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Le bel âge, c’est quarante ans

Paris
Musée d’Orsay
02/03/2009 -  et 5, 7*, 8 février 2009
André Messager : L’Amour masqué

Etudiants du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris: Julie Fuchs (Elle), Camille Poul (La première servante), Chloé Briot (La deuxième servante), Florent Baffi (Lui), Laurent Laberdesque (Le baron), Hovhannes Asatryan (Le maharadja), Zhe Chi (L’interprète), Charlotte Dellion (Première dame), Dorothée Thivet (Deuxième dame), Cyrille Dubois (Premier monsieur), Nicolas Certenais (Deuxième monsieur)
Emmanuel Olivier (piano et direction musicale)
Emmanuelle Cordoliani (mise en scène), Emilie Roy (scénographie), Bruno Bescheron (lumières), Julie Scobeltzine (costumes)


(© Musée d’Orsay/Sophie Boegly)



«Le bel âge, c’est quarante ans»: L’Amour masqué (1923), dans lequel cet aphorisme est énoncé, en a plus du double, mais fait sourire comme au premier jour. Derrière les deux personnages principaux de cette comédie musicale en trois actes, simplement dénommés «Elle» (vingt ans tout juste) et «Lui» (la quarantaine... «depuis cinq ans», mais pour en avouer finalement quarante-deux), il n’est pas difficile de reconnaître l’auteur, Sacha Guitry, alors âgé de trente-huit ans, et Yvonne Printemps, la deuxième de ses cinq épouses. Les «masques» autobiographiques sont d’autant plus transparents qu’il est incidemment question d’un fils ayant dérobé une maîtresse à son père, un tour que Sacha avait joué à Lucien une dizaine d’années plus tôt.


Sans être une rareté absolue – elle a par exemple été présentée en avril 2004 à l’Opéra Comique – l’œuvre est ici donnée au Musée d’Orsay dans le prolongement de l’exposition «Masques. De Carpeaux à Picasso», qui s’est achevée le 1er février dernier. Relativement peu de musique sur les deux heures et quart de spectacle, mais de qualité, puisqu’elle est signée André Messager: les couplets «J’ai deux amants» sont passés à la postérité, mais les autres numéros, tour à tour tendres et légers, en demi-teintes ou dans le délire à la Offenbach, portent la signature subtile et raffinée du compositeur de Véronique, à l’aise aussi bien dans la valse et le tango que dans l’exotisme de pacotille ou la parodie (Carmen).


Sertie dans le lot habituel de vacheries, rosseries, traits d’esprit et calembours sans lesquels Sacha ne serait pas Guitry, l’intrigue conte la conquête par notre quarantenaire de la jeune femme, tombée amoureuse de son portrait réalisé... seize ans plus tôt. Voulant se faire aimer pour lui-même tout en craignant qu’Elle ne pense que «le vieux est l’ennemi du bien», Lui feint d’être le père de l’homme représenté sur le tableau mais n’en parvient pas moins à ses fins. L’aveu attendra le dernier acte – un ressort un peu maigre et assez prévisible, mais enrichi d’une galerie de figures pittoresques (baron aussi vain que prétentieux, maharadjah birman régalant d’un «koutchiska» qui n’a rien à envier au dobitchu du Splendid) et d’un deuxième acte où, au cours d’une fête galante au libertinage très XVIIIe, la confusion des identités et des sentiments est à son comble.


Dans une scénographie années folles d’Emilie Roy à base de panneaux mobiles, la mise en scène d’Emmanuelle Cordoliani exploite ingénieusement toutes les possibilités offertes par le texte: les didascalies sont dites à haute voix par un quatuor, qui, vêtu de toges, commente l’action comme le ferait un choeur antique, introduisant une distance bienvenue, même si le caractère systématique du procédé finit par devenir pesant; le pianiste et directeur musical, Emmanuel Olivier, en robe de chambre et pantoufles, ou bien arborant un canotier, est mis à contribution, par exemple pour entonner quelques notes en se faisant accompagner par l’un des chanteurs; même le changement de décor entre les deux premiers actes n’est pas laissé au hasard. Au deuxième acte, les surprenantes robes façon tenue d’Eve dessinées par Julie Scobeltzine apportent un grain de folie dans la lumière bleu nuit créée par Bruno Bescheron.


Tous étudiants au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, les chanteurs maîtrisent inégalement l’art de jouer la comédie. Certains se montrent cependant d’ores et déjà très convaincants, à commencer par Julie Fuchs, qui, reprenant le rôle destiné à Yvonne Printemps, porte une grande partie de la partition grâce à de solides atouts vocaux et musicaux, bien entourée par ses deux servantes Camille Poul et Chloé Briot. Le défi est exactement inverse pour Florent Baffi (Lui): le successeur de Guitry doit parvenir à faire croire qu’il est un acteur – et il y parvient, en poussant même le luxe jusqu’à ne pas se dévoiler dans les quelques moments où il doit donner de la voix. Baron, maharadjah baragouinant un sabir de mufti moliéresque et truchement pudibond, les autres rôles sont moins développés, mais tenus avec beaucoup de verve.



Simon Corley

 

 

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