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Pot au feu de camélias Toulouse Théâtre du Capitole 03/16/1999 - 19, 20, 21, 23, 24, 26, 27, 28 mars 1999 Giuseppe Verdi : La Traviata Leontina Vaduva/Inva Mula (Violetta); Roberto Aronica/Tito Beltran (Alfredo); Eduard Tumagian/Marzio Giossi (Germont)
Choeurs et orchestre du Capitole, Donato Renzetti (direction)
Jean-Claude Auvray (mise en scène) Affichant complet depuis déjà plusieurs semaines, cette Traviata s'annonce comme un succès populaire de cette saison 98/99, au point que la presse n'a pu assister qu'à la répétition générale, ce qui fait que les avis exprimés ici pourraient peut-être se nuancer au fil de représentations. Et pourtant... tout dans cette production donne l'impression que musiciens et metteur en scène, sûrs d'un succès assuré par la seule popularité de l'oeuvre et certains de remplir la salle quoi qu'il arrive, ne font que respecter de façon besogneuse leur contrat au mépris de toute qualité artistique. Inutile de chercher une quelconque mise en scène dans cette laborieuse succession de tableaux décousus, il n'y en a aucune. Les chanteurs, ne sachant que faire ni où aller, affichent les mines soucieuses de messieurs essayant de comprendre les règles de conversion de l'Euro ou calculant l'abattement de leurs impôts. Le second acte, particulièrement plat, est si incompréhensible dramatiquement que l'on pourrait aussi bien croire que Giorgio Germont vient essayer de placer des aspirateurs ou une assurance-vie à Violetta et que celle-ci se récrie sur le taux exorbitant du crédit proposé. Ce manque total d'intérêt de la mise en scène est accentué par l'air égaré du ténor Roberto Aronica, qui semble découvrir le rôle à mesure qu'il chante, et par l'absence scénique d'Eduard Tumagian. Comme cette carence dramatique n'est absolument pas compensée par de quelconques qualités vocales, très ordinaires pour ces deux chanteurs, le tout sombre rapidement dans l'ennui le plus complet. Le coup de grâce est apporté par une direction invertébrée, aux tempos défigurés et à la mise en place approximative (Eduard Tumagian semble définitivement fâché avec le solfège) et par des seconds rôles indignes. On peut espérer que la deuxième distribution apportera plus de satisfaction avec l'Alfredo de Tito Beltran, chanteur en général plus engagé.
Il est évident que le succès public de cette production doit beaucoup à la présence de Leontina Vaduva dans le rôle-titre. Mais son interprétation est frappée du même nanisme des sentiments que l'ensemble du spectacle. Petite poupée de porcelaine, elle affiche de petits sentiments de soubrette de comédie venant de recevoir ses huit jours pour avoir flirté avec le fils de la maison, là où l'on attendait le déchaînement d'une tragédienne aux prises avec les affres de l'amour contrarié. Quelle que soit la sympathie que l'on puisse avoir pour cette musicienne attachante, il faut bien avouer qu'elle se trompe ici totalement de répertoire et qu'elle n'a tout simplement pas les capacités d'actrice nécessaires pour rendre crédible son personnage. De plus sa voix, sollicitée au-delà de ses capacités par un rôle trop dramatique, confirme les inquiétudes que l'on pouvait avoir sur le cours actuel de sa carrière après avoir entendu sa contestable Traviata bordelaise. En effet, l'aigu se rapproche de plus en plus du cri, au point d'être parfois douloureux à entendre dans le dernier acte. Il est dommage qu'une chanteuse aussi estimable puisse ainsi faire fausse route.
Voilà, direz-vous, un constat bien dur. Mais comment ne pas attendre d'une oeuvre au mélodramatisme aussi flamboyant autre chose qu'un ennui petit bourgeois où toutes les passions semblent miniaturisés et d'où toute émotion est bannie? Comment voir sans irritation cette dévoyée transformée en brave fille d'intérieur et le bouillant Alfredo en père tranquille pantouflard lisant des illustrés dans son fauteuil de jardin? Surtout, comment ne pas voir dans la reprise de cette production déjà vue et déjà fortement critiquée un manque totale de respect du public, comme si seul comptait le taux de remplissage de la salle? Mais le public de la générale, public gratuit il est vrai, a réservé à ces deux heures d'ennui une ovation absolument délirante et la salle est effectivement pleine pour toutes les représentations, alors...
