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Fra Diavolo revient chez lui

Paris
Opéra-Comique
01/25/2009 -  et 17, 29, 31 janvier, 2, 4 février 2009
Daniel-François-Esprit Auber : Fra Diavolo
Kenneth Tarver (Fra Diavolo), Sumi Jo (Zerline), Antonio Figueroa (Lorenzo), Doris Lamprecht (Lady Pamela), Marc Molomot (Lord Cockburn), Vincent Pavesi (Mathéo), Thomas Dolié (Giacomo), Thomas Morris (Beppo)
Chœur Les Eléments, Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer (direction)
Jérôme Deschamps (mise en scène)


(© Pierre Grosbois)


Après Zampa d’Hérold, Fra Diavolo ou l’Auberge de Terracine d’Auber : l’Opéra-Comique redevient un repaire de brigands. Corsaires ou bandits, aristocrates déclassés ou dévoyés, idéalistes ou cupides, ils ont fasciné le dix-neuvième siècle littéraire et musical : la même année vit d’ailleurs la création de Fra Diavolo et celle d’Hernani. Fra Diavolo, lui, se contente de détrousser un couple d’Anglais en faisant la cour à la lady, avant d’être finalement capturé à cause de la sottise de ses deux complices. Tout finit donc bien et la fille de l’aubergiste épousera non pas le riche fermier que lui destine son père, mais son cher commandant des carabiniers, à qui l’Anglaise dont il avait retrouvé les bijoux a fait don d’une somme coquette. Rien, pourtant, ne va de soi : le brigand manque briser les couples. En ressuscitant la partition d’Auber, qui a incarné avec un incomparable savoir-faire l’opéra-comique français, la salle Favart continue donc de remplir sa mission : Fra Diavolo revient chez lui. Et l’on écoute avec plaisir cette musique pétillante, aux bulles tantôt françaises tantôt un tantinet rossiniennes, volontiers pimentée de virtuosité légère, dont les grandes scènes internationales – jusqu’à New York – s’emparèrent aussitôt.


Musicalement, ce Fra Diavolo tient beaucoup mieux la route que Zampa. Plus de ténor calamiteux : Kenneth Tarver a un joli timbre d’opéra-comique, une tessiture homogène avec un aigu facile et du grave – les ténors, à l’époque, devaient s’imposer dans tous les registres –, ce qui nous vaut une belle barcarolle au deuxième acte ; la maîtrise du souffle, dans le très difficile « Je vois marcher sous ma bannière » du troisième acte, garantit l’élégance du phrasé et l’aisance de la vocalisation. Voix guère plus grande mais non moins ronde, Sumi Jo, à condition de passer cette fois sur l’absence de grave et de bas médium, ne s’avère pas moins stylée, elle qui connaît bien le répertoire français – on se souvient de son Domino noir chez Decca, dirigé par un autre fin connaisseur du genre, Richard Bonynge : parfois écourté, le grand air du début du deuxième acte brille sous le feu de ses cadences. Mais on écoute aussi le Lorenzo du second ténor Antonio Figueroa, le reste de la distribution réunissant dans l’ensemble de belles voix tout à fait en situation. Le couple anglais, pourtant, convainc moins : comme dans Zampa, Doris Lamprecht ne peut cacher, malgré sa verve comique, ni les trous ni les acidités de sa voix, sans parler de ses difficultés à vocaliser, et Marc Molomat reste un peu pâle en Lord Cockburn. Mais cela passe, finalement : Jérémie Rhorer mène l’ensemble d’une main de vrai maître, réussissant là où William Christie avait échoué. Jamais brutale ou bruyante, la direction dose à merveille le rapport entre la fosse et la salle ; toute en finesse et en légèreté, elle laisse déguster, sans oublier le théâtre, les saveurs d’un orchestre plus raffiné qu’on ne le croit. Le chœur est excellent, toujours remarquablement préparé par Joël Suhubiette.


La mise en scène de Jérôme Deschamps, en revanche, pèche par sa banalité de premier degré. Dans des décors stylisés et de bon goût de Laurent Peduzzi, plus sobres que ceux de Macha Makeïeff, les chanteurs ne font rien d’autre que ce qu’on faisait il y a des décennies lorsque la direction d’acteurs se réduisait au minimum : Lady Pamela frôle la caricature boulevardière, Zerline ressemble aux soubrettes de convention. Certes rien ne dérange, mais, loin d’attendre du Regietheater, on eût souhaité une production plus piquante et plus inventive, qui rendît mieux justice à une musique pleine d’esprit.



Didier van Moere

 

 

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