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Où va donc Rolando Villazón ?

Paris
Opéra Bastille
02/28/2009 -  et 3, 6*, 9, 12, 15, 18, 22, 24 & 26 mars 2009
Jules Massenet : Werther
Ludovic Tézier/Rolando Villazón* (Werther), Franck Ferrari/Ludovic Tézier* (Albert), Alain Vernhes (le Bailli), Christian Jean (Johann), Christian Tréguier (Schmidt), Susan Graham (Charlotte), Adriana Kucerova (Sophie), Vincent Delhoume (Brühlmann), Letitia Singleton (Kätchen)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Kent Nagano*/Jean-François Verdier (direction)
Jürgen Rose (mise en scène, décors, costumes)


R. Villazon (© Bernd Uhlig/Opéra national de Paris)


Dès le début de sa carrière, nous nous sommes inquiété de la tendance à l’engorgement de l’émission, de la modestie de la projection, des dangers des prises de risque hasardeuses, prix très lourd à payer pour un engagement physique sans filet. Succédant à une phase de silence et de repos, le Roméo et Juliette salzbourgeois n’avait pas rassuré (lire ici). Après une première annulée – il est désormais difficile, quand on réserve sa place, de savoir s’il chantera –, ce Werther parisien montre un Rolando Villazón à peine plus sûr, à ceci près que, instruit par ses déboires, il semble plus prudent et plus sobre. Cela dit, l’articulation reste incertaine, le français exotique, les nuances détimbrées, l’aigu durci – on ne s’étonne pas que le si aigu de « Lorsque l’enfant », au deuxième acte, devienne le sol dièse alternatif. Mais surtout le volume fait défaut et l’on se dit que lui imposer, dans son état, le grand vaisseau de Bastille relevait du sadisme – l’opéra-comique de Massenet, de toute façon, n’a rien à y faire. Il reste que, en dépit de tout, quelque chose se passe et que l’on croit à ce Werther fragilisé, si sincère et si engagé que ses faiblesses finissent par le servir autant qu’elles le desservent. Situation paradoxale pour un artiste qu’on ne peut s’empêcher d’aimer et de souhaiter bientôt vocalement sain et sauf.


On attendait beaucoup de Susan Graham, une des mezzos les plus familières du style et du répertoire français, superbe Iphigénie et souveraine Didon. Charlotte est-elle faite pour elle ? Rien à redire sur le style ni sur l’interprétation : la chanteuse américaine garde cette distance, cette réserve qui sont celles de la fille du Bailli bridée par le serment fait à la mère. Mais la voix blanchit dans la quinte aiguë et, au troisième acte, les tensions de « Seigneur Dieu, Seigneur » violentent un instrument qui accuse ses limites. Bref, elle convient mieux à la jeune fille du premier acte qu’à la femme peinant à contenir ensuite les feux d’une passion dévorante. Ludovic Tézier, qui alterne avec Villazón en Werther dans la version destinée à Battistini, s’affirme en revanche idéal en Albert, par la beauté et la sûreté de la ligne, la qualité de l’articulation, exempt ici de cette froideur qui est parfois la sienne, faisant exister ce mari aimant puis jaloux et cruel parfois chanté tout d’une pièce. Adriana Kucerova est charmante, mais sans grande présence dans son rôle de petite sœur qui devrait réviser sa prononciation – n’y a-t-il donc pas de Sophie dans l’Hexagone ? –, alors qu’Alain Vernhes, malgré les années, incarne toujours la grande tradition du chant français – plus que les Johann et Schmidt fatigués de Christian Jean et Christian Tréguier.


La production vient de Munich. Kent Nagano, qui dirige l’Opéra de Bavière, s’est départi de sa sécheresse première et a, depuis ses Werther lyonnais, arrondi les angles de l’orchestre de Massenet, plus fluide et plus lyrique, notamment dans les passages orchestraux – le début est beau, le Clair de lune aussi, l’Introduction du troisième acte également. La direction n’en pèche pas moins, parfois, par un dramatisme excessif qui n’aide guère les deux protagonistes, qu’il faudrait plutôt ménager. Et la transition entre les deux derniers actes, pour le coup, semble aussi sèche que bruyante. La baguette ne maîtrise pas non plus toujours le rapport entre la scène et la fosse, n’évitant pas de fâcheux décalages.


A la fois metteur en scène, décorateur et costumier, Jürgen Rose opte pour un naturalisme de bon aloi, mâtiné de symbolisme un rien naïf – au fait, l’arbre incarnant la nature ne serait-il pas le pommier de la tentation ? Les murs sont tapissés du texte des lettres ou du journal du héros, assis à sa table, sur un rocher occupant le milieu de la scène et l’isolant d’un monde indifférent, là où Willy Decker, à Amsterdam et à Lyon (lire ici), avait surtout insisté sur la rigidité mortifère des tabous. Le décor tourne sur lui-même, enfermant les personnages dans le cercle de leur destin. L’apparition de la crèche géante au fond de la scène, avec Sophie en ange, au moment de la mort de Werther, pèse bien lourd et l’on eût préféré que le metteur en scène dirige un peu mieux ses chanteurs. La production, finalement, aménage la convention sans aller chercher plus loin, même si elle fait surgir, au troisième acte, toute la violence des passions : comme les protagonistes savent aussi jouer, elle joue sur du velours, sans laisser de trace.



Didier van Moere

 

 

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