Nouvelle donne pour La Traviata(2e distribution)
Toulouse
Théâtre du Capitole
20, 23, 26, 28 mars 1999
Giuseppe Verdi : La Traviata
Inva Mula (Violetta), Tito Beltrán (Alfredo), Marzio Giossi (Germont)
Churs et Orchestre du Capitole de Toulouse, Donato Renzetti (direction),
Jean-Claude Auvray (mise en scène)
Étant donné ce qui a pu être jugé de la première distribution le jour de la répétition générale, il semblerait que Nicolas Joël aurait été plus inspiré de présenter à la presse et au public, comme première distribution de cette reprise de LaTraviata, léquipe de la seconde, qui présente tous les atouts pouvant conduire au succès.
Si les réserves déjà exprimées sur cette scénographie contestable demeurent tout à fait valables, il nen est pas moins vrai que cette nouvelle équipe offre des performances vocales et dramatiques sans communes mesures avec ce qui a pu être vu précédemment. Le drame verdien nous est enfin présenté ici dans toute sa force et sa vitalité par des chanteurs visiblement soudés et concernés, dotés de plus de moyens vocaux véritablement adaptés à leurs rôles.
La Violetta dInva Mula confirme les qualités vocales que cette chanteuse avait laissé entrevoir lors de son récital, mais elle trouve ici un rôle où elles peuvent véritablement sépanouir. La vocalise est précise, le chant toujours sûr et puissant sait se faire nuancé, et laigu répond vraiment aux exigences de la tessiture du rôle, même si lon peut toujours regretter quelques stridences du timbre. La comédienne nappelle en revanche aucune critique. Toujours expressive, concernée et dynamique, cette Traviata vivante sait se faire tour à tour amoureuse et coquette au premier acte, presque violente face à Germont père au second, et enfin révoltée puis résignée face à la mort. Avec elle, aucun geste napparaît extérieur ou factice, contrairement à lincarnation superficiellement mélodramatique proposée par Leontina Vaduva.
Tito Beltrán laisse quant à lui, loin derrière le souvenir de lautre titulaire du rôle. En effet, son chant apparaît autrement plus sûr et conquérant, plus jeune aussi, véritablement latin dans son expression et dans son timbre. Cette énergie de tous les instants ne lempêche nullement doffrir de remarquables nuances expressives, toujours en situation.Surtout, le ténor chilien propose une véritable incarnation du jeune héros verdien, fougueux, viril, parfois naïf mais toujours sincèrement ému. Le deuxième acte, si plat par ailleurs, prend ici une toute autre dimension par le bouillonnement de sentiments contradictoires qui semblent agiter Alfredo.
Le personnage de Giorgio Germont, assez souvent sacrifié et fort mal rendu par Eduard Tumagian, trouve ici un relief étonnant grâce à la conviction dont sait faire preuve Marzio Giossi. Par son chant très soigné et dune étonnante subtilité de nuances, il sait donner humanité et autorité à son personnage, et les affrontement avec Violetta puis avec Alfredo au second acte sont très réussis.
On sent par dessus tout que chaque chanteur a été soucieux daccorder son interprétation à celle de ses partenaires, chaque geste de lun trouvant un écho ou une réponse immédiats chez lautre. Il est dautant plus regrettable que lintensité du jeu des acteurs nait pas été mieux soutenue par la direction dorchestre, toujours aussi peu dramatique et trop souvent confuse dans les ensembles.
Cest certainement cette qualité densemble, alliée aux qualités propres de chaque interprète, qui a séduit le public toulousain et on peut espérer que lovation triomphale qui a été reservée aux artistes les consolera de navoir pas eu les honneurs de la première distribution et les persuadera de revenir bientôt sur cette scène.
Laurent Marty
QUESTIONS A TITO BELTRÁN
Après ses succès dans Macbeth, Rigoletto, La Bohème
le ténor dorigine chilienne revient à Toulouse faire ses débuts en Alfredo dans la deuxième distribution de La Traviata. Chaleureux à la ville comme à la scène, amical et détendu, ce chanteur qui est devenu en quelques représentations un des favoris du public du Théâtre du Capitole revient sur sa carrière, nous parle de son rôle et de son prochain disque, A Tenor at the Movies, qui sortira dans quelques jours chez Silva Screen, déjà éditeur de ses deux précédents enregistrements (distribution Sony Music).
Le Concertographe : Comment vous est venu le goût pour le chant et la musique ?
Tito Beltrán : Jai commencé tout enfant. Mon grand-père était chanteur dopéra et ma mère ma toujours poussé à chanter. À huit ans, jai chanté lAve Maria de Schubert dans une émission de télévision. Je chantais beaucoup à lécole et ai gagné des concours. Cest ainsi que jai débuté une carrière de chanteur populaire, avec un répertoire allant de Julio Iglesias à Michæl Jackson. Après la fin de mes études, jai décidé de fuir la dictature chilienne et suis venu en Europe. Javais un oncle en Suède, marié à une suédoise, qui ma proposé de maider. Mais au bout de trois mois il est parti en Amérique et ma laissé seul! Jai étudié la langue mais aussi la musique à Göteborg. Jai gagné des concours de chant et fait une émission de télévision, avec entre autres ABBA et Ace of Base, qui a lancé ma carrière.
