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Le moment Zacharias

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/04/2009 -  et 30, 31 mars (Lausanne), 2, 3 avril (Berne) 2009
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 31 «Paris», K. 300a [297] – Concerto pour piano n° 21, K. 467
Dieter Schnebel : Mozart-Moment
Joseph Haydn : Symphonie n° 45 «Les Adieux»

Orchestre de chambre de Lausanne, Christian Zacharias (piano et direction)


C. Zacharias (© Nicole Chuard/ldd)


Il ne saurait y avoir de saison au Théâtre des Champs-Elysées sans la visite de l’Orchestre de chambre de Lausanne: nulle lassitude pour autant, tant Christian Zacharias, qui en est le directeur musical et chef principal depuis septembre 2000, déjà venu en récital en novembre dernier (voir ici), s’ingénie à renouveler l’intérêt d’un répertoire dont l’originalité n’est pas le maître mot. Mais ce n’est peut-être pas dans la Trente-et-unième symphonie «Paris» (1778) de Mozart qu’on s’en rend le mieux compte. Derrière l’apparence «baroqueuse» d’un petit effectif (vingt-quatre cordes) et d’un chef dirigeant de plain-pied, l’interprétation fait appel aux instruments modernes, ne proscrit pas le vibrato, ne respecte pas les reprises et, surtout, délivre un propos plus rhétorique que jubilatoire, du moins dans les deux premiers mouvements: après un Allegro initial pas très assai, il faut attendre l’Allegro final, très enlevé, pour que les choses prennent véritablement leur envol.


Zacharias convainc en revanche pleinement dans le Vingt-et-unième concerto (1785), délesté de toute tradition romantisante: premier mouvement point trop maestoso, Andante vif, plus contrasté et moins évanescent qu’à l’accoutumée. Improvisant et ornementant dès que la partition lui en offre l’occasion, et pas seulement dans les cadences conclusives, il distille esprit et humour, comme dans cette courte incise au début de l’Allegro vivace assai, où la succession de fragments de gammes ascendantes enrichies à chaque fois d’une note supplémentaire rappelle le finale de la Première symphonie de Beethoven. Mais cette personnalisation du discours ne se traduit en rien par la prépondérance du soliste, qui entretient un dialogue parfaitement équilibré avec ses musiciens. D’ailleurs, ce n’est pas le pianiste qui offre un bis, mais le chef, prenant l’excellente initiative de donner à entendre la version alternative que Mozart, afin de répondre à la demande du directeur du Concert spirituel, dut écrire de l’Andante de sa Symphonie «Paris».


Entre la symphonie et le concerto, Zacharias avait réussi à surprendre le public et même à engager le dialogue avec lui, et ce avec seulement une petite minute de musique. Enclin à la réflexion sur le passé et rassemblant ses travaux par cycles, Dieter Schnebel (né en 1930) a ainsi publié deux séries de Re-Visionen: la troisième pièce de la seconde série, par ailleurs consacrée à Janácek, Mahler, Schumann et Verdi, est un très bref Mozart-Moment (1989), dédié au compositeur Ernstalbrecht Stiebler. Dans un frottement de cymbale suspendue et de sand blocks, des bribes plus ou moins distinctes du Trio du Menuet de la Vingt-neuvième symphonie se mêlent à des interventions extérieures à l’écriture de Mozart, éclairée sous un jour nouveau par cette «ré-vision», un procédé auquel des créateurs aussi divers que Berio, Huber, Pärt ou Schnittke ont précédemment recouru. Zacharias interpelle les spectateurs du premier rang: est-ce vraiment drôle? Il penche plutôt pour la tristesse, «une mélodie, comme si vous essayez de la prendre, et puis elle est partie». Et de reprendre ce «moment» à la fois onirique et nostalgique.


Pour ce qui est de casser le rituel du concert, Haydn s’y entendait aussi, même si ce n’était sans doute pas l’intention première de sa Quarante-cinquième symphonie «Les Adieux» (1772), œuvre rare, ne serait-ce que par son fa dièse mineur – même s’il est toujours un peu hasardeux d’affirmer, comme le fait Christophe Huss dans les notes de programme, qu’il faut attendre Korngold (1952) pour retrouver cette tonalité, qui est celle de symphonies antérieures de Bristow (1858), Röntgen (1931) et Miaskovski (1940). Zacharias, qui n’a pas attendu le bicentenaire de la mort du compositeur pour le défendre tant au piano qu’à l’orchestre, confirme son aisance dans ce répertoire, dont il souligne les effets dramatiques, les surprises et l’étrangeté. Suscitant des murmures étonnés parmi les auditeurs, le scénario de l’Adagio final se déroule d’abord comme de coutume, les instrumentistes rejoignant peu à peu les coulisses, mais les quatre derniers pupitres de cordes restent autour du chef et se contentent d’éteindre leur lumière comme ils auraient soufflé leur bougie du temps de Haydn, alors même que la salle est progressivement plongée dans le noir: une «mise en scène» qui, comme dans la pièce de Schnebel en première part, inspire autant la mélancolie que le sourire.


Le site de l’Orchestre de chambre de Lausanne
Le site de Christian Zacharias



Simon Corley

 

 

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