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Le côté lumineux du drame

Paris
Théâtre du Châtelet
10/09/1999 -  et 12,15, 18*, 21 octobre 1999
Christoph Willibald Gluck : Alceste
Anne-Sophie Von Otter (Alceste), Hjördis Thébault (Coryphée), Paul Groves (Admète), Dietrich Henschel (Grand Prêtre, Hercule), Yann Beuron (Evandre), Ludovic Tézier (Héraut, Apollon), Frédéric Caton (Oracle, Dieu Infernal)
English Baroque Soloists, Monteverdi Choir, John Eliot Gardiner (direction)
Robert Wilson (mise en scène, scénographie, lumières), Frida Paremeggiani (costumes), Giuseppe Frigeni (chorégraphie)


Le cube menaçant de Bob Wilson suscitera autant de conjectures que le monolithe de 2001 ? Peu importe. Dans Orphée, la manière du metteur en scène ne dérangeait pas. Elle force l’admiration dans Alceste, de loin son spectacle le plus abouti depuis quelques lunes. Wilson parvient même à sourire, et ose l’autodérision au travers de son Hercule – ninja. Plus important, il semble enfin s’intéresser à l’oeuvre pour elle-même, et saisit la simple essence expressive du théâtre à machines par un dispositif aussi ingénieux que poétique (l’acte infernal). Les éclairages s’échelonnent selon une palette moins subtile que pour Orphée, mais le jeu de scène semble largement plus pertinent : camouflés dans la fosse, les choristes abandonnent le geste aux danseurs, et les solistes équilibrent mieux la minutie des mouvements et l’intensité expressive. Non que cette dernière trouve ici un cadre vraiment idéal pour se déployer ; mais cette approche stylisée et lumineuse représente bien l’aboutissement d’une certaine vision du drame de Gluck, ainsi qu’un puissant antidote au ridicule guettant ceux qui ont tiré le théâtre classique vers le naturalisme. A la génération suivante, désormais, d’inventer autre chose.


Gardiner a sans doute eu tort de choisir un diapason aussi élevé, bien que ses chanteurs, à commencer par la protagoniste, doivent lui en être reconnaissant. L’orchestre gluckiste, dont l’assise grave est la chair palpitante, en ressort exagérément épuré et aérien. La maîtrise technique n’en est pas moins confondante (cette netteté des phrasés, cette subtilité de la dynamique !), les couleurs d’une admirable richesse (pardonnez le klaxon de Charon, sans doute garé en double file rue Colonne), les accents musicaux mieux en phase avec le récitatif que dans Orphée, surtout durant la deuxième partie. Reste un très léger regret : que tant d’art, tant d’intelligence théâtrale alliée à une telle musicalité ne prennent pas le risque des grands écarts dynamiques qui foudroient, de la violence enflammée des attaques et des larmes du rubato – avouons tout net que le résultat atteint dans ce répertoire par un Minkowski nous semble sans rival.


Si l’on a un peu triché pour accommoder le rôle aux moyens de Von Otter (diapason point trop grave, donc, mais aussi quelques lignes transposées vers le bas), elle, ne triche pas pour affronter une tessiture toujours très tendue et des écarts redoutables. Sans abuser de ses habituels effets de détimbrage et de ses miraculeuses nuances piano, la mezzo témoigne d’une belle franchise vocale, assumant un grave blanc mais véhément et un aigu frémissant et nerveux. Sa colère fragile nous touche, sa nostalgie et ses angoisses nous bouleversent : que de vie dans les mots, de soupirs retenus dans la ligne, de subtilité dans l’articulation rythmique et dynamique ! Le sens tragique rayonne par delà le hiératisme de la gestuelle, le regard s’embue ou agresse. A ses côtés, Paul Groves est un Admète positif et charnu, voix naturellement haut placée, registres équilibrés, phrasant ample mais scandant avec vigueur la rythmique du récitatif ; sans doute la révélation de ce spectacle. Beuron a toujours pour lui la beauté de ses lignes et la plénitude de sa diction, mais le timbre, comme dans Les Indes, paraît un peu fatigué. Quelques phrases de Ludovic Tézier confirment une belle montée en puissance. Terminons sur le Monteverdi Choir, décidément inapprochable dès qu’il s’agit de marier la diversité et l’unité, l’élan et la rigueur musicale.



Vincent Agrech

 

 

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