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Et ils eurent beaucoup d’enfants

Bruxelles
La Monnaie
10/10/2008 -  11, 12, 14, 15, 16, 17, 19*, 21 et 22 octobre 2008
Gioacchino Rossini : La Cenerentola ossia La bontá in trionfo
Silvia Tro Santafé*/Jennifer Larmore (Cenerentola), Javier Camarena*/David Alegret (Don Ramiro), Lionel Lhote/Nikolay Borchev* (Dandini), Donato di Stefano (Don Magnifico), Raffaella Milanesi (Clorinda), Giorgia Milanesi (Tisbe), Ugo Guagliardo/François Lis* (Alidoro)
Chœur d’hommes de la Monnaie, Piers Maxim (chef de chœur), Orchestre symphonique de la Monnaie, Mark Minkowski (direction)
Joan Font (mise en scène), Joan J. Guillén (décors et costumes), Albert Faura (éclairages), Xevi Dorca (chorégraphie)


© Sébastien Forthomme



Pas de gigantesque livre pivotant, comme dans la précédente production en 2000, mais des images vives et bigarrées : cette Cenerentola, confiée à l’homme de théâtre catalan Joan Font et au scénographe Joan J. Guillén, un vieux compagnon de route, sort tout droit des lectures de notre enfance. S’il en respecte l’essentiel, l’opéra de Rossini délaisse le surnaturel de ce conte de Perrault repris par les frères Grimm. Il n’y en a guère plus dans ce spectacle mais la fantaisie ne manque pas, grâce à un décor féerique, à des costumes et à des perruques, au sens propre du terme, hauts en couleur, aux éclairages particulièrement étudiés d’Albert Faura (encore un Espagnol) et à des effets qui font mouche, comme la scène de l’orage. Idée originale, six figurants déguisés en souris s’intègrent à l’action, tantôt en aidant la Cenerentola dans ses corvées, tantôt en déplaçant une diligence miniature, tantôt en entamant une amusante chorégraphique, tantôt en regardant sagement le spectacle. Ce sont elles, bien sûr, qui emmènent la pauvre fille délaissée à la fête, dans une commode transformée en carrosse.


Pas d’épaisseur psychologique non plus. Les gentils sont très gentils et les méchants vraiment méchants, encore que sur ce point, Don Magnifico, un peu moins ses deux détestables filles, suscite un élan de sympathie lorsqu’il extirpe, ému, un mouchoir quand tout fini par s’arranger. Mais l’ouvrage de Rossini lance un sérieux défi aux metteurs en scène : la progression dramatique accuse quelques failles, la découpe en deux actes, le second moins abouti et presque deux fois plus court que le premier, est handicapante et, surtout, comment faire rire sans tomber dans les grosses ficelles ? Ici réside la (relative) faiblesse de ce spectacle dans la mesure où il n’est pas aussi désopilant qu’on l’aurait souhaité. Signe qui ne trompe pas, le public, nettement plus familial qu’à l’accoutumée en ce dimanche après-midi, rigole peu. Joan Font semble embarrassé par ces arias belcantistes que les personnages chantent, la plupart du temps, face au public, le regard perdu au loin (tic des plus récurrents). Plus de burlesque et d’effets de surprise et un jeu scénique moins rigide et générique n’auraient pas été de refus.


La distribution, double pour certains rôles, suscite rarement l’enthousiasme mais mérite d’être applaudie pour sa performance soignée, même dans les redoutables pirouettes rossiniennes. Belcantiste chevronnée, Silvia Tro Santafé se situe en retrait, sa présence scénique n’étant pas aussi marquante que celle de Donato di Stefano, qui compose avec professionnalisme un Don Magnifico grotesque et cupide. Sœurs à la scène comme à la ville, Raffaella et Giorgia Milanesi campent, coiffées d’une impayable perruque jaune et rose, une Clorinda et une Tisbe techniquement au point et insupportablement pestes. Acteur un peu amidonné, Javier Camarena signe un Don Ramiro à la ligne vocale remarquable et jamais forcée. Musicien de valeur, François Lis réussit son incarnation majestueuse d’Alidoro tandis qu’il faudra retenir le nom de Nikolay Borchev (Dandini), habitué de la Monnaie depuis quelques années. Est-il encore besoin de saluer le travail du Chœur dirigé par Piers Maxim ?


Mais c’est de la fosse que provient la plus grande satisfaction. Mark Minkowski se produit pour la première fois dans celle de la Monnaie et dirige à cette occasion son premier Rossini – fréquents sont décidément les « baroqueux » qui s’aventurent en terre classique ou romantique (René Jacobs, Philippe Herreweghe, Nikolaus Harnoncourt, …). L’Ouverture, alerte et trépidante, inaugurait bien de la suite ; l’orchestre maison, aux bois affichant une forme éblouissante, réalise, du début à la fin, une prestation réjouissante. Au pianoforte, Francesco Corti accompagne les récitatifs avec imagination.




Sébastien Foucart

 

 

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