Jai commencé à étudier le chant en Suède avec Ruth Ziegler, une charmante vieille dame avec des connaissances techniques fantastiques. Javais une voix naturelle, mais jai appris delle comment respirer, comment donner un support à ma voix. La respiration est le plus important en chant, sans un respiration longue, qui permet de former de longues phrases sur un seul souffle, on ne peut rien faire. Elle ma proposé de travailler avec Vera Rosza à Londres avec qui jai pris six leçons. Cela fait sept ans maintenant et depuis je travaille seul. Je travaille mes rôles avec les chefs de chant et les chefs dorchestre, mais je me fie dabord à mes propres sensations. Beaucoup de professeurs donnent des conseils très divergents et je veux éviter la confusion que cela crée.
Le Concertographe : Quels sont les autres chanteurs qui vous ont marqué et que vous admirez?
Tito Beltrán : Mon ami Roberto Alagna, un très bon chanteur et un très gentil garçon. Un peu fou, peut-être, mais vraiment un excellent chanteur. Nous avons beaucoup de choses en commun, nous avons tous les deux commencé comme chanteurs populaires, nous avons peu travaillé avec des professeurs
Jespère quil fera un très grande carrière car il a une voix magnifique. Lautre, qui est totalement fou aussi, cest Plácido Domingo, avec qui jai travaillé. Jai été obligé dannuler des représentations au Metropolitan à cause de lui! Il était très enrhumé et ma donné une grande accolade et tous ses microbes! Nous avons été malades en même temps et forcés dannuler nos représentations.
Mais cest Mario Lanza qui ma donné envie de chanter. Je lui ai dédié une partie du récital que je viens denregistrer, où je reprends quelques chansons de ses films, Caruso, The Student Prince
Le Concertographe : Ce récital ne comprend dailleurs pas de musique classique
Tito Beltrán : Ma passion, cest de chanter et de faire de la musique, quelle quelle soit. Pop music ou opéra, pour moi, cest la même chose. Dans ce disque, je chante les chansons de films comme Titanic, Love Story ou Bilitis parce que ce sont des choses que jaime et que le public aime. Il ne faut pas se cloisonner dans un genre, senfermer dans le seul répertoire classique. Jaime beaucoup dautres choses, Madonna, Gloria Estefán, je considère que Michæl Jackson est un véritable génie. Jaime toutes les musiques.
Mon prochain disque sera une zarzuela, La Dolores, avec Plácido Domingo qui sortira le mois prochain chez Decca.
Le Concertographe : Quels sont vos rôles favoris ?
Tito Beltrán : Je ne chante que des rôles qui me touchent. Jai beaucoup chanté La Bohème, jadore le romantisme du personnage de Rodolfo. Jaime aussi camper un personnage timide dans Lelisir damore alors que je ne le suis pas du tout. Dans Rigoletto, je peux me sentir dans la peau dun homme de pouvoir terrible
On se sent bien, on se sent le roi, même si après lopéra, Welcome to the Reality, bienvenue dans le monde réel, on prend son petit café et on rentre dormir chez soi.
Le Concertographe : Quels sont vos projets?
Tito Beltrán : Après cette premièreTraviata il y aura Roméo et Juliette, un rôle très dur, puis Madame Butterfly.
Le Concertographe : Des rôles plus lyriques
Tito Beltrán : Oui, même si jai déjà chanté des rôles lyriques, dans Nabucco, La Rondine
Mais Alfredo est en fait un rôle très lourd. Tout le monde pense quil sagit dun rôle pour un ténor lyrique léger, mais cest faux. Beaucoup de ténors ont chanté La Traviata avant den avoir la voix. Jai attendu sept ans avant de le chanter et je sens maintenant que cest le bon moment.
Le Concertographe : Comment avez-vous travaillé le rôle dAlfredo?
Tito Beltrán : Je lai travaillé dabord seul, puis tout le travail sur les nuances, linterprétation, la ligne de chant sest fait avec le maestro Renzetti. Cest un très bon chef, jaime travailler avec lui.
Le Concertographe : Comment voyez-vous ce rôle ?
Tito Beltrán : Cest un garçon jeune, encore inexpérimenté et qui na pas vraiment vécu, mais il nest pas stupide! Le premier acte se termine sûrement au lit avec Violetta! Jai vu beaucoup de productions où le personnage était timide, naïf
Non! Il sait ce quil veut et il le fait. Il est même un peu macho au troisième acte lorsquil croit avoir été trompé. Cest un personnage très viril.
