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Mauvaise pioche Paris Salle Pleyel 09/18/2009 - Johannes Brahms: Ein Deutsches Requiem, opus 45
Wolfgang Rihm: Das Lesen der Schrift
Natalie Dessay (soprano), Ludovic Tézier (baryton)
Chœur de Radio France, Matthias Brauer (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)
Que faire lorsque les deux orchestres de Radio France ont décidé d’effectuer leur rentrée parisienne le même soir – le National à l’auditorium Olivier Messiaen dans le cadre du festival «Présences», le Philharmonique à Pleyel en coproduction avec le Festival d’automne – sinon pester contre une programmation aussi mal harmonisée (sans compter la simultanéité de «Présences» à Paris et de «Musica» à Strasbourg)?
Cependant, plutôt que de jouer à pile ou face, quelques éléments plaidaient en faveur de la seconde solution, car «Présences», étalé sur trois jours et quatre concerts, offre des possibilités de repêchage, tandis que la «vraie» rentrée du National, dans son traditionnel créneau du jeudi soir au Théâtre des Champs-Elysées, n’interviendra que le 24 septembre. Et peut-être, avant tout, une raison plus positive: le Philhar’ a prodigué tellement de bonheur au public de la capitale depuis un quart de siècle qu’on se doit de saluer une nouvelle saison où, une fois de plus, le défilé de chefs (Dudamel, Eötvös, Inbal, Koopman, ...) et de solistes (Angelich, Kissin, Repin, von Otter, ...) s’annonce prometteur.
Mauvaise pioche, hélas. Comme son homologue Christoph Eschenbach à l’Orchestre de Paris (voir ici), le directeur musical, Myung-Whun Chung, inaugure l’année avec faste, en choisissant une partition de vastes proportions qui fait en outre appel à un chœur et à des solistes. Mais son interprétation du Requiem allemand (1868) surprend par la lenteur du tempo: suaves, presque engourdis, avec des attaques d’une mollesse accablante, les premier, quatrième et dernier mouvements diffusent un encens sulpicien, aux antipodes des conceptions de Brahms, de même que les puissants élans symphoniques et choraux, qui bénéficient certes d’un supplément d’énergie, mais tendent à verser dans l’emphase, le monumentalisme et la boursouflure. Dans le même registre, Ludovic Tézier adopte un style plus opératique que spirituel, mais chante magnifiquement, avec en particulier une formidable longueur de souffle. Et il a la correction d’être présent sur scène dès le début, à la différence de Natalie Dessay, qui n’arrive qu’avant le quatrième mouvement: comme dans la Neuvième symphonie de Beethoven, il est décidément irritant que les solistes donnent ainsi trop souvent la fâcheuse et désinvolte impression de dédaigner ce qui précède leur intervention. Cela étant, malgré des aigus parfois serrés, elle s’insère sans difficulté dans la conception moelleuse et angélique du chef. Rentrée de l’orchestre, certes, qu’on a connu plus affûté dans un répertoire qu’il pratiquait il est vrai plus intensément à l’époque de Marek Janowski, mais, en fin de compte et surtout, rentrée du Chœur de Radio France, qui, préparé par son directeur musical, Matthias Brauer, reçoit à juste titre la plus belle ovation de la soirée.
Le Requiem allemand fait partie de ces œuvres un peu trop courtes (70 minutes environ) pour un programme entier, mais dont la longueur rend en même temps délicat le choix d’un «lever de rideau». Voici quelques années, Christoph Eschenbach avait décidé de le faire précéder attaca, sans applaudissements, de deux pages témoignant des atrocités de la Seconde Guerre mondiale, respectivement Un survivant de Varsovie de Schönberg en 1999 (voir ici) et Mémorial pour Lidice de Martinu en 2005 (voir ici). Philippe Herreweghe en 2003 (voir ici) et John Eliot Gardiner en 2007 (voir ici), quant à eux, avaient préféré remonter aux sources, consacrant une brève première partie de concert à la musique vocale allemande des XVIIe et XVIIIe, notamment à Schütz – un répertoire dans lequel ils excellent tous deux.
Pour sa part, Wolfgang Rihm, à l’honneur durant toute la présente édition du Festival d’automne, permet d’apporter une réponse plus originale à la question posée, même si ce n’était initialement pas son objectif. Explicitement prévues pour s’intercaler à différents points du Requiem allemand, les quatre pièces de Das Lesen der Schrift (2002), commande de l’Orchestre symphonique allemand (alors dirigé par Kent Nagano), renvoient en effet à une pratique encore en usage du temps de Brahms, notamment pour la création de son Requiem, au milieu duquel, en une sorte d’intermède, plusieurs morceaux d’autres compositeurs avaient été joués. Selon l’auteur, le titre – littéralement «La lecture de l’écriture» – «fait référence à un processus de déchiffrage peu à peu conscient des relations textuelles encloses dans un symbole» et «peut aussi être une métaphore du déchiffrage d’un texte musical».
Purement orchestrale, cette «tentative risquée de répondre et d’interroger le monumental Requiem de Brahms» fait quasiment appel au même effectif instrumental, mais cultive bien évidemment davantage une parenté de climat que de style. D’une durée totale de près de vingt minutes, placées successivement après les deuxième, troisième, cinquième et sixième mouvements du Requiem, elles empruntent un itinéraire assez similaire, depuis les profondeurs des teintes graves de la première pièce jusqu’à la «Consolation» de la dernière, se concluant, comme la Symphonie «Les Adieux» de Haydn, sur le dialogue de deux violons esseulés. Rihm, dont la musique se nourrit sans cesse du passé sans se borner à l’imiter, excelle dans ce mélange de geste romantique et de langage moderne, dont le caractère tour à tour expressionniste et elliptique évoque à maintes reprises la deuxième Ecole de Vienne.
Le site de l’Orchestre philharmonique de Radio France
Le site du Chœur de Radio France
Le site du Festival d’automne
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Simon Corley
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