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Miserere, miserere

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/23/2009 -  
Pietro Antonio Locatelli : Concerto grosso opus 7 n° 6, ‘‘Il Pianto d’Arianna’’
Antonio Vivaldi : Nisi Dominus RV 608
Giovanni Battista Pergolesi : Stabat Mater

Hélène Guilmette (soprano), Andreas Scholl (contre-ténor)
Kammerorchester Basel, Julia Schröder (direction)


Andreas Scholl (© Théâtre des Champs-Elysées)



Poursuivant son cycle 2008–2009 des « Grandes voix », le Théâtre des Champs-Elysées accueillait Andreas Scholl et Hélène Guilmette pour un concert offrant au public deux chefs-d’œuvre, vocaux autant que religieux, de l’ère baroque. Les attentes étaient grandes : force est de constater que la déception fut tout aussi profonde…


Avant même que les artistes n’entrent sur scène, la salle se tendit quelque peu lorsqu’il fut annoncé que, Andreas Scholl étant souffrant, la seconde partie du concert serait amputée… non pas du Stabat Mater de Pergolese (on respire !) mais de la Sinfonia funebre en fa mineur de Locatelli. Le fait de ne pas jouer une pièce instrumentale préserverait donc la voix humaine ? N’aurait-il pas été possible de jouer la Sinfonia de Locatelli après le Stabat Mater ? Bref, quelle que soit la motivation profonde de ce changement de programme, on reste circonspect.


Le doute s’installe définitivement à l’écoute du Concerto grosso en mi bémol majeur ‘‘Il Pianto d’Arianna’’ de Pietro Antonio Locatelli (1695-1764). Héritier du grand Arcangelo Corelli (il a peut-être été un de ses élèves), il fut considéré à son époque comme un des plus grands virtuoses d’Europe. Compositeur prolifique (il laisse derrière lui des dizaines de concertos et œuvres de musique sacrée), c’est à Amsterdam, en 1741, qu’il publia ses Concerti opus VII. Il Pianto d’Arianna est une pièce de large envergure, comportant six mouvements, où le violon solo est censé incarner l’héroïne grecque Ariane, la trame du concerto racontant sa triste aventure une fois celle-ci abandonnée par Thésée. L’Orchestre de chambre de Bâle est précédé d’une réputation plutôt flatteuse : titulaire en 2008 du prestigieux prix musical ECHO Klassik (décerné par la fédération allemande de l’industrie musicale) pour son enregistrement des Troisième et Quatrième symphonies de Beethoven sous la direction de Giovanni Antonini, il s’est adjoint la collaboration des plus grands artistes lyriques (Cecilia Bartoli notamment) et instrumentaux (Giuliano Carmignola ou Andreas Staier). Où est cet orchestre ce soir ? On se le demande tant son interprétation s’avère décevante. Outre de sérieux problèmes de justesse chez les violons (notamment chez Julia Schröder, qui tient la partie soliste), on regrette le manque d’entrain dans les mouvements rapides et l’excessive mollesse qui baigne les mouvements lents au point de transformer la délicatesse en ennui.


Lorsqu’un artiste marque une œuvre pour l’avoir superbement enregistrée au disque, on est toujours en proie au doute : cette réussite est-elle le fruit du hasard ou correspond-elle pour partie à la réalité ? Ce questionnement ne pouvait pas ne pas se poser concernant le Nisi Dominus RV 608 d’Antonio Vivaldi (1678-1741), puisque Andreas Scholl en a donné une interprétation superlative (publiée chez Decca avec l’inattendu Australian Brandenburg Orchestra). Rare exemple de musique composée pour contralto à l’occasion des Vêpres, il date vraisemblablement de la période où Vivaldi était directeur de la musique à l’Ospedale della Pietà (1713-1719) mais rien ne permet de l’assurer. Encore une fois, le Prêtre roux fait montre d’une imagination exceptionnelle : ainsi, dans le sublime « Cum dederit delectis suis somnum », il demande aux instrumentistes de jouer avec des sourdines en plomb et non en bois comme habituellement, afin de rendre le climat encore plus lourd et somnolent ! Là encore, quelle déception… L’orchestre, tantôt dirigé du violon par Julia Schröder, tantôt de l’orgue positif par Giorgio Paronuzzi, est peu impliqué, jouant les notes certes, mais n’y instillant aucune âme, aucun sentiment sauf, peut-être, dans le dernier mouvement (« Amen ») grâce à quelques appogiatures tout en finesse.


Une question supplémentaire se pose alors : lorsqu’un chanteur est indisposé, faut-il maintenir ou annuler le concert ? Que choisir entre la déception du public si la représentation n’a pas lieu et sa frustration, voire son agacement, si celle-ci s’avère de piètre facture ? Le maintien a été préféré, peut-être à tort. En effet, bien que doté d’une technique depuis longtemps aguerrie, Andreas Scholl n’est que l’ombre de lui-même : souffle court, émission vocale étriquée, discours haché, il peine à tenir ses phrases, devant parfois prendre sa respiration plus qu’il ne l’aurait fait en temps normal, au détriment du discours sous-tendu par la ligne vocale. En outre, chaque partie de l’œuvre est chantée sur le même ton alors que les intentions de Vivaldi sont naturellement différentes : quoi de commun entre la tristesse inhérente au « Cum dederit delectis suis somnum » et la joie éclatante du « Sicut erat in principio » ? Si l’on ne peut que saluer la décision de Scholl de chanter ce soir, qui ne manque ni de courage ni de panache, force est de constater que les applaudissements du public saluent davantage la performance d’un chanteur malade qu’une interprétation de bonne qualité.


Un chef-d’œuvre chasse l’autre… La seconde partie du concert était donc consacrée au seul Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736). A l’image du Requiem de Mozart, cette composition est entourée de bien des mystères et des légendes : s’agit-il de la dernière œuvre du compositeur alors que, malade, il avait décidé de se retirer au monastère de Pozzuoli (près de Naples) pour y mourir ? S’agit-il d’une commande ? Les conjectures se perdent. Seule certitude : la partition date bien de 1736 et, si ce n’est l’ultime, elle fait évidemment partie des dernières compositions du jeune Pergolèse. La célèbre entrée des violons, dont le motif mélodique annonce le premier duo entre la soprano et le contre-ténor, laisse augurer une meilleure seconde partie de concert. En dépit de quelques imprécisions persistantes dans la justesse, les cordes adoptent une couleur plus chaude et marquent visiblement un engagement supérieur à ce qu’il avait pu être chez Vivaldi. L’harmonie entre les voix d’Hélène Guilmette et Andreas Scholl s’avère assez agréable, bien que ce dernier pâtisse toujours d’une puissance vocale amoindrie, qui rend ses paroles difficilement compréhensibles. Cette impression initiale globalement positive s’estompe néanmoins rapidement puisque Hélène Guilmette, dans la splendide aria « Cujus animam gementem », enlaidit le chant par ses attaques brutales et incertaines. Quant au reste de l’œuvre, il oscille trop souvent entre l’à-peu-près et le décevant même si, encore une fois, Andreas Scholl assure davantage sa partie que dans le Nisi Dominus.


Alors, fallait-il, au bout du compte, maintenir ce concert ? Rien n’est moins sûr et, quelles que soient les qualités des différents interprètes, elles ne furent pas au beau fixe ce soir. Il reste à espérer que leur prochaine visite parisienne se fera sous de meilleurs auspices afin que l’on retrouve le plaisir qu’on a pu éprouver à les entendre dans d’autres circonstances.


Le site d’Andreas Scholl
Le site de l’Orchestre de chambre de Bâle



Sébastien Gauthier

 

 

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