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Grand corps macabre

Bruxelles
La Monnaie
03/24/2009 -  et les 26, 27, 29*, 31 mars, 1er, 2, 4 et 5 avril 2009
György Ligeti: Le Grand Macabre (seconde version)
Chris Merritt*/Alexandre Kravets (Piet the Pot), Frances Bourne (Amando), Ilse Eerens (Amanda), Werner van Mechelen/ Pavlo Hunka* (Nekrotzar), Frode Olsen (Astradamors), Ning Liang (Mescalina), Barbara Hannigan (Venus/Gepopo), Brian Asawa (Prince Go-Go), Eberhard Francesco Lorenz (White Minister), Martin Winkler (Black Minister), Bernard Villiers (Ruffiack), Gerard Lavalle (Schobiack), Jacques Does (Schabernack)
Chœurs et Orchestre symphonique de la Monnaie, Piers Maxim (chef des chœurs), Leo Hussain (direction)
Alex Ollé [La Fura dels Baus], Valentina Carrasco (concept et mise en scène), Alfons Flores (décors), Lluc Castells (costumes), Peter Van Praet (éclairages), Franc Aleu (création vidéo)


Le Grand Macabre par la Fura dels Baus : l’affiche tient largement toutes ses promesses. L’univers baroque de cet « anti-anti opéra », comme le qualifie Ligeti lui-même, constitue un nouveau défi pour cette compagnie fondée en 1979 et aujourd’hui culte. Originaux et non-conformistes, les Catalans, représentés par un de leurs directeurs artistiques, Alex Ollé, assisté de Valentina Carrasco, intègrent, comme à leur habitude, les arts visuels dans une scénographie à couper le souffle et qui apporte un éclairage cru et sans concession sur la nature humaine.


A lui seul, le concept mérite le déplacement : une gigantesque sculpture pivotante de femme nue, le visage trahissant la crainte face à sa propre perte, qui symbolise rien moins que la vie et la mort. Tout le spectacle se concentre sur cette copie saisissante de réalisme d’une chanteuse dénommée Claudia qui apparaît d’ailleurs au début, après la pause et à la fin sur grand écran. Prise d’un sérieux malaise après s’être empiffrée de fast food (premier lever de rideau), elle rampe péniblement en direction des toilettes (second lever de rideau). Au baisser de rideau, après avoir tiré la chasse d’eau, elle se rafraîchit, heureuse d’avoir évité le pire – en somme, plus de peur que de mal et tout est bien qui finit bien, et pas seulement pour Breugellande. L’intégration de ce film confère à cette production une cohérence et un impact visuel rares.


Décidément, rien n’est épargné à cette pauvre Claudia ! Les personnages entrent et sortent par pratiquement tous ses orifices – le spectateur n’ignorera plus rien de son intimité à l’issue de la représentation –, ses entrailles faisant quant à eux office de bar ou de piste de danse (clin d’œil à Jérôme Bosch). La figure de ce décor humain aux possibilités insoupçonnées ne se fige aucunement grâce à une projection vidéo virtuose et à des trouvailles qui font mouche. Ainsi, lorsque Amanda et Amindo s’abandonnent à leur amour, la statue effectue des mouvements de langue suggestifs... Autre magnifique et saisissant effet visuel : la superposition avec la statue d’un squelette lumineux plus vrai que nature. Ceci dit, que les âmes prudes et sensibles se rassurent dans la mesure où la Fura dels Baus aurait pu s’aventurer avec davantage d’audace dans le stupre et l’irrévérence.


La Monnaie a mobilisé pour l’occasion un plateau vocal acquis à la cause ligetienne. Tous soignent le chant, malgré le déploiement d’énergie encouragé par la mise en scène, et campent une galerie d’anti-héros certes grotesques à souhait mais pas si éloignés que cela de nos contemporains. Se distinguent tout particulièrement Chris Merritt (Piet the Pot), qui endosse pour l’occasion une tenue d’ouvrier des voies ferrées, Pavlo Hunka, impressionnant Nekrotzar, Frode Olsen, impayable Astradamors dans son costume ridicule, Ning Liang, dans le rôle de la nymphomane Mescalina, et le contre-ténor Brian Asawa, parfait en Prince Go-Go au sourire Colgate. Sous la direction de Leo Hussain, qui effectue, comme la Fura dels Baus, ses débuts dans le théâtre bruxellois, un orchestre maison des grands jours dévoile les pures beautés de cette partition qui ne se résume pas à un patchwork un peu potache de styles et de rythmes.


Bref, l’entrée au répertoire de cet ouvrage radical mais profondément opératique est à marquer d’une pierre blanche.


Le site de la Fura dels Baus



Sébastien Foucart

 

 

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