About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Sous les auspices de l’hésitation

Paris
Théâtre du Châtelet
11/19/2008 -  
Franz Liszt : Concerto pour piano et orchestre n° 1 en mi bémol majeur
Anton Bruckner : Symphonie n° 2 en ut mineur

Louis Lortie (piano)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


L. Lortie (© Elias)


La profusion de concerts donnés dans la capitale ? Le temps maussade qui dissuade les spectateurs de sortir de chez eux ? Le temps maussade qui, au contraire, les pousse à plutôt se réfugier dans un café ou un restaurant ? Quelle que soit la raison, le public a, ce soir, quelque peu déserté le théâtre du Châtelet, l’assistance s’avérant relativement clairsemée. Pourtant, Kurt Masur était à la baguette, retrouvant pour l’occasion l’Orchestre national de France, phalange dont il a été chef titulaire d’octobre 2002 à juillet 2008 avant d’en confier les rênes à l’italien Daniele Gatti et d’en devenir le chef honoraire.


Masur inaugurait ce concert en dirigeant le Premier concerto pour piano de Franz Liszt (1811-1886) avec Louis Lortie en soliste, avant que tous deux ne s’envolent pour Vienne (ils donnent le Quatrième concerto de Beethoven au Musikverein le 21 novembre) et ne reviennent ensuite au Châtelet pour interpréter la Totentanz de Liszt (le 27 novembre). Liszt a toujours aimé composer pour le piano au point d’écrire, en février 1838 : « Mon piano, c’est pour moi ce qu’est au marin sa frégate… C’est moi, c’est ma parole, c’est ma vie… ». Cette relation fusionnelle avec son instrument de prédilection justifie peut-être la durée de labeur qu’a nécessitée la composition de son Premier concerto. Si les esquisses liminaires datent de 1830, il fut remanié à plusieurs reprises (en 1849 puis en 1853) et il faut attendre le mois de février 1855 pour que l’œuvre soit créée par le compositeur, sous la direction d’Hector Berlioz. Abordant le premier mouvement avec une violence tellurique, Louis Lortie déçoit : un toucher sans véritable grâce ou, au contraire, excessivement maniéré, une main gauche qui couvre fréquemment le jeu de la droite et, au final, un certain manque de musicalité. La première partie du deuxième mouvement Quasi adagio est plus intéressante, mêlant de façon quelque peu ludique la violence orchestrale (illustrée notamment par les trémolos des cordes) et le jeu aérien du pianiste. Beaucoup plus convaincant, Louis Lortie s’engage résolument dans le sillage des Préludes de Chopin tout en donnant à la partition quelques accents qui préfigurent déjà ce que pourra composer, bien des années plus tard, Claude Debussy. L’Allegro vivace est, sans conteste, la partie la mieux réussie du concerto : on admire notamment le jeu (l’expressivité du visage de Lortie est très significative…) entre le piano et les pizzicati des cordes où tout n’est que poursuites, bondissements et espièglerie. L’Allegro marziale animato final retombe malheureusement quelque peu dans les travers du mouvement introductif, handicapé au surplus par quelques décalages fâcheux entre l’orchestre et le soliste. Accueillie de façon modérée par le public, l’interprétation de Louis Lortie est complétée par un bis tout en finesse, « Au bord d’une source », extrait de la Première des trois Années de pèlerinage.


Par sa culture, Kurt Masur est évidemment proche de l’œuvre d’Anton Bruckner (1824-1896) qu’il a toujours veillé à programmer dans ses concerts. Ainsi, durant les six années qu’il a passées à la tête de l’Orchestre national de France, on l’a entendu diriger les Troisième (voir ici), Quatrième (voir ici), Septième et Neuvième symphonies du maître de Saint Florian. Ce soir, il abordait la Deuxième symphonie dans, grande question quand on interprète Bruckner, l’édition Nowak qui prend en considération les éléments de la première édition de 1872, supprimés dans l’édition ultérieure (1876) retenue par Haas. Cette symphonie, en ut mineur à l’instar des Première et Huitième symphonies, est, en réalité, la quatrième si l’on prend en compte les deux « symphonies de jeunesse » plus ou moins reniées par leur auteur. Fortement marqué par la mort de sa sœur en janvier 1870, Bruckner ne retrouva l’inspiration qu’en septembre 1872, époque à laquelle il entreprend la composition de cette nouvelle symphonie. Il la dédia à l’Orchestre philharmonique de Vienne (qui l’avait créée en octobre 1873) mais ce dernier refusa poliment. Bruckner choisit alors Franz Liszt comme dédicataire, lui qui avait auparavant loué la partition ; mais, un jour, celui-ci oublia ladite partition dans une chambre d’hôtel. Bruckner l’apprit et raya la dédicace : là encore, hésitation de l’hommage après les hésitations l’a conduit à deux remaniements de l’orchestration…


Face à la symphonie considérée comme la plus souriante de Bruckner, Kurt Masur suscite fréquemment l’ennui en raison d’une vision beaucoup trop statique, souffrant au surplus d’un orchestre très imparfait. Le premier mouvement, Moderato, n’avance jamais en raison d’une lourdeur qui s’accorde mal avec le climat printanier instauré par les longues phrases brucknériennes. Visiblement en petite forme, l’orchestre apparaît peu concerné : on regrette notamment la singulière absence de noblesse du cor solo ainsi que le manque de nuances des cordes qui, systématiquement, couvrent l’ensemble des vents. Après un second mouvement plus convaincant, Masur n’insuffle aucun élan au Scherzo, abordé de façon extrêmement aride, sans dynamique aucune. Quant au Finale. Mehr schnell, il conclut très imparfaitement la symphonie en dépit de quelques beaux moments, notamment le premier thème fugué. Au-delà de l’appréhension de l’œuvre par le chef, on s’étonne surtout des décalages entre les pupitres (incessants tout au long de ce concert) qui, en plus d’une occasion, ont obligé Sarah Nemtanu, premier violon solo, à marquer de façon très ostensible les temps afin que l’orchestre ne coure pas à la catastrophe ! De même, Kurt Masur doit parfois couper les élans des musiciens pour les caler et éviter ainsi de dangereux incidents… La prochaine représentation donnée au théâtre du Châtelet par l’Orchestre national comprendra notamment la Troisième symphonie de Bruckner (également au programme de son concert viennois) : il reste donc à espérer que le concert de ce soir ne sera qu’un faux pas…


Le site de Louis Lortie



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com