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Concert d'anthologie Lucerne Centre de la culture et des congrès 08/12/2009 - & 14, 15* août 2009 Serge Prokofiev: Concerto pour piano n° 3, opus 26
Gustav Mahler: Symphonie n° 1
Yuja Wang (piano)
Orchestre du Festival de Lucerne, Claudio Abbado (direction)
C. Abbado (© Georg Anderhub)
Un chef et un orchestre en état de grâce pour trois soirées d'exception qui resteront longtemps gravées dans les mémoires des spectateurs. Ovation debout spontanée, longues minutes d’applaudissements frénétiques, musiciens sur scène se congratulant et s’embrassant, public dans la salle profondément ému, tous conscients d’avoir vécu un moment d'anthologie, tous frappant du pied pour rappeler le principal artisan de cette réussite: Claudio Abbado. A la tête d’une formation ad hoc, composée principalement d’instrumentistes du Mahler Chamber Orchestra et renforcée par des musiciens confirmés, voire des solistes réputés, tels les membres du Hagen Quartett ou encore la violoncelliste Natalia Gutman, le chef italien n’en finit pas de remporter triomphe sur triomphe lorsqu’il inaugure, année après année, le prestigieux festival de Lucerne. Mais ce qui vient de se passer pour l’ouverture de l’édition 2009 dépasse en intensité et en émotion tout ce qui s’est produit jusqu’ici.
On le sait, Claudio Abbado a une prédilection pour Mahler. Complétant le cycle symphonique qu’il a entamé ici même il y a quelques années, il aborde aujourd’hui la Première, qu’il dirige par cœur, un exploit quand on sait que l’œuvre dure près d’une heure. Pas besoin de baguette en effet, tant les longs doigts du chef semblent obtenir précision, classe et cohérence des musiciens, comme par magie et à force de gestes élégants. Sous un calme apparent, Abbado dissimule une formidable énergie, et de l’énergie il en faut pour s’approprier la partition comme il l’a fait, jusqu’au moindre détail. Il commence la longue promenade mahlérienne avec une lenteur extrême, tout en retenue, comme pour mieux souligner les contrastes avec les mouvements plus vifs. Le Scherzo du second mouvement déborde de fougue et de passion, alors que la Marche funèbre du troisième mouvement semble délestée de toute lourdeur, presque aérienne, comme une longue réflexion sur la vie et la mort, avant le délire sonore du dernier mouvement, où tout est pourtant parfaitement contrôlé.
La première partie du programme aura permis d’entendre Yuja Wang, nouvelle étoile dans la galaxie des pianistes. Le joli minois de la Chinoise lui a déjà valu, à seulement 22 ans, un contrat d’exclusivité avec Deutsche Grammophon. Frêle, les mains toutes petites, la soliste a pourtant été impressionnante de fougue, de virtuosité et de rapidité, plus dans les deux bis qu’elle a concédés (une pièce de Ravel et Le Vol du bourdon de Rimski-Korsakov) que dans le Troisième Concerto de Prokofiev, qui s'est révélé plutôt décevant et frustrant, tant la pianiste a été souvent couverte par l’orchestre. Mais le talent est là, indéniablement, et tout le mal qu’on peut souhaiter à Yuja Wang, c'est de démentir, avec l’âge et l’expérience, le préjugé selon lequel les artistes orientaux seraient de parfaits virtuoses mais manqueraient totalement de personnalité.
A noter que Claudio Abbado présentera un second programme Mahler, avec cette fois la Quatrième Symphonie les 21 et 22 août.
Le site du Festival de Lucerne
Claudio Poloni
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