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Le Real de Madrid fait son cinéma Madrid Teatro Real 09/28/2008 - 30 Septembre, et 1, 3, 4, 7, 9, 10, 12, 13, 15, 16, 18, 19* Octobre Giuseppe Verdi: Un ballo in maschera Violetta Urmana (Amelia), Elena Zaremba (Ulrica), Alessandra Marianelli (Oscar), Marcelo Álvarez (Riccardo), Ludovic Tézier (Renato), Miguel Sola (Samuele), Scotte Wilde (Tom), Borja Quiza (Silvano), César San Martín (un serviteur)
Orchestre (Dragos A. Balan, premier violoncelle solo), et Chœur du Teatro Real, Jesús López Cobos (direction musicale)
Bruno Schwengl (costumes), David Harvey (lumières), Sergio Tramonti (scénographie), Duncan Macfarland (chorégraphie), Mario Martone (mise en scène)
Co-production avec le Royal Opera House, Covent Garden
(© Javier del Real)
A l’instar du Metropolitan Opera de New York, le Teatro Real sort de son écrin feutré dans le but de toucher un plus large public. Un ballo in maschera qui a ouvert la saison lyrique madrilène 2008/2009 a été retransmis en direct dans plus de 80 salles de cinéma en Europe, ainsi que sur diverses chaînes de radio. Il fera en outre l’objet d’un DVD.
Cette production signée Mario Martone valait bien la peine qu’un tel lustre lui fût donné. Le bond dans le temps d’environ un siècle ne nuit en rien à une mise en scène élégante qui reste lisible et cohérente, avec des moments d’une grande efficacité dramatique, notamment lorsque surgissent les conspirateurs à l’acte 2, ou encore lors de la scène finale du bal traitée avec beaucoup d’intelligence grâce à un effet de miroirs des plus réussis. Les couleurs dominantes sont le blanc, le gris acier, le noir, les teintes fauves des luxueux costumes de Bruno Schwengl, comme pour souligner que nous sommes les témoins d’une comédie noire au climat très ironique fait de douleur poignante, mais aussi de bonne humeur et de dérision. Les mouvements des chœurs sont intelligemment réglés et les éclairages de David Harvey contribuent grandement à ce beau résultat visuel.
Dans le panthéon des chanteurs d’opéra, l’Argentine occupe une place de choix ; dans cette distribution aussi, en la personne du ténor Marcelo Álvarez qui a chanté le rôle de Riccardo aux quatre coins du monde – il est sans doute celui qui le chante le plus actuellement. Si la gestuelle est d’un autre temps, la voix, en revanche, est toujours aussi séduisante. Le phrasé est élégant, les aigus tranchants comme une lame et l’émission d’une facilité déconcertante. Et puis, la dernière des quatorze représentations aidant, l’Argentin donne libre cours à une indéniable vaillance, sans pour autant céder à la tentation de hurler les piani de sa partition - c’est assez rare pour qu’on le mentionne -, piani dont on ne perd pas un seul décibel grâce à la magnifique acoustique du Teatro Real. La soprano Alessandra Marianelli campe un Oscar (première et unique occurrence d’un rôle travesti dans l’œuvre de Verdi) de bon aloi au charme léger et pétillant et à l’effervescence factice. Marianelli est très à l’aise dans les passages ornementés et son Oscar ne manque pas d’aplomb. Le Renato du Français Ludovic Tézier est lui aussi convaincant. La voix est riche en sonorités noires et profondes et son interprétation, servie avec art par une authentique voix de baryton, n’est pas sans noblesse, tout particulièrement dans le « Eri tu » de l’acte trois. Elena Zaremba est une solide Ulrica dont la voix charnue et puissante sait trouver de véritables accents diaboliques.
La Lituanienne Violetta Urmana (Amelia) est parfaitement à sa place dans ce rôle de soprano dramatique. Elle incarne une Amélia émotivement instable; son « Ma dall’arido stelo divulsa » du deuxième acte, de même que sa poignante aria « Morró, ma prima in grazia » de l’acte 3 où la voix est merveilleusement soutenue par les longues phrases implorantes du violoncelle solo interprétées avec sensibilité par Dragos A. Balan, sont toutes deux dignes de louanges.
Complétant cette solide distribution, Miguel Sola (Samuele), Scotte Wilde (Tom), Borja Quiza (Silvano), sont au niveau des exigences de leurs rôles respectifs.
C’est Jesús López Cobos qui préside aux destinées de l’orchestre et des chœurs, tous deux excellents, du Teatro Real. Le maestro joue avec beaucoup de bonheur sur les couleurs contrastées de cette partition : des pizzicati discrets des violons, des sonorités chaudes, rondes et obscures des cordes graves et des bassons, jusqu’aux convulsions qui agitent tout l’orchestre dans certains passages. Un léger reproche toutefois : une méticuleuse attention qui tourne à l’obsession de tout élucider dans le moindre détail sur tous les pupitres et qui confine parfois à l’affectation.
Christian Dalzon
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