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Oratorio déco

Strasbourg
Opéra du Rhin
03/27/2009 -  et les 29, 31 mars et 2 avril à Strasbourg, le 4 avril en l’Eglise Abbatiale de Marmoutier, à 19h 30, le 16 avril à 15h à Colmar (Théâtre Municipal), les 17 et 19 avril à Mulhouse (Théâtre de la Sinne).
Georg Friedrich Haendel : Jephta
Topi Lehtipuu (Jephtha), Ann Hallenberg (Storgè), Carolyn Sampson (Iphis), Christophe Dumaux (Hamor), Andrew Foster-Williams (Zebul), Suzana Ograjensek (Angel)
Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Freiburger Barockorchester, Ivor Bolton (direction)
Jonathan Duverger et Jean-Marie Villégier (mise en scène), Sandra Pocceschi (chorégraphie), Jean-Marie Abplanalp (décors), Patrice Cauchetier (costumes), Patrick Méeüs (lumières)


(© Alain Kaiser)


Dans le programme du spectacle, à la sempiternelle question qu’on lui pose sur l’actualisation des mises en scène, Jean-Marie Villégier de répondre : « Nous avons contemporanéisé l’ouvrage de vingt-cinq siècles, ce qui n’est déjà pas si mal ! Nous n’avons pas réussi à atteindre les trente ! ». A propos d'une transposition effectivement pertinente la réplique fait mouche. En fait d’histoire biblique, nous voici transportés dans le lieu de réunion d’une communauté Quaker de Nouvelle-Angleterre, dans les première années du 17e siècle. Lambris et parquets austères, qui paraissent reluire sous l’encaustique, atmosphère de tableaux de genre hollandais : plastiquement, c’est réussi, avec une mention particulière pour les costumes seyants et parfaitement coupés de Patrice Cauchetier et pour les éclairages de clair-obscur signés Patrick Méeüs. La communauté de colons a manifestement des problèmes de voisinage, qu’elle doit régler sous les ordres d’un chef providentiel dont les oripeaux révèlent de possibles accointances passées avec la population indienne locale. A cela se superpose la narration par les membres de la secte de l’histoire biblique de Jephté, dont la thématique est exactement superposable à leur situation du moment… de bien bonnes idées.


Et pourtant, passé le stade des maquettes et des intentions… A quoi bon tenter de mettre en scène un oratorio haendelien, dont le principal avantage par rapport aux opéras du même auteur est d’accorder une large présence au chœur, si c’est pour cantonner ledit chœur sur une tribune à mi hauteur de la scène, dans un rôle de strict observateur d’une action qui se passe à l’étage inférieur, en grande partie mimée par des figurants. Au 3e acte la masse chorale est enfin autorisée à descendre, mais la place en bas est alors tellement réduite que du coup ce sont les solistes qui montent. Bel exemple de décor mal pensé, qui paralyse l’action. Et puis, toujours en bas, faute de mieux, on meuble : jeu des métiers qui laisse deviner moult activités agricoles, accessoiristes japonisants qui fournissent à la demande grands rameaux, petits papillons, et autres ruisseaux de tissu bleu, jolies danseuses qui plient symétriquement les bras au gré de l’allégresse populaire, rituels archaïsants et reconstitution supposée de transes quaker … le comble étant atteint avec l’apparition de l’ange, dont le costume luxueux sort peut-être tout droit d’un tableau de Poussin, à moins que ce ne soit d’un quelconque pré-raphaélite, mais dont les gesticulations actionnant de grandes ailes de tulle rouge sont d’un ridicule navrant. En termes polis, on appelle cela du patronage référencé. Et dilué pendant plus de trois heures, c’est tuant.


Reste la musique, mais là sévit Ivor Bolton, spécialiste haendelien doté d’un passé prestigieux, encore que l’on puisse se demander ce qui justifie une telle carrière. Difficile de s’intéresser durablement à cette exécution, cravachée à grand renfort de gesticulations hectiques, et qui en sort laminée, broyée, comme si les portées étaient passées par une machine à fabriquer les confetti. L'Orchestre Baroque de Freiburg, formation à l’ancienne remarquablement avenante d’habitude, en paraît méconnaissable, terne, sans couleurs, toute velleité de phrasé semblant invariablement cassée, hachée menu. Le Chœur de l’Opéra du Rhin s’en sort mieux, bien préparé, semblant surtout préoccupé de garder sa bonne dynamique du travail acquise, avec cependant quelques faiblesses dans la tenue des lignes qui surprennent de la part d’une formation étoffée (un peu plus de quarante chanteurs). Côté solistes, c’est quasiment une distribution idéale que l’on a embarquée dans cette galère, de Toti Lehtipuu, Jephta à l’émission claire et franche, vocaliste un peu raide (mais peut-il en être autrement dans un contexte orchestral aussi peu stimulant ?) à la délicieuse Iphis de Carolyn Sampson, en passant par le vigoureux Zebul d’Andrew Foster-Williams, et par la très belle qualité du matériau vocal de Christophe Dumaux, falsettiste dont la carrière est à suivre. Mais la formidable Storgè d'Ann Hallenberg, est bien la seule, au cours de deux magnifiques airs tragiques, à parvenir à faire éclater le cadre de cette production étriquée.



Laurent Barthel

 

 

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