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Les enfants de 1945

Paris
Cité de la musique
11/05/2008 -  
Karlheinz Stockhausen : Kontra-Punkte
Mark Andre : ...es...
Bruno Maderna : Serenata n° 2
Helmut Lachenmann : Mouvement (-vor der Erstarrung)

Ensemble intercontemporain, Peter Rundel (direction)


L’Ensemble intercontemporain (© Aymeric Warmé-Janville)



Du 30 octobre au 6 novembre, la Cité de la musique, qui a placé l’ensemble de sa saison sous la thématique du «Fil du temps», présente un cycle sobrement intitulé «1945». Si certains concerts ont déjà permis de faire un tour d’horizon du paysage musical (Stravinski, Schönberg, Bartók, Strauss, Chostakovitch, Martinu) de cette «année zéro» (le film de Rossellini a d’ailleurs été diffusé dans le cadre de cette série), celui de l’Ensemble intercontemporain (EIC) permettait de porter plus loin le regard, tout en se rattachant clairement à cet immédiat après-guerre.


C’est en effet dès 1946 que débutèrent à Darmstadt, sur les décombres matériels, moraux et esthétiques de l’après-guerre, les «cours d’été internationaux pour la nouvelle musique», qui ne tardèrent pas à devenir le creuset de l’avant-garde. Sous-titré «L’esprit de Darmstadt», le programme était ainsi consacré à deux des jeunes compositeurs qui s’efforçaient alors d’ouvrir de nouveaux chemins (Stockhausen, Maderna), alternant avec deux de leurs héritiers (Lachenmann, Andre).


A la veille d’une soirée de clôture qui devait lui être intégralement dédiée, Stockhausen était représenté par l’une de ses toutes premières œuvres, Kontra-Punkte (1953) pour dix instruments. 1945 fut également l’année de la mort de Webern, qui, plus encore que Schönberg, s’imposa rapidement comme une référence centrale de la modernité. De fait, le pointillisme annoncé par le titre y trouve manifestement son inspiration, mais s’y font également jour des caractéristiques allant au-delà du modèle wébernien, comme cette tendance à l’hédonisme et ce jeu sur les couleurs qui tire parti des oppositions entre les diverses familles de l’effectif instrumental.


Présent à ce concert, Mark Andre est né bien après 1945, puisqu’il n’est âgé que de quarante-quatre ans, mais il a également fréquenté Darmstadt. Créée en avril dernier, ...es... est une œuvre d’une vingtaine de minutes destinée à un ensemble de vingt instruments répartis en deux groupes symétriques. «Es», pronom impersonnel, peut se traduire par «il» ou «cela», mais est également le nom donné en allemand à mi bémol. Un crescendo de bruitages les plus incongrus, ponctués d’accords et claquements rageurs irrégulièrement espacés, conduit à un passage plus agité lancé par les deux pianos, mais les crissements, frottements et miaulements divers reprennent le dessus vers un apaisement (?) final. Le propos évoque parfois Varèse ou Grisey, mais le travail sur les sonorités inouïes et la tentation d’un nihilisme radical trahissent l’un des maîtres d’Andre, Helmut Lachenmann, lui aussi un habitué de Darmstadt.


Le chef remarquable que fut Bruno Maderna, intense et intuitif, est aujourd’hui quelque peu oublié, et le compositeur n’est guère plus favorisé. Sa Serenata n° 2 (1957) pour onze instruments révèle pourtant une manière à la fois subtile, raffinée et ludique de s’accommoder des contraintes sérielles: à la différence des «(contre)points» de Stockhausen, ce sont ici les sortilèges de la Klangfarbenmelodie, adoptant la forme de variations charmeuses, qui s’épuisent dans un engourdissement de répétitions fort peu orthodoxes.


Peter Rundel parachève son succès tant auprès du public que des musiciens en dirigeant avec virtuosité et gourmandise Mouvement (-vor der Erstarrung) (1984) de Lachenmann, fruit d’une commande de l’EIC. Fantomatique ou tapageuse, l’agitation bruitiste possède sans doute davantage de virulence et d’humour que chez Andre, mais à peine moins de poésie, et ce dans une durée identique. Dès lors, même avec un seul «clavier-jouet» (au lieu des trois prévus par la partition), cet étourdissant scherzo atteint son but paradoxal: parvenir à rendre étranges les rares moments où les modes de jeu traditionnels reprennent leurs droits.



Simon Corley

 

 

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