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Concert avec hautbois obligé…

Paris
Eglise Saint-Roch
11/05/2008 -  et 31 octobre (Brügge), 4 (Gent), 6 (Utrecht) novembre 2008
Jean-Sébastien Bach : Cantate BWV 12 « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen » – Cantate BWV 31 « Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir » – Cantate BWV 21 « Ich hatte viel Bekümmernis »
Heinrich Schütz : Motet SWV 25 « Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir »

Dorothee Mields (soprano), Damien Guillon (alto), Hans-Jörg Mammel (ténor), Stephan MacLeod (basse)
Chœur et orchestre du Collegium Vocale de Gand, Philippe Herreweghe (direction)


Le Collegium Vocale de Gand (© Edwin Koster)


Le spectateur qui n’aurait regardé l’affiche du concert que de façon distraite pourrait légitimement se poser la question : « Mais, au fait, suis-je venu écouter un récital de Marcel Ponseele ? » La question est légitime tant, une fois encore (comme d’habitude serait-on tenté de dire), le hautboïste solo de l’orchestre du Collegium Vocale de Gand a été exceptionnel dans chacune de ses interventions et s’est révélé omniprésent au fil de cette soirée…


Le concert débutait par la Cantate BWV 12 « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen » (« Pleurs, lamentations, tourments, découragement »). Œuvre de jeunesse composée par Jean-Sébastien Bach (1685-1750) à Weimar en 1714 sur un texte du poète Salomon Franck (1659-1725), elle a vraisemblablement été exécutée pour la première fois le 22 avril 1714, soit le troisième dimanche suivant Pâques. De petite envergure, elle ne fait intervenir que des voix solistes masculines, accompagnées par un chœur et un orchestre réduits. Le hautbois domine d’emblée la Sinfonia d’ouverture, instaurant une atmosphère de désolation et de dépouillement extrême qui ne quittera la cantate qu’à sa conclusion. Le chœur qui suit cette introduction orchestrale, « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen », est remarquable. D’une ampleur étonnante en dépit du faible nombre de chanteurs, douze au total (dont les quatre solistes), il emplit l’église dans le moindre de ses recoins ; ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Bach le réutilisa pour en faire le chœur du « Crucifixus » (cinquième partie du Symbolum Nicenum) de sa Messe en si mineur BWV 232. Marcel Ponseele intervient de nouveau en accompagnant dans une infinie douceur l’air chanté par Damien Guillon, quelque peu en difficulté face à une rythmique imprécise où le hautbois apparaît comme la bouée de sauvetage à laquelle chacun se raccroche. Force est de constater que les interventions de la basse, accompagnée notamment par deux violons solistes, puis du ténor, dans un duo avec une trompette (qui, rappelons-le, était considéré depuis la Renaissance comme l’instrument le plus proche de la voix humaine), s’avèrent ensuite assez peu captivantes en raison, notamment, d’une diction imparfaite des deux chanteurs.


Un bref intermède est ensuite proposé avec le Motet SWV 25 « Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir » de Heinrich Schütz (1585-1672). Interprétée avec grâce par les douze chanteurs du chœur du Collegium Vocale (seulement accompagnés par l’orgue), cette petite composition de cinq minutes s’avère tout à fait originale, mêlant l’austérité protestante à des accents tout droit venus d’Espagne.


Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, la Cantate BWV 31 « Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir » est loin d’être anecdotique puisqu’il s’agit peut-être, les débats entre musicologues font rage, de la plus ancienne partition autographe du Cantor. Composée en mai 1707, alors que Bach était organiste à l’église Saint-Blaise de Mülhausen, il s’agit pourtant d’une commande du pasteur de l’église Sainte-Marie de la même ville. Partition également remarquable par les différences de tonalité auxquelles elle fait appel (le hautbois et le basson jouant par exemple sur le mode mineur tandis que le reste de l’orchestre joue sur des tonalités majeures), elle débute par un chœur splendide, très allant, qui véhicule ses motifs sous la forme d’une vaste fugue. Extrêmement attentif à l’équilibre général, Philippe Herreweghe veille avec un soin extrême aux transitions, notamment celle qui unit le chœur et l’air suivant, chanté par la basse. Là encore, on ne peut qu’admirer le contraste existant dans cette partition entre l’anxiété distillée par l’excellent Stephan MacLeod et la quiétude du chant déclamé par le pupitre des sopranos. Après une nouvelle intervention passionnée du chœur (« Ich harre des Herrn », « J’attends le Seigneur »), la voix du ténor s’élève, accompagnée par un violoncelle auquel répondent les altos du chœur, parallélisme parfait de l’intervention précédente. Le chœur du Collegium Vocale conclut de la plus belle manière cette cantate, dans un air débutant par un véritable martèlement « Israel, Israel, Israel » dont on ne sait s’il s’agit d’une prière attentiste ou de la réjouissance d’un vœu exaucé...


Après un bref entracte, la seconde partie du concert était consacrée à une seule œuvre de Bach, la Cantate BWV 21 « Ich hatte viel Bekümmernis ». De grande ampleur (plus de quarante minutes), elle est divisée en deux parties et fait intervenir un orchestre plus étoffé qu’auparavant, puisqu’augmenté de trois trompettes et de timbales. A l’instar de la première cantate de ce concert, la Sinfonia introductive fait la part belle au hautbois qui est également le partenaire privilégie de la soprano (superbe Dorothee Mields) dans l’aria « Seufzer, Tränen, Kummer… », qui traduit avec justesse l’anxiété et la douleur de celui qui ne connaît pas Dieu. Touchante, cette cantate n’en est pas moins extrêmement technique (ainsi le chœur concluant la première partie, « Was betrübst du dich », tout en ruptures mélodiques et rythmiques) mais on doit souligner le naturel confondant de l’interprétation qui efface toute trace de complexité musicale… A ce titre, Philippe Herreweghe s’affirme de nouveau comme un parfait maître d’œuvre, peu directif, sachant faire confiance à son équipe et se « contentant » fréquemment de vibrer à l’unisson d’un public particulièrement silencieux (c’est assez rare pour être remarqué). Enfin, dans une atmosphère de réjouissance revenue, illustrée par l’intervention des trompettes et timbales, le concert est brillamment conclu par un chœur qui, à l’image de ce qui s’était passé en mai dernier (voir ici), est bissé par un public enthousiaste.


Signalons enfin aux amateurs qu’ils pourront de nouveau écouter Philippe Herreweghe et le Collegium Vocale dans La Création de Haydn (au Théâtre des Champs-Élysées le 29 novembre) et, de nouveau à l’église Saint-Roch, dans la Messe en si mineur de Bach le 27 février 2009.


Le site du Collegium Vocale de Gand



Sébastien Gauthier

 

 

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