite des Hébreux hors d’Egypte, avec en toile de fond l’affrontement entre deux personnalités (Moïse et le Pharaon), mais aussi entre deux peuples, deux religions et deux cultures. L’opéra se termine au moment de la traversée de la Mer Rouge, qui a inspiré au compositeur une page parmi ses plus célèbres. On l'aura compris, les thèmes traités se prêtent à une transposition plus ou moins radicale.


C’est le parti qu’ont choisi les deux metteurs en scène: le rideau s’ouvre sur la salle des marchés d’une grande bourse, où des écrans géants affichent la chute des actions. Les Hébreux sont ici un peuple de petits épargnants qui a tout perdu et qui veut tenter sa chance ailleurs, mené par un Moïse ressemblant étrangement à Ben Laden avec sa grande barbe blanche. Le Pharaon est dépeint comme l’archétype du grand capitaliste ultralibéral, les subprimes étant les plaies qui ravagent son pays. De financier au départ, le propos devient politique, virant au conflit entre une société riche et matérialiste d’une part, et une société fondamentalement religieuse de l’autre. L’antagonisme est personnifié par le Pharaon et Moïse/Ben Laden, ce dernier n’hésitant pas à faire sauter des bombes pour arriver à ses fins. Et avant de s’enfuir pour la Mer Rouge, il se retrouvera prisonnier à Guantanamo, en uniforme orange. On a connu Patrice Caurier et Moshe Leiser plus subtils dans bien d’autres productions, mais leur conception de Mosè a le mérite d’être claire, intelligente et cohérente de bout en bout. Elle jette aussi une lumière nouvelle sur le personnage de Moïse, qui se réclame sans cesse de Dieu, qui justifie par lui les bombes qu’il pose, et qui est en fin de compte perçu comme tout aussi brutal et fanatique que le Pharaon, les deux hommes étant renvoyés dos à dos. Si le traitement de l’aspect politique du livret est une réussite, il n’en va pas de même de l’intrigue amoureuse entre le fils du Pharaon et la juive Elcia, laquelle se déroule dans les pièces d’un palais design. Le Pharaon apparaît en peignoir et sert le petit déjeuner à son fils, déclenchant les rires du public.


Contrairement à Salzbourg cet été, où a été représentée la version française de l’œuvre – bien plus qu’une traduction de la version italienne, cette dernière a été remaniée de fond en comble par Rossini en 1827 pour Paris – Zurich a opté pour la première partition, en italien. Un choix judicieux quand on pense au sabir incompréhensible qui a prévalu sur la scène du Grosses Festspielhaus. A l’Opernhaus, la distribution vocale est dominée par le magnifique Pharaon de Michele Pertusi, au chant élégant et stylé, donnant une véritable leçon de technique rossinienne. Erwin Schrott souffre quelque peu de la comparaison, car si son Moïse – jeune au demeurant – est particulièrement sonore, il donne l’impression d’un matériau brut encore à polir et à affiner. Eva Mei, qui par ailleurs est une Traviata et une interprète mozartienne admirée à Zurich, trouve ici un emploi aux limites de ses possibilités, les vocalises la mettant souvent à mal, malgré la présence et la chaleur de son incarnation scénique. On retiendra également l’Osiride de Javier Camarena: le jeune Mexicain – membre de la troupe de l’Opernhaus – est en passe de devenir l’un des ténors légers les plus intéressants de sa génération. Malgré son manque d’élégance, le chant est envoûtant et l’aigu facile. En très grande forme, l’Orchestre de l’Opernhaus est dirigé par un Paolo Carignani soucieux d’accentuer les reliefs dramatiques de la partition, au point de tomber parfois dans la lourdeur. Un début de saison réussi, qui augure bien des 13 autres nouvelles productions qui attendent les spectateurs zurichois.


Le site de l’Opéra de Zurich



Claudio Poloni

 

 

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