Violetta également nest pas un personnage uniquement triste et douloureux. Elle veut vivre sa vie, elle est un peu coquine. Elle ne veut montrer à personne sa tristesse et la cache sous son sourire. Je trouve dailleurs la mise en scène proposée ici un peu trop dramatique, à mon goût. Nous avons essayé, avec Inva Mula, de proposer une interprétation vivante, plus joyeuse. Jai voulu que quelques gestes de mon personnage soient un peu coquins, par exemple au premier acte sur Si follegiava, lorsque Violetta et Alfredo se font surprendre dans leur duo, ou bien lorsquelle le rappelle quand il part et quil répond Perchè?. Je trouve très important de marquer par de tels gestes lintention du personnage. Il ne suffit pas de chanter, davoir une bonne technique, il faut jouer aussi.
Le Concertographe : Vous partagez laffiche avec la jeune soprano Inva Mula, dont on parle beaucoup actuellement. Quelles ont été vos relations de travail avec elle?
Tito Beltrán : Excellentes dès le premier jour! Cétait important car jai été très déçu de ne pas assurer la première représentation. Le théâtre me lavait promis il y a deux ans et cest ce qui mavait décidé à signer le contrat. Je devais chanter quatre Bohèmes au Metropolitan, que jai annulé pour pouvoir faire mes débuts ici dans La Traviata dans la première. Mais le théâtre ma mis en deuxième distribution. Nicolas Joël voulait que je chante avec Inva Mula, mais Leontina Vaduva ne fait pas de deuxième distribution. Je trouve tout cela injuste après avoir travaillé cinq fois ici, avec succès je crois. Je voudrais maintenant faire enfin les premières distributions. Jai été très touché par la réaction du public lorsque Inva Mula ma demandé de chanter dans son récital. Cétait incroyable dentendre les gens crier : Bravo Tito! Mais je suis très content de travailler avec Inva Mula, elle est fantastique, cest une Traviata parfaite. Je remercie beaucoup Nicolas Joël de mavoir fait chanter avec elle, même si cela nefface pas la déception de ne pas chanter la première.
Le Concertographe : Comment expliquez-vous votre succès auprès du public toulousain?
Tito Beltrán : Cest un public très gentil avec les chanteurs mais très dur, qui nhésite pas à exprimer ses sentiments. Jadore ça! Je ne pleurerais pas pour avoir des applaudissements si je ne chante pas bien et, si je ne plais pas au public, il a le droit de me huer.
Le Concertographe : Comptez-vous revenir à Toulouse?
Tito Beltrán : Jaimerais pouvoir faire un concert dairs dopéras avec Inva Mula au Théâtre du Capitole car je crois que le public en a envie. Hier encore des gens mont abordé au restaurant pour savoir quand jen ferai un.
Le Concertographe : Comment voyez-vous lévolution de votre voix et de votre carrière ?
Tito Beltrán : Je suis content de voir que ma voix sest élargie, que je la contrôle mieux et que jai même gagné quelques notes aiguës, jusquau Mi à pleine voix. Je suis satisfait de ma technique même si je sais que jai encore besoin de travailler la nuance piano. Dans La Traviata, javais tendance à tout chanter fort. Alors que jattaquais Lunge da lei, le maestro Renzetti dit à lorchestre Arrêtez tout! puis me demanda : Pourquoi es-tu si en colère? Tu es censé être amoureux. Chante avec seulement cinquante pour cent de la voix.
Jai répondu : Mais avec lorchestre, cela ne sortira pas!
-Mais si, ta voix parviendra jusquau public.
-Mais je ne men sens pas capable.
-Ce nest pas un problème, tu le fais, ce sera bien.
Et cest passé
Avec lui, jai vraiment appris à nuancer mon chant. Cest important car je veux faire passer tous mes sentiments à travers le chant. Il y a tant de chanteurs techniquement excellents qui ne dégagent aucune émotion. Il faut que tous les sentiments que je peux ressentir soient audibles pour le public. Vous savez, les spectateurs me croient toujours content parce que je suis toujours souriant. Cest que je veux vivre de façon très positive en nattachant aucune importance aux petits problèmes quotidiens. Mais, vous savez, je travaille dans le monde entier, je suis toujours seul, toujours en voyage. Cest très dur, mais je veux garder pour moi mes problèmes. Cest à travers mon chant que je mexprime, ce sont mes personnages qui me permettent de traduire mes sentiments.
Propos recueillis par Laurent Marty Laurent Marty
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