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Turandot chez Mao

Savonlinna
Olavinlinna
07/06/2009 -  et 9, 14, 17, 21, 25* juillet
Giacomo Puccini : Turandot
Lise Lindstrom/Susan Foster* (Turandot), Lassi Virtanen (Altoum), In-Sung Sim (Timur), Francesco Hong*/Warren Mock (Calaf), Inna Dukach/Inna Los* (Liu), Eijiro Kai (Ping), Aki Alamikkotervo (Pang), Juha Riihimäki (Pong), Alexandr Gerasimov (Un mandarin)
Chœurs et Orchestre du festival de Savonlinna, Jari Hämäläinen (direction)
Pet Halmen (mise en scène, décors, costumes et lumières)


S. Foster (© Timo Seppäläinen/Itä-Savo)


Le cadre du château de Savonlinna ne se prête pas si mal à la grandeur barbare de Turandot. Pet Halmen, responsable de cette production dès 2003, a plutôt bien utilisé l’espace du plateau pour répartir les chœurs sur sa largeur tout en concentrant l’action au milieu. Le metteur en scène roumain, à qui Nicolas Joël a confié Salomé la saison dernière, dirige efficacement les chanteurs, même s’il a du mal à animer le jeu du Calaf de Francesco Hong. Sa lecture de l’ultime opus puccinien, à mi-chemin entre le grand opéra et le show, emprunte à la fois à l’histoire et au cinéma : nous voici dans la Chine de Mao, celle des défilés officiels, où Timur, livré à de sinistres médecins tortionnaires, subit le triste sort des ennemis du peuple, où le chœur, à la fin, brandit le petit livre rouge. Turandot, elle, s’abandonnera dans les bras d’un Calaf en uniforme blanc, qu’il pourrait bien avoir emprunté à Pinkerton : est-ce la Chine écartelée entre deux mondes ? Le cinéma, lui, a inspiré le metteur en scène pour les trois ministres, exactes reproductions de Charlot, dangereux et dérisoires, dont le grotesque actualise une tradition à la fois occidentale et orientale. Cette Chine-là, en même temps, reproduit bien l’image d’Epinal répandue dans l’Europe d’il y a presque un siècle, si friande d’exotisme, image que la musique de Puccini, au-delà du pentatonisme attendu, transcende par son audace et ses raffinements. On ne peut pas dire que tout cela soit très fort, mais la production se tient.


Ni cette audace ni ces raffinements ne se retrouvent dans la direction sans manières de Jari Hämäläinen, directeur du festival depuis l’automne 2007, difficile à écouter après la belle Madame Butterfly de Stefan Soltesz – dont il a été l’assistant. Cette baguette plus bruyamment efficace que subtile tombe dans le piège du spectaculaire là où Puccini s’impose comme un maître de l’harmonie et des timbres digne de prendre place parmi les grands compositeurs de son temps – souvent d’ailleurs reconnu comme tel par ses pairs, à commencer par Schoenberg. L’Américaine Susan Foster, qui chante aussi bien Norma qu’Isolde ou Brünnhilde, a une voix large, à défaut d’un timbre sensuel. Elle incarne une Turandot solide mais nuancée, qu’on aimerait seulement un peu plus mystérieuse. Solide aussi, voire impressionnant, le Calaf du Sud-coréen Francesco Hong, au timbre brillant, avec des aigus qu’il n’a pas à forcer, soucieux de préserver la ligne de chant sans la polluer par des effets véristes, pas toujours assez nuancé pour le coup. La Moldave Inna Los, qu’on entendra de nouveau en Liù pour l’ouverture de la saison de la Deutsche Oper de Berlin, chante d’abord parfois un peu bas, tout en émettant de très beaux aigus pianissimo ; la voix se stabilise ensuite et le troisième acte est très émouvant. Il n’empêche : malgré tous leurs mérites, il manque à ces voix et à ces chants une lumière, une rondeur, un velouté, en un mot quelque chose, sinon d’italien, du moins de latin. Les autres ne laisseront guère de souvenir, Altoum et Timur encore moins que les ministres. On sent aussi que la vaillance du chœur atteint ici ses limites.



Didier van Moere

 

 

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