About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Une Affaire à ne pas manquer

Paris
Opéra Bastille
05/04/2009 -  et 7, 10, 12, 15, 18 mai 2009
Leos Janácek : Vec Makropulos
Angela Denoke (Emilia Marty), Charles Workman (Albert Gregor), Vincent Le Texier (Jaroslav Prus), Wayne Tigges (Maître Kolenatý), David Kuebler (Vítek), Karine Deshayes (Krista), Ales Briscein (Janek), Ryland Davies (Hauk-Schendorf)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Tomás Hanus (direction musicale)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczesniak (décors et costumes), Denis Guéguin (vidéo), Felice Ross (lumières), Miron Hakenbeck (dramaturgie)


A. Denoke (© Eric Mahoudeau/Opéra national de Paris)


Retour à Bastille, pour six représentations, de la production de L’Affaire Makropoulos (1925) déjà présentée à huit reprises en avril et mai 2007 (voir ici): c’était alors, plus quatre-vingt-un ans après sa création à Brno (1926), l’entrée au répertoire de l’Opéra national de Paris de l’avant-dernier ouvrage lyrique de Janácek. Une entrée par la grande porte, car ce spectacle demeurera, à l’heure – proche – du bilan, comme l’une des grandes réussites du mandat de Gerard Mortier.


Qui l’eût parié après une Iphigénie en Tauride copieusement chahutée, même lors de sa reprise (voir ici), et un Parsifal dont certaines images provoquèrent des réactions non moins houleuses (voir ici)? Krzysztof Warlikowski a pourtant bel et bien reçu une ovation au soir de la première. Cela tient à l’évolution du public, sans doute, mais aussi à la nature différente de ces trois mises en scène: relecture radicale d’œuvres du répertoire, quasiment sacrées, à tous les sens du terme, d’une part; réflexion sur un opéra du siècle passé, moins chargé de références, d’autre part.


On n’y retrouve pas moins les éléments désormais familiers de son univers, tel que mis en forme par sa fidèle décoratrice (et costumière) Malgorzata Szczesniak, en particulier ces urinoirs, lavabos et salles de bains, comme une invitation à se défaire et à se purifier d’une culpabilité latente. On y retrouve également sa direction d’acteurs exemplaire, son empathie avec les personnages, sa clarté de vue, appréciable dans une intrigue aussi complexe, et sa lecture très pertinente des livrets. Ici, le postulat peut se résumer à ce que l’éternité d’Elina Makropoulos s’apparente à celle des stars: même si elles mettent elles-mêmes fin à leurs jours, l’aura et la gloire demeurent. D’où ce cadre évoquant, sous les spots et autres poursuites réglés par Felice Ross, différentes époques du mythe hollywoodien, avec l’omniprésence de la figure de Marilyn Monroe, mais aussi de King Kong et de Sunset Boulevard, ou bien cette salle de cinéma qui sert de cadre aux deux premiers actes et où la réalité se mêle à la fiction, les surtitres projetés sur ses murs devenant les sous-titres du film qui y est projeté. Un monde fascinant autant que destructeur: dans la dernière scène, Krista ne saurait mieux exprimer son désir d’hériter de la formule de l’éternelle jeunesse qu’en prenant elle aussi les traits de Marilyn. La diffusion d’images vidéo, confiée à Denis Guéguin, intervient non seulement entre les actes, mais durant tout le Prélude du premier acte: une profusion qui, même si elle a la mérite de situer le propos, tend parfois à la confusion, au détriment de la musique.


Rarement le terme de reprise aura paru si approprié, puisque le seul remplacement intervenu dans la distribution réunie voici deux ans est celui de Paul Gay par Wayne Tigges en Maître Kolenatý. Angela Denoke, en retrait dans Fidelio voici quelques mois (voir ici), renoue avec le triomphe en Emilia Marty. Aucune faiblesse à ses côtés, à commencer par Charles Workman, abordant avec toujours autant de facilité les aigus d’Albert Gregor, et Vincent Le Texier, campant un Jaroslav Prus vocalement et dramatiquement convaincant. Et l’on a quelque scrupule à qualifier de secondaires des rôles aussi remarquablement tenus qu’ils le sont par David Kuebler, Karine Deshayes, Ales Briscein et Ryland Davies. Sous la baguette de Tomás Hanus, l’orchestre de Janácek se fait plus moelleux qu’abrasif, peut-être sous l’influence du glamour hollywoodien, mais le chef tchèque, directeur musical de l’Opéra national de Brno depuis la saison 2007-2008, maintient la tension sans un seul instant de relâchement tout au long de cent dix minutes sans entracte.


Une excellente Affaire, par conséquent, et même une Affaire à ne pas manquer.



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com